Lisier sur la neige : la controverse environnementale a tourné au fait-divers

L'agression d'un garde-pêche par un agriculteur indélicat dans le Haut-Doubs était prévisible. On peut pointer la responsabilité individuelle d'un violent pétage de plomb. On doit aussi se poser des questions sur les discours enflammés et la dérive industrielle et technologique qui isole les gens... La Confédération paysanne et SOS Loue réagissent vivement.

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L'interminable bataille d'arguments entre les défenseurs de l'environnement et une partie du monde agricole a tourné il y a quelques jours au fait-divers. Un garde-pêche a été tabassé par l'agriculteur de Charmauvillers qu'il était venu voir pour lui expliquer que ses déversements de lisier sur la neige étaient intolérables, polluants et par conséquent interdits. Cela fait des années que c'est ainsi, c'est même dans La Terre de Chez nous, l'hebdomadaire de la FDSEA.

Pour côtoyer des représentants des deux « camps » depuis longtemps, nous avons pu constater que les relations, exécrables il y a une quinzaine d'années, se sont singulièrement améliorées. Les uns et les autres échangent, participent à des manifestations communes visant à une amélioration de la situation. Il y a quelques semaines, Christophe Chambon, secrétaire général de la FDSEA du Doubs, évoquait publiquement les « extrémistes » de sa profession qu'il présentait comme pas forcément facile de convaincre que les environnementalistes soulevaient de vraies questions, et susceptibles de déraper.

Sa prédiction s'est, hélas, réalisée. Et les multiples fractures du garde-pêche témoignent d'une violence qu'il conviendra à la justice de traiter. On peut cependant considérer que le double discours de certains responsables syndicaux agricoles, écolo-compatibles côté face, pourfendeurs des kmers verts côté pile, selon à qui ils parlent, a atteint une limite. Qu'un responsable de la FDSEA s'exprime anonymement dans L'Est républicain pour dire le comportement de son collègue « indigne de la profession », c'est moins que le service minimum. Il leur revient de hausser leur niveau de responsabilité et d'analyse, mais aussi de tenir un discours de vérité à ceux qui refusent d'accepter les connaissances sur les pollutions que peut apporter la science. Ce n'est pas simple et les militants environnementalistes, légitimement choqués et outrés par les agressions, doivent en avoir conscience.

Les responsables du syndicalisme agricole majoritaire n'ont jamais négligé la dimension politique et économique de leur métier. Mais là, ils doivent considérer l'hypothèse de l'impasse qui leur est présentée souvent de l'extérieur. Cette dimension appartient en réalité à toute la société avec laquelle ils se targuent d'avoir passé un noble accord : ils nourrissent les hommes... Contre quoi ? Une vie avec les saisons, moins contraignante que l'usine ou le bureau, sans doute enclavée dans certains secteurs... Reste que les industriels et les financiers ont mis la main sur cet accord, comme ils ont mis la main sur une grande partie de l'activité humaine... Le geste du paysan présumé épandeur de lisier sur la neige lui est propre, mais il est aussi le produit de cette longue dérive.

C'est dans ce contexte que nous avons reçu deux communiqués sur le sujet de la part d'instances luttant depuis longtemps pour que l'agriculture et la société restent à dimensions humaines. Nous les publions intégralement.

La Confédération paysanne : « déverser le lisier sur des sols gelés
ou enneigés est une aberration agronomique »

La Confédération paysanne du Doubs « condamne avec force les agissements de l'exploitant agricole de Charmauvillers qui a agressé le garde pèche de l'association Franco-Suisse.

Elle dénonce les pollutions environnementales générées par les épandages sur neige. Déverser le lisier sur des sols gelés ou enneigés est une aberration agronomique.

Le lisier n'est pas un déchet dont il faut se débarrasser ! Utilisé à bon escient, il constitue au contraire un engrais précieux et permet de limiter l'achat d'engrais.

Les surfaces de stockage des effluents doivent être correctement dimensionnées, couvertes si possible et gérées avec la plus grande attention.

Bien entendu, la Confédération paysanne dénonce la violence de l'agression physique.

Nous souhaitons que la victime se remette très vite de ses blessures et qu'elle et sa famille sortent rapidement de l'état de choc dans lequel ils doivent se trouver suite à cette agression. »

SOS Loue et rivières comtoises : « la peur doit changer de camp »

« SOS Loue et rivières comtoises condamne fermement l’agression sauvage dont l’un de ses membres a été victime, dans l’exercice de ses fonctions, (ainsi qu’un habitant de Charmauvillers la veille) par un délinquant agricole, incapable d’assumer ses actes, multirécidiviste des épandages illégaux sur neige et sur sols détrempés.

Malheureusement nous savions que cela devait arriver !

Les délinquants agricoles bénéficient d’une telle impunité en France qu’ils ont fini par croire que le droit et la justice sont avec eux... Gendarmes (qui ont refusé de se rendre sur place lors de la première infraction), juges qui classent trop souvent ces affaires, élus qui ferment les yeux sur certaines pratiques sont moralement responsables de telles dérives violentes. C’est un véritable « permis de polluer » qui est délivré ainsi.

Quant aux responsables du syndicat majoritaire, ils ont beau jeu de condamner à postériori ces violences, alors que parfois ce sont eux qui incitent à la violence. Il suffit de citer les propos tenu par un responsable syndicaliste agricole, en 2015, devant la préfecture de Quimper : « il faut qu’ils tremblent, qu’ils aient peur. Il n'y a que par la peur qu’on y arrivera. »

Il serait trop long ici de citer les nombreuses violences dont sont responsables certains militants agricoles à travers la France depuis des décennies.

Mais la France ne doit pas devenir l’Amérique du Sud ou les militants écologistes sont assassinés, il est temps que l’Etat fasse respecter le droit, y compris dans nos campagnes !

Les membres de SOS LRC continueront à dénoncer les pratiques déviantes, désormais au risque de l’atteinte de leur l’intégrité physique. Nous appelons le grand public à nous informer de toutes infractions dont ils sont témoins. »

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