Besançon : Les Vaîtes sujettes au risque de glissement de terrain

La « zone d'aménagement concertée » de ce quartier horticole et maraîcher promis à l'urbanisation est impactée par des problématiques environnementales sur lesquelles les élus sont plus que discrets : zones humides, ruissellement des eaux superficielles, risques de glissement de terrain... Pourtant, tout est dans les documents d'urbanisme...

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« On n'est pas assez idiot pour faire des aménagements qui vous empêcheraient de rentrer votre voiture dans votre garage... » La réunion publique de présentation de la première tranche de travaux à la ZAC des Vaîtes, où près de 200 personnes se pressent ce lundi 14 novembre à l'école Jean-Zay, vient de passer à la phase des questions de la salle et Jean-Louis Fousseret s'agace un peu. Deux habitants voudraient bien savoir si ce qu'ils ont entendu de la part des services municipaux, la mise à double sens d'une actuelle impasse qui, prolongée, rejoindrait l'avenue des Vaîtes et la station de tram du même nom, est vraiment envisagé. Avec des conséquences contraignantes pour des riverains...

La réponse du maire — « on va prendre note » — ne satisfait qu'à moitié les habitants : « Ça a déjà été noté », dit une dame. Un voisin insiste : « C'est pourtant ce qui a été proposé. N'oubliez pas, monsieur le maire, que ça a été très dur de la part de la ville... » Jean-Louis Fousseret le coupe : « Vous avez quand même choisi d'y habiter ». Réplique du citoyen : « C'est mesquin ».

Le 14 novembre à l'école Jean-Zay.

Cet échange crispé illustre la méfiance à l'égard de la municipalité qui porte depuis quinze ans le projet d'urbaniser un secteur consacré depuis longtemps au maraichage et aux jardins voisinant avec quelques friches, certaines boisées, et adossé aux collines des Bicquey et du Bois de Chalezeule, riches en biodiversité. Le tracé du tram a déjà empiété sur des cultures, anticipant la construction le long des voies, entre les stations Vaîtes et Schweitzer, des trois premiers programmes immobiliers dont les travaux doivent démarrer début 2017.

Nombreuses évolutions du plan local d'urbanisme

Sur son blog, l'association Les Vaîtes ironise sur les douze années nécessaires à « l'accouchement » du projet. De fait, celui-ci a singulièrement été amendé. D'abord prévu sur 40 hectares, puis 34, il ne l'est plus que sur 23. Et son président Eric Daclin persifle : « les promoteurs ne se bousculent pas pour y construire ». Entre temps, plusieurs évolutions du Plan local d'urbanisme ont eu lieu, la dernière, approuvée lors du conseil municipal du 7 novembre, ayant enfin débouché le 28 novembre sur la mise à jour sur le site de la Ville (voir ici) des nombreux documents — une quarantaine — qui le composent.

Pour fastidieuse qu'elle soit, leur lecture est instructive. Elle est aussi surprenante quand on voit par exemple que le diagnostic, daté de 2007, mentionne comme « broussailles » des parties boisées. Un petit bois bien touffu par endroits comprend l'une des trois zones humides du périmètre initial de la ZAC dont elle a fini par être retirée. Il est aujourd'hui question de la préserver, voire de la réhabiliter, ce qui pourrait constituer la compensation, légalement nécessaire, de la destruction de l'une des deux autres petites zones humides. Cette première zone humide s'est peu à peu asséchée, sans doute du fait de l'urbanisation, comme le souligne l'auteur de l'étude d'impact accompagnant la procédure d'autorisation de la ZAC au titre de la loi sur l'eau.

Le risque d'un glissement de terrain suite à l'intervention de l'homme

La roselière à l'intérieur du petit bois.

Ce petit bois encore un peu sauvage est situé en haut du vallon argileux des Vaîtes. On est là sur un sol plutôt rare à Besançon dont l'essentiel des constructions est bâti sur le karst. D'ailleurs, le PLU préconise d' « urbaniser sur le karst »page 79 du document du PLU "état initial de l'environnement". Le document de prévention des risques de mouvements de terrains établi par l'administrationLaboratoire régional des Ponts-et-chaussées d'Autun pour la DDE du Doubs précise qu'on est sur des « marnes en pente » présentant un risque d'aléa moyen. Pour cet Atlas des secteurs à risques, il s'agit de « zones stables dans des conditions naturelles, mais qui peuvent être le siège de glissement à la suite de l'intervention de l'homme ». On comprend mieux pourquoi on a évité d'y construire depuis longtemps... Il faut aussi prendre en compte le risque sismique, réévalué en 2010 de « négligeable mais non nul » à « modéré » pour une grande partie du Doubs intégrant Besançon.

On comprend aussi pourquoi l'agriculture s'est installée là, plus particulièrement l'horticulture et le maraîchage. Leur préservation a été défendue, une nouvelle fois, lors de la réunion du 14 novembre. « Ce quartier mérite d'être préservé », dit un habitant. Un étudiant participant à la zone à cultiver de Nuit debout dénonce « le bétonnage irréversible de terrains fertiles ». Jean-Louis Fousseret conteste le bétonnage. A un autre qui met en avant la présence de « jardins sur des bonnes terres », il répond qu'on va les « déplacer ailleurs » et défend la densification urbaine. Cela scandalise un jeune homme : « ce n'est pas adapté au mode de vie de demain. Il faudra s'étaler pour que chacun ait son jardin. Les écologistes qui défendent la densification se trompent, dans trente ans, il faudra que les gens cultivent leur jardin... »

La partie amont de ces jardins, pour l'essentiel occupés à titre précaire depuis que la ville les a rachetés un à un aux anciens propriétaires, est « inondable lors d'épisodes pluvieux intenses », soulignait en 2010 la DREAL. Elle notait que le projet préservait 1,5 ha de jardins et vergers, et 2,6 ha de ferme, mais qu'il en détruisait respectivement 3,7 ha et 3,3 ha, posant déjà la question de la « relocalisation ». Le 14 novembre, on vient de le voir, le maire répond qu'elle se fera « ailleurs ».

Deux réservoirs pour les eaux pluviales

Afin d'atténuer l'accélération du ruissellement générée par les constructions à venir, le PLU interdit les remblais et oblige les futurs habitants à conserver au moins 50% de pleine terre dans leurs parcelles. C'est évidemment un moindre mal que de tout bitumer. C'est cependant un souci de modifier le régime de l'écoulement des eaux : « les surfaces des Vaîtes ne peuvent absorber toutes les eaux superficielles », lit-on à la page 104 de l'état initial environnemental du PLU qui prévoit un stockage-laminage qui sera assuré par deux bassins. Cela devrait limiter l'accroissement de la concentration des écoulements qui fragiliserait l'aquifère karstique voisin du jurassique supérieur Chailluz-Thise-Mouillère (page 100).

Ce réseau sous-terrain, qui est une des sources d'approvisionnement en eau potable de Besançon, est « vulnérable aux pollutions [potentielles] de l'autoroute A36 ». Il serait en outre, bien davantage qu'aux Vaîtes, impacté par le projet de la future rocade nord-est, prévient le document page 90 en invitant à « la réflexion ». Cette rocade complétant le contournement, mais devant aussi desservir le futur quartier Planches-Relançons, on mesure que ce type de débat est loin d'être terminé.

« Pas de viaduc, voyez à quoi on a échappé ! »

Pour rester aux Vaîtes, force est de constater que la municipalité et les services ont été contraints de revoir leur copie en fonction de tous ces éléments. Abandonné par exemple le boulevard à deux fois deux voies traversant le secteur pour relier le rond-point de Palente aux Chaprais, mais son emprise reste sur des documents du PLU. « Il n'y aura pas non plus de viaduc enjambant Bregille et le Doubs, voyez à quoi on a échappé », dit Jean-Louis Fousseret lors de la réunion publique du 14 novembre. « On prévoit davantage d'espaces publics, au creux du vallon, plus de 5 hectares d'espaces verts ne seront pas construits », affirme l'architecte François Grethel.

Reste, sur l'emprise de cette défunte deux fois deux voies, le projet de dévier vers l'est le chemin du Vernois, en fait une véritable rue, pour lui faire emprunter le fond du talweg, ce que les aménageurs appellent provisoirement « l'avenue de la Noue ». Elle traverserait ce secteur, partiellement boisé actuellement et occupé en partie par des jardins potager entre la rue de Charigney et le cimetière juif. Il serait concerné par les travaux d'ici environ huit ans, nous confie-t-on au service urbanisme. A défaut de contradiction avec les dires de l'architecte, il a à tout le moins un flou quant aux intentions. Et si les animaux sauvages se font moins nombreux qu'autrefois, on dirait qu'il y a « un loup ».

Si l'on compare enfin les dires des aménageurs qui parlent de 1150 logements dans la ZAC à terme quand le PLU en annonce 1800 dans le secteur un peu plus vaste dit « d'étude », on comprend aussi que les divergences quant à l'avenir de ce petit coin de verdure sont loin d'être closes. Car 1800 logements, cela correspond ni plus ni moins à sa disparition pure et simple. La ville « la plus verte de France » le serait un peu moins, tout en ayant de la marge grâce à la forêt de Chailluz qui représente 70% des espaces verts de la commune et le quart de sa superficie. Mais si l'on considère les quelque 400 hectares d'espaces verts non forestiers de Besançon, la ponction d'une vingtaine d'hectares (ZAC) ou d'une quarantaine (périmètre d'étude) va de 5 à 10%.

 

 

Prise du mail du tram à proximité de la station Vaîtes, cette photo montre l'un des premiers secteurs concernés par les premiers immeubles du programme.

 

Ces jardins sont situés juste en contrebas du petit bois. Ils sont à l'intérieur de la ZAC et devraient laisser la place à des immeubles d'ici quelques années.

 

Créée au printemps dernier par un voisin et une poignée d'enseignants, la petite ferme pédagogique des Vaîtes accueille quelques animaux que les enfants de quelques écoles sont ravis de découvrir. Elle occupe à titre provisoire et précaire un terrain devenu municipal sur le périmètre de la ZAC.

 

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