Gustave Courbet : un bicentenaire dépolitisé mais pas trop

Le peintre sera honoré durant l'année 2019 comme « une marque » déclinée par le conseil départemental du Doubs sous de multiples formes : expos, concerts, colloque, actions scolaires, sportives ou sociales... Son soutien actif de la Commune de Paris, qu'il paya d'une fin de vie en exil, ne sera pas mis en avant...

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Avant de se quereller, brièvement mais intensément, sur l'IVG les conseillers départementaux du Doubs se sont entendus sur le bicentenaire de la naissance de Gustave Courbet, né le 10 juin 1819. La majorité a prévu une « programmation d'envergure nationale et internationale » dont le budget dépasse 1,4 million d'euros, dépenses de communication comprises. Car outre trois grandes expositions et un colloque scientifique, des concerts et des résidences d'artistes, il y aura des opérations tous azimuts en direction des scolaires, des habitants, des randonneurs (sentiers sur les sites des tableaux), des sportifs (course cycliste du siège de l'UCI d'Aigle à Ornans), des communes, des environnementalistes ou encore des « publics empêchés, handicapés ou vulnérables »... Bref, Courbet sera décliné à toutes les sauces au point de devenir « une marque » – Gustave Courbet... l'art d'être libre –, comme l'a expliqué la présidente Christine Bouquin en ouvrant les travaux de l'assemblée, lundi matin. On sait que le peintre désirait ardemment la reconnaissance, sinon la renommée. Le voilà tête de gondole, et ce serait commettre un anachronisme que de lui prêter post-mortem une quelconque opinion sur le sujet, lui qui a vécu avant la grande distribution. Espérons seulement qu'à la fin de 2019, les contemporains n'auront pas eu d'indigestion par surdose de marketing, que ceux qui aiment Courbet aujourd'hui l'aimeront toujours, et qu'il aura surtout un nouveau public... « L'engagement politique de Courbet » n'est pas oublié et doit faire l'objet d'un travail « amorcé avec l'association d'insertion Pari à Planoise à destination des collégiens ». L'artiste s'engagea auprès de La Commune de Paris, mais les dix pages du rapport consacré aux célébrations n'en font pas mention. Voyant dans « ce bicentenaire une action qui nous unit », Magali Duvernois (PS, Bethoncourt), rappelle cependant sa « formation d'historienne » pour suggérer une « focale plus importante sur [cet] engagement politique, notamment dans la Commune ». La réponse de Christine Bouquin est lapidaire : « Il ne vous a pas échappé que Courbet l'art d'être libre, ça veut dire quelque chose en soi. Et il y a un poème de Louise Michel... » Alain Marguet (LR, Ornans) est moins délicat : « C'est très bien d'avoir éludé cet engagement. La plupart des gens le connaissent. Il ne faut pas politiser ce bicentenaire... »  N'empêche, l'ancien député LR de la Drôme et éphémère ministre libéral-conservateur Hervé Mariton, participera au colloque scientifique international afin de « mettre en regard Soljenistsyne [sur qui il a écrit un livre] et la pensée de Courbet ». Tous deux furent en effet exilés, et l'on a hâte de découvrir ce que l'écrivain russe orthodoxe expulsé d'URSS, ayant vécu huit ans de goulag, et le peintre sans dieu condamné comme communard, ont d'autre en commun... On aurait cependant tort de ne s'arrêter que sur cette écume polémique du projet. Le musée Courbet a depuis quelques mois deux conservatrices : Frédérique Thomas-Morin termine sa carrière en étant spécifiquement attachée à la préparation du bicentenaire après lequel elle devrait partir, et Anne Roignot-Devroye, récemment recrutée. Un « tuilage » que Christine Bouquin estime « nécessaire et bénéfique au fonctionnement du pôle Courbet confronté à un surcroît d’activité très important ». Il a cet été reçu 15.500 visiteurs et devrait en voir bien davantage en 2019. Dans cette perspective, le département a d'ailleurs acheté la maison adjacente à l'atelier du peintre afin d'accueillir des artistes en résidence...      

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