Center parcs : la région sollicite une analyse extérieure

Le Conseil régional a lancé le 14 octobre un appel d'offres pour une assistance à maîtrise d'ouvrage afin d'analyser les conditions de participation des régions aux projets de Poligny et du Rousset. La « volonté de s'engager » demeure, mais la consultation vise à étudier, bien plus précisément que cela n'a été fait jusque là, la dimension économique et financière d'un projet privé qui mise sur l'argent public et l'épargne pour constituer 80% de l'investissement.

Visite en forêt de Poligny, le 13 juin 2015, à l'occasion du débat public.

Le Conseil régional de Franche-Comté a discrètement publié le 14 octobre un appel d'offres, clos le 12 novembre, pour une « mission d'analyse et d'assistance technique relatives aux conditions de participation des Régions Bourgogne et Franche-Comté aux projets de création d'un Center Parcs à Poligny et au RoussetLe Rousset est en Saône-et-Loire ». Le cahier des clauses techniques particulières (voir ici), bien plus précis que l'appel d'offres, revient sur le « contexte de la consultation » en confirmant « la volonté » des collectivités de Bourgogne et de Franche-Comté de « s'engager en faveur des projets initiés par Pierre & Vacances ».

Le document annonce les autorisations administratives, notamment les permis de construire, pour la fin du premier semestre 2016 et l'ouverture des deux sites pour la mi-2019, « sous réserve d'une finalisation technique et d'un dépôt des dossiers par Pierre & Vacances ». Il revient en effet au groupe présidé par Gérard Brémont de dire, dans les trois mois suivant la fin du débat public qui s'est terminé le 3 septembre, s'il maintient ses projets. Chahutée lors de cette dernière réunion de restitution du débat à Poligny, l'entreprise avait soigneusement renvoyé à plus tard sa décision, tout en laissant entendre qu'elle n'abandonnait en rien ses projets. 

Une nouvelle hypothèse : la société publique locale

« Ça ne veut rien dire un zadiste »
L'opposition aux projets de Center parcs s'est exprimée lors des débats publics. Il faudra aussi compter avec des opposants qui ont boycotté cette procédure. Une cinquantaine de personnes ont ainsi participé le 26 septembre à la mairie de Poligny à une réunion initiée par un collectif jurassien bien disposé à engager une lutte sur le terrain : « le juridique est important, mais il ne faut pas s'y concentrer, on s'y épuise », dit un opposant au projet de Roybon venu témoigner en même temps qu'était projeté un film sur l'organisation de la ZAD iséroise.
Là-bas, l'enquête publique avait conclu à un avis défavorable que le préfet avait contourné en s'appuyant sur le conseil national du développement durable, mais la justice a finalement suspendu les travaux. « Les pêcheurs de la Drôme ont engagé une procédure car ceux de l'Isère ont stoppé la leur procédure car ils craignaient l'arrêt des subventions par le Département », explique Henri Mora qui s'est battu depuis le début et veut souligner que les moyens de pression les moins avouables sont envisageables.
Le film, réalisé du point de vue des opposants, montre quelques belles réalisations d'habitats légers. Il remet en cause le vocabulaire médiatique : « ça ne veut rien dire un zadiste », dit une jeune femme. Il y a toutes sortes de façons de participer : « ce n'est pas possible sans des tas de gens autour qui apportent à manger, des meubles, des couvertures, des outils... Il y a toujours des gens qui entrent et qui sortent, des retraités, des étudiants là deux semaines, des gens en congés... Il y a beaucoup de gens mobiles ». Une autre témoigne : « au début, je travaillais, j'y suis allée tous les week-end... »
Y aura-t-il une ZAD à Poligny ? Pour Henri Mora, la question n'est pas d'actualité : « il faut un maximum de gens au courant, l'avenir dira ce qu'il y a à faire. Il faut arriver à parler avec les gens opposés à nous sinon on va au clash ». Riveraine du site du projet de Poligny, Marguerite « ne rêve pas de créer une ZAD et de passer l'hiver dans la forêt avec [sa] fille de quatre ans... »

Restait cependant la très sensible question de l'eau du dossier de Poligny, soulignée par plusieurs associations et scientifiques. Jean-Michel Klotz, directeur général du développement du groupe, était passé ce jour-là en moins d'une minute sur ce point délicat : « ce sera au Conseil départemental de dire » si c'est possible, « tout dépendra des études complémentaires sur le niveau de l'Ain et la qualité des aquifères ». Le président du Département Clément Pernot avait dit y croire tout en n'insultant pas l'avenir : « L'eau n'est pas un problème technique. Si on n'avait pas une réponse technique, croyez-vous que je tiendrais ce propos ? Et s'il y a incohérence technique qui ne trouve pas de solution (sic), je serai le premier à venir ici. Je m'engage pour que les dossiers techniques eau et assainissement soient engagés dans la plus grande transparence ».

Cependant, c'est une « analyse des conditions juridiques, économiques et financières » que la région de Franche-Comté met en avant de son appel d'offres d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Il est demandé au futur lauréat de la consultation de procéder à une « analyse comparative de différentes hypothèses » : une société d'économie mixte par projet ou une pour les deux, ou encore, c'est une nouveauté de la réflexion, une société publique locale. Rappelons que la SEM initialement envisagée, et « à ce stade privilégiée », était destinée à porter le centre aqualudique sous bulle tropicale nommé Aquamundo. Dans une SEM, les collectivités sont majoritaires et détiennent de 50% à 85% du capital. Une SPL n'a que des actionnaires publics, au moins deux. 

Échéance à décembre 2017

La mission devra également « évaluer les conditions de l'équilibre » des modèles économiques « à partir d'hypothèses de financement, d'échelonnement de l'amortissement, de rémunération des actionnaires et des différentes flux financiers prévisionnels ». Ceci, afin de définir les « processus à mettre en oeuvre, leur calendrier, les éléments clé et les points de vigilance nécessitant une analyse complémentaire lors des étapes ultérieures ». Cette première phase, dont le démarrage doit être notifé en janvier 2016, est censée durer trois mois.

Après quoi, en fonction des conclusions de la comparaison des formes juridiques et des hypothèses, il est demandé à la mission d'assistance de passer au stade opérationnel. Autrement dit de préparer la constitution de la société et de rédiger ses statuts, mais aussi de travailler les contrats de vente sur plan des cottages. Cette seconde phase ne doit pas dépasser vingt mois. L'échéance est donc fixée à décembre 2017.

Le recours à une assistance à maîtrise d'ouvrage traduit-il l'embarras du conseil régional dans un dossier explosif ? On peut le penser, mais la présidente Marie-Guite Dufay s'en défend. A l'entendre, il n'y a rien de plus normal que d'en passer par là. C'est ce que glisse aussi Denis Sommer, le premier vice-président, pour qui il faut aller chercher à l'extérieur des compétences extrêmement pointues en matière juridique, économique ou financière. Est-ce à dire que les services de la région n'ont pas ces compétences ? Pas sûr. Reste que deux avis techniques valent mieux qu'un. Reste aussi qu'il y a un réel intérêt à aller chercher en externe un avis « neutre », ne serait-ce par rapport aux éventuels pré-supposés de l'administration qui a porté le projet dans sa phase secrète. C'est enfin une façon de garder un minimum de contrôle, sinon de regard critique sur le maître d'oeuvre, le groupe Pierre & Vacances... De ce point de vue, c'est aussi une façon d'externaliser une analyse pouvant conduire à une très grande prudence par rapport au projet.

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