De l’éolien au photovoltaïque ?

Ensemble Mobiliser nos énergies avait été créé dans la foulée du projet de parc éolien sur la côte de Moini, près de Quingey. L'incertitude de cette perspective conduit le collectif à rechercher d'autres projets fédérateurs à soutenir pour participer à la transition énergétique.

emne

Le projet éolien de la côte de Moini aurait-il du plomb dans les pâles ? « Il y a de fortes chances que ça ne se fasse plus et l'État est en partie responsable de la situation », dit Philippe Edme, le maire de Lombard, lors de l'assemblée générale du collectif EMNE qui réunissait samedi 12 mars au cinéma de Byans-sur-Doubs des habitants du petit territoire dont Quingey est le principal bourg. Qu'à cela ne tienne, EMNE n'est pas arcbouté sur les éoliennes. Son propos, c'est l'énergie. Plus précisément l'idée que la production d'énergie renouvelable doit être initiée et contrôlée par les citoyens. Autrement dit, la transition énergétique peut être l'occasion d'une transformation économique et sociale.

Certes, la réflexion vient d'un projet éolien venu d'ailleurs, mais il s'agissait surtout de ne pas se le laisser imposer sans y participer, sans en récupérer quelques retombées. S'il devait se poursuivre, il était question de construire une structure juridique en mesure d'acquérir une éolienne du parc, comme cela va être le cas à Chamole. Ce petit village surplombant Poligny est en passe d'accueillir, lui, six éoliennes pour lesquelles un permis de construire a été obtenu après qu'une enquête publique a débouché sur un avis favorable.

« Pousser les collectivités
à anticiper »

Résultat de l'action de l'association Vent du Grimont que préside son maire Jean-Louis Dufour, une société d'économie mixte doit bientôt voir le jour, constituée de particuliers et de collectivités locales : « dix sur douze ont signé les statuts, on se demande si on laisse réfléchir les autres... », dit-il en suspendant sa phrase que l'on peut continuer : ou si on avance sans elles... Avancer sans le Conseil départemental et la Communauté de communes du Comté de Grimont-Poligny... Le premier freine ses dépenses tous azimuts, le second se préoccupe surtout de la refonte de la carte intercommunale. Dans les deux cas, la réforme territoriale est sous-jacente. Parmi les partenaires partant, il y a la coopérative fromagère de Plasne...

Jean-Louis Dufour est surtout venu dire aux militants d'EMNE qu'il faut pousser les collectivités : « on leur dit d'anticiper dès qu'il y a un projet pour éviter que quelqu'un d'autre demande des autorisations d'exploiter dont il serait propriétaire ». Et dans ce cas, finies les perspectives de projet partagé, coconstruit avec les acteurs des territoires... Car là réside un élément de réussite qu'est le processus de démocratisation de la question énergétique. Des chercheurs ont souligné le parallèle entre esclavagisme et coût de l'énergie, mettant en exergue la violence accompagnant souvent le contrôle de l'énergie à grande échelle : dictatures pétrolières, agrocarburants remplaçant des cultures vivrières, voire militarisation du nucléaire...

« On a commencé à partir
d'une défiance envers les banques
parce ce qu'on voulait que
notre épargne serve à la transition énergétique »

Bernard Lachambre est aussi un praticien de la production d'énergie renouvelable par le biais d'une entreprise combinant démocratie économique et efficacité entrepreneuriale : Ercisol. « On a commencé en 2010 avec 65.000 euros et 35 personnes à partir d'une défiance envers les banques parce ce qu'on voulait que notre épargne serve à la transition énergétique. On a acheté un toit en 2012 pour faire une centrale photovoltaïque de 100 MgW, puis une centrale hydraulique de 200 MgW dont on a doublé la production. Il y a quelques dizaines de coop de ce style en France, plus de mille en Allemagne qui produisent 60% de l'énergie renouvelable », explique cet agrégé de math qui fut vice-président écolo de l'agglo de Montbéliard.

Daniel Hincelin, Yves Monnot et Bernard Lachambre.

Ercisol est aujourd'hui une société par actions simplifiée ayant adopté des statuts véritablement coopératifs (un homme = une voix) malgré des apports en capital différents de 155 actionnaires, dont beaucoup sont Alsaciens et Terrifortains, elle a près de 800.000 euros de capital, investi « parce que des gens y ont cru » dans des petits projets dans le massif des Vosges, en Isère, dans le sud-ouest... 

« Toute l'énergie mise en place
pour nous structurer,
on en fait quoi ? »

Pour compléter la démonstration, un petit film montre comment une communauté de communes du massif du Pilat a réalisé 170.000 euros d'investissement dans des toitures solaires, grâce à un quart mobilisé par des habitants faisant levier pour compléter par un emprunt bancaire. « La morosité nationale est contredite par des projets locaux », dit une habitante. Celui-ci produit 86 MgW et le modèle, assure le maire, est « transférable ».

Vice-président de la fédération nationale des Cigales, Daniel Hincelin explique comment une Cigales peut être un outil permettant à des petits groupes de cinq à vingt personnes d'accompagner financièrement des projets. La perspective des éoliennes de Moini s'éloigne ? Yves Monnot, administrateur à EMNE, ne se lamente pas que « les projets éoliens soient incertains » et interroge : « toute l'énergie mise en place pour nous structurer, on en fait quoi ? La transition énergétique, ce n'est pas que l'éolien, c'est produire local et de qualité ».

Un amendement pour supprimer une exception énergétique

Il propose donc de « pousser un projet concret : on a des bâtiments (Cuma, école de Chay, etc.) : pourquoi ne pas y mettre du photovoltaïque ? » L'idée est lancée, le président d'EMNE, Jean-François Dugourd, propose un projet de coopérative pour fédérer les acteurs : « la période est très favorable à la question de la transition énergétique qui permet de réfléchir à un partage différent des richesses et du temps ».

Le sénateur Jean-François Longeot (UDI, Doubs) est venu appuyer le projet. Il défend avec d'autres le retrait de l'exception inscrite dans la loi Madelin. Celle-ci organise la défiscalisation des investissements dans les entreprises, sauf dans la production d'énergie. Une mesure qui n'est pas de nature à empêcher la mainmise d'EDF sur la politique électrique du pays. Pour l'heure, l'amendement soutenu par l'ancien maire d'Ornans, rejeté parce que présenté dans un débat sur l'énergie : sera représenté lors du débat fiscal...

 

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