La station des Rousses renonce à deux nouvelles pistes d’alpin

Le projet d'extension du domaine skiable franco-suisse Dôle-Tuffes passait par la destruction de plus de 5 hectares de forêt tout en s'appuyant sur une étude climatique flinguée par le Conseil national de la protection de la nature qui avait rendu un avis défavorable. Le préfet du Jura avait cependant validé le projet. La saisine du tribunal administratif par France Nature Environnement a conduit la station à négocier la révision de ses ambitions à la baisse contre un abandon de la procédure. Mais elle cherche toujours une solution pour l'entraînement et la compétition, explique le président du syndicat mixte de développement touristique, Sébastien Benoît-Guyod.

La Dôle, 1677 mètres d'altitude, est plus longtemps enneigée que les Tuffes, 1417 mètres, où étaient prévues les deux pistes auxquelles la station a renoncé... (Photo d'archives DB)
Intérêt public majeur insuffisamment justifié, évaluation incorrecte de l'impact sur la buxbaumie verte (une petite mousse rare), absence d'évaluation du dérangement d'espèces comme le venturon montagnard (petit passereau menacé d'extinction), étude climatologique « non scientifique » dont l'interprétation est à la « limite parfois franchie du climatoscepticisme »... Ces sévères critiques figurant dans l'avis défavorable rendu le 13 mai dernier par le Conseil national de protection de la nature allaient-elles régler son sort au projet d'extension du domaine du ski alpin de la station des Rousses ? Pas du tout. Le préfet du Jura avait, le 31 juillet, donné son aval à un chantier de 10,8 millions d'euros prévoyant la jonction des deux espaces de ski alpin des Tuffes et de la Dôle situés de part et d'autre de la Nationale 5 et de la frontière franco-suisse. Il s'agissait notamment de construire une nouvelle remontée mécanique enjambant la route entre le nouveau parking des Dappes et le sommet des Tuffes, de bâtir un centre d'accueil moderne aux Dappes, de créer deux nouvelles pistes sur les pentes des Tuffes. Le tout étant porté par le syndicat mixte de développement touristique la station des Rousses dont la filiale de gestion, la Sogestra, a repris en 2016 l'exploitation pour 27 ans des remontées mécaniques situées en Suisse et appartenant à la société TéléDôle SA, basée à Nyon.

FNE fait valoir « l'adaptation indispensable au réchauffement climatique »

Le feu vert préfectoral était cependant aussitôt contesté par France-Nature-Environnement Bourgogne-Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon. La saisine, juridiquement solide et potentiellement financièrement dévastatrice, a conduit la station à se rapprocher de la fédération environnementaliste avec qui elle a fini par passer un accord, histoire de préserver ce qui pouvait l'être de son projet. Les discussions sont allées bon train et le 24 octobre, FNE-BFC et le SMDT publiaient un communiqué annonçant un accord sous forme de protocole transactionnel. La première y indiquait avoir « fait valoir ses demandes environnementales pour faune, flore, paysages et forêts mais aussi l'adaptation indispensable au réchauffement climatique en rompant avec une logique d'investissement dans le seul ski alpin ». Le second se félicitait d'avoir « conservé l'essentiel du projet, à savoir la création d'une infrastructure téléportée entre les deux massifs skiables ». Quid des détails ? Personne ne semblait disposé à en dire davantage à la presse et au grand public, ni à faire de publicité au protocole signé le 17 octobre, soit une semaine plus tôt. Le président du SMDT, Sébastien Benoît-Guyod, expliquait cependant devant le conseil municipal des Rousses qui se tenait le soir du 24 octobre, jour de la publication du communiqué annonçant l'accord, que celui-ci supprimait la piste rouge événementielle Michel Cothenet (du nom d'un ancien commissaire de massif) et la piste verte panoramique. Il ajoutait que la modernisation du télésiège des Jouvencelles, le parking, que le bâtiment d'accueil au pied de la Dôle étaient maintenus et l'inauguration prévue pour 2021.

73% de déboisement en moins

Tenant sur trois pages, le protocole transactionnel, que nous avons pu lire, précise que l'abandon des deux pistes de ski envisagées correspond à 73% des déboisements initialement prévus, soit près de quatre hectares sur un peu plus de cinq. Il stipule qu'une nouvelle étude climatique doit être réalisée « sans délai » par un institut « indépendant et scientifique » et porter sur « l'évolution du climat à court, moyen et long terme ». Les résultats de cette étude devront être « suivis de décisions techniques, financières, économiques, sociales et environnementales intégrant les conséquences prévues ». Il s'agit en fait de bien inscrire la plus grande station du massif jurassien dans le tourisme quatre saisons. Bien que mentionnée par le projet initial, cette perspective quatre saisons était mise à mal par la réalité des investissements passés, majoritairement dans le ski alpin, alors même que la station disait vouloir « intégrer une évolution climatique avérée pouvant engendrer un manque de neige ». Forte de la modification sensible du projet, FNE-BFC a retiré sa saisine de la justice administrative. « On ne l'a pas fait sans garantie », explique son président Hervé Bellimaz en soulignant avoir obtenu « un usage modéré de la neige artificielle ». Ce point fait d'ailleurs l'objet du premier article du protocole dont la première phrase rappelle qu' « en Suisse, l'usage de la neige de culture est interdit sur le massif de la Dôle ». Les lignes suivantes sont consacrées au « rappel » de l'absence d'extension du réseau de neige artificielle dans le projet, mais aussi à l'engagement du SMDT de « ne pas réaliser de nouvelles infrastructures de stockage de l'eau ni à augmenter la capacité de la réserve collinaire existante du massif des Tuffes » et de « ne pas puiser dans le réseau d'eau de la collectivité territoriale des Rousses, ni dans le lac des Rousses ». « Ils ont dix ans devant eux pour faire du profit », commente Hervé Bellimaz en considérant que les perspectives climatiques vont condamner à terme le tout ski-alpin en moyenne montagne.  

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