Avis défavorable pour le projet des Vaîtes

Le Conseil national de la protection de la nature, une instance du ministère de l’Écologie, a rendu un avis défavorable à la demande de dérogation portant sur la destruction, l’altération et la dégradation d’habitats d’espèces animales protégées pour le projet d’éco-quartier des Vaîtes. La ville de Besançon et Territoire 25, l’aménageur, avaient formulé cette demande le 30 novembre à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement qui l’avait transmise à la CNPN. 

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Une consultation du public à ce sujet était accessible sur le site de la Dreal du 15 au 29 janvier, mais la ville s’était bien gardée d’en faire la publicité. Ce n’est que la veille de sa clôture que les membres de l’association Les jardins des Vaîtes en avaient eu connaissance par hasard, alors qu’un processus de dialogue était entamé avec la municipalité et que des travaux venaient de démarrer. Tout en regrettant de n’avoir pas été tenus informés de cette consultation, et donc également de cette demande de dérogation à la destruction d’habitats d’espèces protégés, certains membres de l’association et des riverains ont pu formuler quelques remarques dans l’urgence.

 

Et ces remarques étaient pertinentes puisque l’avis rendu par le CNPN reprend une bonne partie de leur argumentaire. Dans ses motivations, le CNPN indique que le dossier remis ne dit rien sur les espaces recensés dans le cadre du SRCE, le schéma régional de cohérence écologique et que « la carte représentant les périmètres d'inventaires et de protection est incompréhensible et ne se rapporte pas au secteur à aménager. » L’avis souligne aussi que les « inventaires de faune datent de 2010 et 2011 et sont assez imprécis en ce qu'ils cartographient mal l'emplacement des espèces remarquables », que « les inventaires des chiroptères n'ont pas fait l'objet de recherches spécifiques, alors que c'est le seul groupe qui bénéficie d'un plan national d'action (PNA) » et qu’une « autre espèce remarquable : l'Alyte accoucheur mériterait une meilleure prise en compte. »

 

La CNPN pointe aussi le fait qu’il est « difficile de reconnaître les parties des espaces qui vont être maintenus et évités » en prenant comme exemple le cas d’une zone humide soit disant évitée mais qui se trouve sur l’emplacement d’aménagements ultérieurs prévisibles et sur laquelle empiète clairement une voie nouvelle à construire, comme indiquée sur l’une des cartes.

 

Des mesures compensatoires insuffisantes

 

De manière générale, c’est toute la séquence Éviter-Réduire-Compenser (ERC) qui comprend « de nombreuses imprécisions structurelles ». Ce principe est le pilier écologique sur lequel doivent se baser tous les aménagements, avec pour objectif « d'éviter les atteintes à l'environnement, de réduire celles qui n'ont pu être suffisamment évitées et, si possible, de compenser les effets notables qui n'ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits », comme l’indique le ministère de l’Écologie.

 

Dans l’étude présentée, « les mesures de réduction visent trop souvent à détruire les espèces et les espaces naturels et les remplacer par des habitats artificiels ». De manière générale, « les mesures compensatoires ne sont pas suffisantes, elles ne sont pas proportionnées aux destructions d'espèces protégées et des habitats ; en regard de 23 hectares détruits et 15 hectares au moins d'espaces naturels, il est proposé à peine 2 hectares de compensation. Par ailleurs, les engagements sont plus des intentions que des mesures planifiées dans le temps avec un budget clairement alloué. »

En conclusion, la CNPN juge que « le dossier ne donne pas d'assurance que la dérogation, si elle était accordée, ne nuirait pas au maintien dans un état de conservation favorable les populations d'espèces concernées par le projet dans leur aire de répartition naturelle. » Pour elle, il n’est donc pas question d’apporter un avis favorable tant que la séquence ERC ne sera pas respectée. En l’état, « le dossier ne donne pas d'assurance que la dérogation, si elle était accordée, ne nuirait pas au maintien dans un état de conservation favorable les populations d'espèces concernées par le projet dans leur aire de répartition naturelle. » L’instance de protection de la biodiversité recommande que des engagements opérationnels et concrets soient proposés.

La balle est maintenant dans le camp du préfet, à qui revient la décision finale d’autoriser ou non la destruction d’espèces et de leurs habitats pour construire un éco-quartier aux Vaîtes. Le lendemain de l’incendie, très probablement intentionnel, qui avait complètement détruit la maison du projet des Vaîtes dans la nuit du 24 au 25 février, le préfet avait annoncé, selon France 3 région, une suspension des travaux et une reconsidération du pan environnemental du projet. L’avis du CNPN étant daté du 14 février, on peut légitimement penser qu’il était au courant de l’avis défavorable de l’instance du ministère de l’Écologie. Il n’y a pour le moment pas de commentaires, ni du côté de la mairie, ni de la préfecture, mais le préfet avait aussi annoncé lors de la conférence de presse qu’un arrêté serait promulgué d’ici un mois selon France 3 régions.

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