Center Parc de Poligny : les « conditions » de la réussite du projet

Une étude financée par Pierre et Vacances, que Factuel s'est procurée, conclut à la nécessité de l'adaptation du projet afin de tenir compte du territoire. Alors que la Commission nationale du débat public est saisie, la stratégie du groupe semble se dessiner... Le cabinet Mutadis a entendu 37 personnes, mais Le Pic Noir et FNE Jura ont décliné l'invitation.

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Le titre du rapport d'audit patrimonial est légèrement pompeux, mais il montre bien que Pierre et Vacances reste droit dans ses bottes : « Démarche de co-expertise stratégique : Identification des conditions et des moyens d'une contribution effective du projet de centre de loisirs Center Parc de Poligny au développement durable de son territoire d'implantation ».

En 51 pages, la version finale du rapport (lire ici) que le groupe a commandé au cabinet Mutadis, délivre la synthèse de 37 auditions de « personnes porteuses d'enjeux », pour la plupart favorables au projet, pour certaines critiques, voire franchement hostiles. Les principaux opposants, l'association Le Pic noir et France Nature Environnement Jura, sollicités, ont décliné l'offre, préférant ne pas être associées à un travail dont le but implicite est de rendre acceptable le projet, notamment en tentant de l'amender.

Mutadis, un cabinet conseil contesté notamment par les défenseurs de l'environnement, lire ici sur Reporterre.

On comprend à la lecture du rapport que les porteurs et les soutiens du projet s'alarment tant « les attentes et les inquiétudes sont fortes », ne serait-ce parce que « du point de vue des forces vives du territoire, la contribution du projet au développement durable apparaît peu ou très partiellement prise en charge ». En effet, « de nombreux acteurs du territoire restent, faute d'information, dans l'expectative », alors que force est de constater un « déficit de présence sur le terrain du groupe Pierre et Vacances alors que les élus jouent un rôle de premier plan dans la communication ».

La curieuse stratégie de Pierre et Vacances
Mutadis explique (page 7) que la présentation de l'audit devait avoir lieu en janvier 2015, mais que la saisine par Pierre et Vacances de la Commission nationale du débat public empêche le groupe d'être « à l'initiative de toute réunion publique de concertation ».
Cette « restitution » a donc été reportée après la clôture du débat public. On se demande bien à quoi elle pourra alors servir... A moins qu'elle ne délivre quelques éléments de la stratégie de Pierre et Vacances. Puisque « la diffusion des conclusions du processus est soumise à l'agrément du commanditaire ».

Le « déficit de présence » de Pierre et Vacances

Les rapporteurs sont bien gentils car Pierre et Vacances est bel et bien venu sur place, notamment pour choisir la forêt des Tartaroz et créer en 2008 deux filiales dédiées au projet dont on n'entendra parler que bien plus tard. Ce n'est pas un « déficit de présence », autrement dit une absence que l'on peut repprocher au groupe, c'est une présence secrète ! A tout le moins discrète. De fait, Mutadis lui donne en filigrane quelques conseils, présentés dès la page 9 : « une contribution effective du projet au développement durable de ce territoire implique que le projet puisse évoluer et s'adapter dans sa phase de conception ».

Rendons-nous alors directement à la fin du rapport, page 44, pour savoir quelles sont les « actions concrètes à mettre en oeuvre ». Elles sont de quatre types. Les premières consistent à « trouver les voies d'une valorisation croisée du projet de Center Parc et du territoire », comme « intégrer dans le bouquet d'offres du parc d'autres activités du territoire », les promouvoir ensemble, « concevoir les installations et l'organisation des activités de façon à permettre aux visiteurs de rayonner sur le territoire », « ouvrir le parc aux populations locales avec des formules d'accès à la journée ».

L'audit reprend les arguments de Christophe Perny

Les secondes visent à « protéger l'environnement et la biodiversité » en « évitant, réduisant et compensant les impacts du projet ». Comment ? En respectant la loi ! « réaliser une étude d'impact environnementale complète et de qualité, mener une étude exhaustive sur les enjeux liés à l'eau (...), étudier les alternatives à l'imperméabilisation des sols (...), mettre en place des zones tampons entre les cours d'eau et la station d'épuration... »

Les troisièmes actions entendent « favoriser la sobriété énergétique et développer les énergies renouvelables ». Bilan énergétique prévisionnel, panneaux solaires, étude d'une chaufferie bois et du projet de méthanisation « porté par un groupe d'agriculteurs et soutenu par la chambre d'agriculture... ». Le développement des « synergies avec le tissu socio-économique du territoire pour les phases de construction et d'exploitation » relève du quatrième type d'actions : « activer les réseaux professionnels, travailler conjointement la structuration des professionnels locaux et la conception du projet, intégrer les entreprises et groupements d'entreprises locaux dans les procédures liées aux appels d'offres... »

On reconnaît là les arguments que Christophe Perny, le président du Conseil général du Jura, a défendus lors d'une réunion publique, le 17 décembre dernier à Poligny. Les rapporteurs de Mutadis indiquent, qu'outre les agriculteurs qui pourraient fournir le Center Parc en circuits courts ou contribuer au volet énergétique de l'affaire, la filière bois et le BTP sont « prêts à s'investir ».

La bulle aquatique en « décalage avec les objectifs affichés »

Avant d'en arriver à ces conclusions, l'audit a identifié les « problèmes » évoqués par plusieurs personnes entendues : risques financiers pris par les collectivités, déficit démocratique, fragilité de Pierre et Vacances, risques d'infiltrations dans le karst suite au défrichage et à l'artificialisation des sols, impact sur l'urbanisme et le logement à Poligny, serre à 29° en « décalage avec les objectifs affichés »... Là, ce sont les arguments des opposants et des sceptiques : bien qu'absents des auditions, les plus farouches détracteurs avaient des porte-parole parmi les audités !

Les auditeurs ont demandés à leurs interlocuteurs de réfléchir à trois scénarios. Le premier est « tendanciel », c'est à dire avec le projet tel qu'on le connaît en regardant les parcs existant, serait celui qui « contribue au développement du territoire dans le voisinage du site sans réaliser toutes ses potentialités ». Il est « difficile à imaginer faute d'une information suffisante ». C'est quand même ce qui nous pend actuellement au nez.

La pression des opposants ou une espèce protégée pourraient remettre en cause le projet...

Le second est celui du scénario « négatif » pouvant advenir dans trois hypothèses : une « friche touristique » générée par des difficultés économiques qui produirait « le pire » : une « catastrophe économique et écologique ». La seconde hypothèse d'échec est celle d'un projet « sous bulle », sans effort d'intégration économique et/ou environnementale. La troisième serait une « remise en cause sous la pression des opposants, en raison de la dégradation de la confiance des investisseurs privés, de nouvelles informations comme l'identification d'une espèce protégée, ou d'une fragilité juridique ».

Le troisième scénario est celui où tout baignerait dans le meilleur des consensus, « majoritairement exprimé » par les personnes auditées par Mutadis. Le projet se construirait et vivrait « avec les acteurs du territoire », jouerait « un rôle de catalyseur permettant au territoire de progresser sur l'eau, les énergies renouvelables, le développement des circuits courts, au-delà du seul projet de Center Parc ». C'est possible à une condition, prévient Mutadis : « l'adaptabilité du projet au cours de son élaboration, une concertation avec l'ensemble des forces vives du territoire ».

Bref, un Center Parc « faisant travailler les entreprises du territoire » et devenant « un partenaire ». On allait dire dans un monde merveilleux...

 

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