Center parcs de Poligny : la forêt est-elle constructible ?

La révision du Plan local d'urbanisme intègre la création d'une zone à vocation touristique destinée à rendre constructibles et aménageables 89 hectares d'une forêt située sur le premier plateau. L'enquête publique où chacun peut donner son avis, doit durer jusqu'au 6 janvier. L'autorité environnementale a formulé plusieurs recommandations, l'INAO a émis un avis défavorable.

plu-poligny

L'obligatoire transformation du Plan d'occupation des sols en Projet local d'urbanisme est engagée depuis 2008 à Poligny. La procédure était presque aboutie, mais le projet de PLU finalisé en 2013 souffrait d'un manque rédhibitoire : il ne disait rien du projet de center parcs, ne prévoyant aucun zonage le permettant, la forêt étant classée zone naturelle, donc inconstructible.

La révision du PLU soumise à enquête publique du 6 décembre au 6 janvier 2017 comble cette lacune et propose le classement de 88,9 hectares de forêt en zone à vocation touristique. Cette unique raison de réviser aujourd'hui un PLU qui aurait dû l'être il y a trois ans, arrive à la page 307 du rapport de présentation qui en compte 376. La proposition, adoptée le 8 juillet par le conseil municipal, consiste à délimiter une zone où « sont autorisés hébergements, équipements de loisirs et les activités et infrastructures liées : habitations, bureaux, commerces, parkings... »

Commencez par le résumé non technique qui est... à la fin

Le document réalisé par le bureau d'études bisontin Sciences-Environnement et un cabinet d'avocats spécialisé en droit administratifCoppi, Grillon, Brocard et Gire, à Dijon et Besançon, ne commence pas par le résumé non technique lisible par tout un chacun, comme c'est recommandé par l'usage. Il arrive même que ce résumé fasse l'objet d'un document séparé pour davantage de clarté. Là, il arrive à la fin, page 367... Mieux vaut donc en démarrer la lecture par là !

Le dossier se veut cependant rassurant en indiquant que « seuls 30 à 40 hectares seront impactés par le projet. Le reste sera conservé en boisement, espaces naturels ou semi-naturels ». La « recherche » des zones humides sur un secteur d'étude plus vaste a conclu à la présence de 319 m² de zones humides hors des 88,9 ha, mais « certains profils pédologiques présentant des signes d'oxydation ou des concrétions » n'ont pas été retenus comme pouvant être classés comme zones humides en raison de caractéristiques jugées — par les auteurs de l'étude d'impact commandée par Pierre et Vacances — insuffisantes. Les spécialistes de l'hydrogéologie y verront peut-être matière à discussion. L'autorité environnementale, dont l'avis est consultatif mais les recommandations souvent considérées comme impératives, a recommande pour sa part « une analyse plus approfondie des zones humides préalablement à leur aménagement afin de mobiliser la séquence éviter, réduire, compenser ».

« La réduction du risque de pollution des milieux aquatiques
et des nappes constitue l’enjeu le plus important »

Le document se base aussi sur cette étude d'impact pour évoquer les chauves-souris dont une espèce, le petit rhinolophe, justifie par sa présence l'une des trois zones Natura 2000 toutes proches. S'il transite par la zone prévue pour le center parcs, notamment pour y chasser et s'y reposer, il ne s'y reproduirait pas. Néanmoins, la « perte de territoires de chasse » du chiroptère devra faire l'objet de « mesures adaptées ».

Lesquelles ? L'autorité environnementale, dont l'avis est consultatif mais les recommandations souvent considérées comme impératives, a justement noté l'absence de précisions et suggère que les « mesures d’évitement, de réduction et/ou de compensation citées dans l’évaluation environnementale gagneraient à être précisées ». Ces remarques valent aussi pour le pic noir et le chat forestier pour lesquels « l'évitement [de l'impact] n'est pas envisageable ». L'autorité environnementale pointe également « l'effet négatif sur le bilan carbone de la commune et du territoire plus large, du fait notamment du flux de déplacements motorisés engendrés » par un center parcs.

La zone est également sur le bassin d'alimentation des sources de la Seille, à Ladoye-sur-Seille, justement située sur le site Natura 2000 des reculées de la haute Seille. Le document explique que les eaux usées du center parcs devant être traitées par la future nouvelle station d'épuration de Poligny, « l'incidence quantitative et qualitative sur les habitats aquatiques du site Natura 2000 seront donc insignifiants sous réserve de l'application des dispositions ». Quelles dispositions ? On présume qu'il s'agit de celles prévues par les textes.

Pour l'autorité environnementale, « la réduction du risque de pollution des milieux aquatiques et des nappes constitue l’enjeu le plus important, compte tenu de la présence de sols karstiques ». Elle « souligne également l’importance de poursuivre le traitement de ce sujet au stade du projet d’équipement de loisirs, ainsi que du suivi et des contrôles à mener en phase exploitation ». Autrement dit, l'examen de cette question est renvoyée à la... prochaine enquête publique !

Objectif 4700 habitants en 2030

Outre le volumineux dossier de présentation et les quatorze pages de l'avis de l'autorité environnementale, le projet de PLU comprend une vingtaine de pièces parmi lesquelles on remarque l'avis favorable et sans une seule remarque de la Chambre de commerce et d'industrie du Jura qui tient en cinq lignes, formules de courtoisie comprises. C'est un peu juste pour un projet qui s'inscrit, au-delà du classement de 89 hectares de forêt en zone constructible et touristique, dans une perspective de développement de la population de Poligny d'environ 10% pour arriver à 4700 habitants d'ici 2030, un niveau atteint en 1990. 

Alors que la vacance immobilière est de 11,7%, le besoin de nouveaux logements est estimé à près de 300 : 150 dans les dents creuses de l'actuel tissu urbain, 130 en prenant sur des espaces agricoles voisinant pour certains avec la RD 1083, l'ancienne nationale Besançon-Lons ! C'est notamment ce qui a valu l'avis défavorable rendu par l'INAO qui déplore la perspective de la perte de 5 hectares d'AOC viticole côtes-du-Jura et souligne que les conséquences de l'urbanisation sur le comté correspondent à la perte de 325 meules.

La Chambre d'agriculture du Jura, présidée par le conseiller départemental du canton de Poligny, Dominique Chalumeaux, a quant à elle émis un avis favorable avec réserves. Elle souligne la nécessité d'une « étude à envisager » pour que le trafic induit par le center parcs ne perturbe pas la circulation des troupeaux et des engins agricoles, que l'accès soit par Plasne ou par la RN5. Elle critique aussi l'emprise de l'habitat ou des zones d'activité économique projeté sur des terres agricoles « fonctionnelles » et souhaite qu'elle soit réduite.

 

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