Audrey Pochon : « un autre monde est possible, il est déjà là… »

Très engagée dans Alternatiba-Besançon depuis sa création il y a quatre ans, la jeune femme s'est fait au mot « militant » qu'elle n'appréciait alors pas beaucoup. A la veille de la seconde Marche pour le climat, elle explique comment la démission de Nicolas Hulot du gouvernement a fait venir des nouveaux dans le mouvement dont la priorité locale numéro un est l'arrêt de l'artificialisation des terres… 

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Il n'y a pas de porte-parole officiel à Alternatiba-Besançon. Collectif constitué d'associations et d'individus, « chacun peut s'exprimer », explique Audrey Pochon, militante engagée dès la première heure dans l'organisation du premier festival, en octobre 2015. « Demain [samedi], ce sera Colin, collégien de troisième, qui parlera. A chaque fois, on laisse la parole à ceux qui ont défilé la veille… » Autrement dit, à la marche des collégien et lycéens qui a rassemblé, au moment le plus fort, près de 700 participants. 

Quel sera le thème de cette seconde Marche pour la climat après le succès du 16 mars ?

On veut parler du rapport sur l'état alarmant de la biodiversité, l'artificialisation des sols, l'élevage en trop grande quantité, l'agriculture intensive… Ce rapport sur la biodiversité nous a fait du bien. Il est sorti le même jour que la décision du tribunal administratif suspendant les travaux aux Vaîtes. Ça nous a donné du baume au coeur. Ça montre qu'on ne se mobilise pas pour rien. Car on s'interrogeait sur l'efficacité des marches, des rassemblements.  Il faut des complémentarités, varier les actions : les rassemblements, c'est pour être vu, ça réunit aussi des gens qui ne viendraient pas aux actions.

Par exemple ?

Jeudi 23 mai, on était une soixantaine à l'entrée de la réunion de la CAGB. Ça a été un peu la panique à l'accueil quand on a apporté cent courriers pour les élus. Ils ont demandé à l'administration générale dont la réponse a été : votre demande a bien été prise en compte… On va rendre publique cette lettre. Des élus ont pris le temps de nous parler, d'autres disent qu'ils en font assez, certains évitent, d'autres ne veulent pas prendre le courrier… 

C'est qui Alternatiba à Besançon ?

Beaucoup de gens. C'est le regroupement de nombreuse entités différentes : scouts, cathos, anars, magasins Bioccop, Terre solidaires, j'en passe. Il y a aussi des individuels, les Cigales, France nature environnement, Vélo Campus, l'AVB, Action non violente… Notre rôle est aussi de valoriser les initiatives, de montrer qu'un autre monde est possible, qu'il est déjà là…

De quelle façon ?

En underground [souterrain]… Il y a les AMAP… C'est le principe des minorités agisantes, des circuits courts, des défenseurs des terres maraîchères aux Vaîtes, des gens qui prennent de plus en plus leur vélo. Il s'agit de faire émerger des idées locales, de les rendre de plus en plus visibles.

L'expression politique de ce mouvement semble surtout porté par les écolos, Génération.s ou les Insoumis qui semblent les plus proches de vous…

On fait attention à ne pas être instrumentalisés par les partis. On se focalise sur le climat. 

Ces problématiques semblent justement davantage prises en compte par EELV et LFI…

On ne se focalise pas sur les partis politiques. On ne va pas se fermer aux politiques, mais on n'est pas là pour mettre en avant les partis. Après, on se rallie entre les différents mouvements associatifs et autres. On ne refuse personne, sauf les gens un peu fascistes qui n'acceptent pas nos idées…

Il y a un écolo de droite sur la liste d'extrême droite RN-FN, Hervé Juvin

C'est étonnant. Je ne comprends pas. On met en cause le capitalisme qui remet en question le climat et la biodiversité… Après, chacun sa conscience… On ne fait pas appel au vote. Chacun fait comme il veut : les uns marcheront samedi, d'autres voteront, d'autres feront une action. Chacun se retrouve où il a envie d'être actif. On est là pour dire : l'urgence climatique, c'est quand ? Quand on nous dit que c'est maintenant, on dit : maintenant, c'est quand ? On a essayé de le dire aux élus de la CAGB, mais chacun est sur son territoire…

Besançon a interdit le glyphosate…

Mais il ne l'est pas dans la CAGB. Besançon est dans le zéro pesticides, c'est un super truc. Dunkerque a fait les transports en commun gratuits. On ne demande pas la gratuité ici, mais de diviser le prix par deux, de créer un tarif famille…

L'adjointe à l'environnement Anne Vignot (EELV) dit que Besançon est mieux que les autres, mais que ça ne suffit pas…

C'est bien résumé. Pour limiter le réchauffement à 2 degré, on n'y est pas du tout.

Que faudrait-il que la CAGB fasse ?

Arrêter d'artificialiser les sols, de construire sur des terres maraîchères où l'on fait pousser du vivant, où l'on peut se nourrir. C'est le point numéro un. Il faut aussi arrêter de prendre des terrains pour l'élevage intensif qui fait partir la biodiversité. Il y a aussi la mobilité…

Y-t-il assez de pistes cyclables ?

Il faudrait demander à l'AVB qui est en lien avec la ville et l'agglo pour le sujet. Il y a des pistes cyclables, mais le problème, c'est la lenteur des processus. On nous consulte, c'est bien. Mais ça suffit, il faut avancer. 

Les transports, c'est le vélo, mais aussi le bus, le tram…

Et aussi le train. C'est à la base des Gilets jaunes : des gens n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture. Un exemple, je suis originaire de Bourg-en-Bresse : c'est très compliqué d'y aller. On nous envoie des trains qui passent par Auxon et Dijon !

Dans la manif, une lycéenne disait fermer le robinet en se lavant les dents, c'est la moindre des choses…

Les petits gestes sont importants, comme le vote. S'engager dans une association en fait aussi partie. On pèse sur les politiques en passant par là. 

Il faut militer ?

Je n'aimais pas ce mot de militant, mais j'ai évolué par rapport aux mots. Maintenant, je l'assume. C'est comme la politique : quand on défend un autre monde, on fait de la politique, mais je ne suis pas pour la politique des partis. On s'inscrit dans une démocratie participative. C'est dur et long…

A organiser ?

On a commencé il y a quatre ans. Les débuts ont été difficiles, il y avait beaucoup de monde. On a réussi à organiser un événement sur trois places… Mais on trouve toujours un consensus, on se connaît, on s'organise mieux. On essaie d'aller plus vite, mais on ralentit parfois pour qu'existe la démocratie participative : c'est le socle d'Alternatiba. L'année 2019 est un tournant pour le climat. A partir de la démission d'Hulot, on a senti des gens venir vers nous. On a vu débarquer des nouveaux, du sang neuf. Des gens qui se sont dit : si Hulot n'y arrive pas, personne n'y arrivera. Donc, ils se sont engagés : le désespoir rassemble. Sa démission dit que ce n'est pas possible de miser sur l'Etat, alors les citoyens s'y mettent. Dans ma famille peu écolo, j'ai même vu des changements comme se mettre aux achats équitables, ne plus voir les écolos comme des utopistes. On est un lobby citoyen. 

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