Eoliennes : « on cherche à passer de huit à cinq ans de procédure »

Des syndicalistes CFDT ont effectué en octobre une visite guidée du chantier éolien de Rougemont avec Xavier Degois, chargé de développement d'Opale, qui a expliqué le long cheminement d'un projet. La réflexion pour desserrer l'emprise de la finance anglo-saxonne passe par l'investissement citoyen et celui des collectivités, à l'image de la coopérative Jurascic, créée très récemment. 

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Les brumes matinales de ce jour d'octobre se dissipent et l'on commence à distinguer à travers les vitres embuées du bus une éolienne surgir au dessus de la canopée. Les passagers, des militants de l'union des retraités de la CFDT, viennent de visiter le chantier du parc éolien de Baume-Rougemont qui comprend 29 machines, mais le brouillard empêche de voir toutes celles qui sont érigées. Ils traverseront une forêt où quatre plateformes défrichées attendent d'être équipées, puis descendront pour s'approcher d'une machine montée à quelques centaines de mètres d'une autre en service.

Au micro, Xavier Degois, ancien du cabinet de l'ancien président du conseil général du Doubs Claude Jeannerot, depuis six ans chargé de développement à Opale Énergies Nouvelles, partenaire de Velocita, raconte la longue aventure d'un projet démarré dans les bureaux d'études en 2008.

« Partout, sans cesse, on est en proie à des oppositions pas toujours fondées... On cherche à passer de 8 ans [de procédure] à 5 ans. En deux ans, on a rencontré jusqu'à cinq fois les conseils municipaux des huit communes... Pourquoi on fait ça ? Mais à cause du dérèglement climatique ! Être à Opale reste un travail militant, tous ceux qui y sont ont une forte sensibilité écolo... »

Cinq recommandations de la commission d'enquête publique

Il décrit les étapes, des « études environnementales, techniques, acoustiques, sur les chauve-souris » à celles sur les accès : « on a même créé une route pour éviter que les camions traversent un village. On cherche, dans la mesure du possible, à se comporter comme des aménageurs ». Exemple avec le passage des gaines des câbles électriques : « quand on a fait passer des tuyaux, un paysan nous a demandé de drainer... » Après ces phases préalables, viennent « dix-huit mois de procédures et d'enquête publique ».

Mille six cents camions sont quand même passés pour alimenter le chantier si l'on en croit le rapport de la commission d'enquête publique (menée en 2014), dont les trois quarts pour amener les matériaux nécessaires aux fondations. La commission d'enquête avait émis un avis favorable assorti de cinq recommandations : un comité de suivi, associer les spéléos aux études géologiques, participation du maître d'ouvrage à l'agrainage des sangliers, installer au cas par cas des écrans végétaux, réduire la gêne lumineuse d'une éolienne...

Xavier Degois (au centre) : « On cherche à se comporter comme des aménageurs ».

Un syndicaliste réagit au financement exclusivement privé, par un fonds d'investissement américain. « Si vous avez une meilleure formule, je suis preneur », lâche Xavier Degois, « on est en train de créer les conditions pour devenir propriétaire d'un parc éolien et se libérer de ce contexte, mais rares sont ceux qui peuvent sortir 80 millions... On critique les investisseurs internationaux, mais heureusement qu'ils sont là ».

« Je travaille dans l'environnement que vous m'avez laissé »

Quadragénaire, il plaisante sur l'héritage laissé par la génération de sexa et septuagénaires à qui il s'adresse : « Je travaille dans l'environnement que vous m'avez laissé. Il n'y a pas d'investissement public, l'économie de l'éolien représente une grosse prise de risque au démarrage, mais quand l'éolienne est installée, c'est un investissement sans risque : l'électricité est revendue à EDF avec une taxe de soutien à la filière ».

L'exemple de Chamole et de son éolienne citoyenne sur un parc de six machines est évoqué : « c'est petit, mais il faut bien commencer par un bout... » Le syndicaliste poursuit : « A quoi sert le financement public si le système reste le même derrière ? » Degois : « Le système soutient la production avec le but de laisser la filière au privé, l'État laisse un fonctionnement libéral mais la loi de transition énergétique permet une société de projet, c'est une petite mais réelle touche de gauche... »

Les grandes éoliennes doivent respecter certaines contraintes. Elles doivent par exemple être compatibles avec le classement d'un site, comme ce fut le cas avec le château de Montby : « on a négocié avec le propriétaire, la DRAC et l'architecte des bâtiments de France. Il s'agit de voir comme voir en même temps un château et une éolienne est une évolution du paysage acceptable. Le projet initial n'a pas été accepté par l'ABF, le préfet a tranché et on a enlevé trois machines... On a aussi eu des difficultés avec l'armée car quatre éoliennes sont à 42 km de la base de Luxeuil et l'on doit éviter les obstacles à plus de 627 mètres d'altitude, non pour protéger la avions mais les radars. Ces éoliennes avaient 2 m de trop ! On a demandé une dérogation et on a baissé la taille des machines... »

« Il y a un manque d'information à certains moments »

Il y a bien sûr les oppositions locales qui font dire à Xavier Degois : « Mon analyse après six ans d'expérience, c'est qu'on souffre de certains handicaps. Il y a un manque d'information à certains moments. A proximité Gendrey, il y a le château de Sermange dont le propriétaire redoute la perte de valeur car il veut revendre. Certains jouent aussi sur les peurs, l'électromagnétisme, les infrasons, les vibrations, ce sont des craintes légitimes. La question est celle du seuil d'exposition : si on passe sa vie sous une éolienne, dans un rayon de 30 à 50 mètres, il y a un problème d'infrasons. A Vergranne, des parents craignaient pour la vie de leur enfant porteur d'une valve céphalo-rachidienne. On a appelé trois bureaux d'études qui ont contacté les chirurgiens pour avoir les caractéristiques de la valve et conclu qu'il n'y avait pas de problème. Quant aux obstacles immobiliers, on a interrogé les notaires : ils nous ont écrit qu'il n'y avait pas d'impact, qu'il dépendait en tout cas de l'orientation de la maison, du paysage et de son organisation ».

 

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