Nicolas Bourgoin : « des anciens copains m’ont accusé d’avoir retourné ma veste »

Le chercheur a été exclu d'une revue universitaire et accusé d'être passé à l'extrême-droite pour avoir accordé un entretien à un site d'extrême-droite. Il n'en partage pas pour autant les orientations et s'en explique.

Vous avez été présenté par des militants « anti-fa » comme fricotant avec l'extrême-droite en raison notamment d'un entretien que vous avez accordé au site d'Alain Soral, ou encore d'un soutien à Dieudonné... Cela a conduit à des universitaires de vous exclure du comité de lecture de la revue ¿ Interrogations ? Qu'en dîtes-vous ?

Le syndicat gauchiste AMEB, association multiculturelle des étudiants de Besançon, m'a accusé d'avoir retourné ma veste. Ce sont des anciens copains qui avaient beaucoup apprécié La Révolution sécuritaire. Ils ont perçu un changement radical en janvier 2014 quand il y a eu la circulaire Valls sur Dieudonné. J'en avait fait l'analyse d'un danger pour les libertés, analyse reprise par d'autres, notamment des juristes comme Maître Eolas. J'ai alors été approché par Alain Soral qui a repris mon article sur son site. Égalité et Réconciliation m'a donné une tribune qui a fait passer la fréquentation de mon blog de 2000 à 20.000 vues par mois.

Ils vous reprochent d'avoir accepté d'accorder un entretien à Égalité et Réconciliation...

Oui, plusieurs entretiens même, dans lesquels je parle des aspects sécuritaires, de l'abandon de la liberté d'expression et du volet social par la gauche. C'est une façon de diffuser mes analyses... Mais j'ai vu l'ambiance. J'aurais dû voir que je pouvais être récupéré. Quand mon livre est sorti, j'avais l'idée de le vendre... Ce qui m'a surtout été reproché, c'est d'avoir accepté une invitation à un conférence d'Égalité et Réconciliation, c'est ça qui a déclenché les attaques. J'ai annulé quand j'ai vu ce que ça a déclenché.

Comment est-ce arrivé ?

Quand j'ai fait une séance de signatures à la librairie Les Mots bleus, le représentant d'Égalité et Réconciliation m'a demandé si j'accepterais de faire une conférence sur mon livre. Il y aurait eu d'autres intervenants, j'aurais refusé. Là, j'avais la maîtrise de ma parole et du thème. En réfléchissant, c'était une manière de les cautionner...

En quoi êtes-vous en désaccord avec Soral ?

D'abord son analyse du FN. Il dit que le FN a une analyse fantasmée du choc des civilisations mais qu'il peut être une alternative, car l'enjeu est pour lui de fermer les frontières, pas seulement migratoires, mais surtout économiques.

Soral est aussi extrêmement ambigu avec l'antisémitisme...

Il se dit antisioniste, mais il y a des dérapages. Après, il y a une réalité derrière ce qu'il dit. Là où ça ne va plus, c'est dans les attaques personnelles contre des gens qui sont juifs. Il a des copains juifs qui critiquent Israël, comme Jacob Cohen ou Gilad Atzmon...

Le FN ne serait-il pas d'extrême droite ?

Quand Soral dit que le FN défend les ouvriers car il veut sortir de l'euro, je suis en désaccord absolu. Il veut lutter contre l'islamophobie : c'est l'opposé du FN. Enfin, il n'est pas marxiste.

Vous l'êtes ?

Oui, c'est le plus gros désaccord. Quand il reconnaît qu'il existe une lutte des classes et qu'il reproche à la gauche d'avoir abandonné le volet social, il est proche de Marchais.

Quand Georges Marchais disait « tout ce qui est national est nôtre » ?

Oui, une sorte de chauvinisme. Marchais avait fait un discours à Montigny-les-Cormeilles contre l'immigration voulue par le patronat pour baisser les salaires et rogner les acquis sociaux. Soral est gaulliste. Je vous renvoie à une analyse du Monde diplomatique qui disait qu'il y avait un mélange d'idées de gauche, de droite et d'extrême-droite... Je n'étais pas allé voir de près. J'ai vu qu'il était intéressé par mes travaux, mes critiques sur la politique sécuritaire de ce gouvernement et du précédent. Ceux qui s'intéressent à mes travaux ne sont pas tous d'extrême-droite ! Le FN n'apprécierait pas mon livre, il a voté l'état d'urgence...

Et Dieudonné ?

Je l'aime bien, il me fait rigoler. Mais j'ai surtout écrit un chapitre sur la circulaire Valls car elle peut s'appliquer à d'autres. Dieudonné, c'est compliqué, il vient de la gauche, a été proche de Noël Mamère, puis il a dérivé. Je fais la différence entre lui et ses personnages qui tiennent des propos antisémites. Il y a une liberté de l'artiste. Si la liberté existe, il faut qu'elle soit totale, c'est dans un cadre artistique...

On peut ne pas supporter...

C'est particulier. Il est proche de Coluche ou Desprogres qui a fait par exemple ce sketch : « si les Juifs étaient nombreux à Auswitch, c'est que les douches étaient gratuites ». C'est de mauvais goût, cruel, mais l'interdire peut être dangereux car on est dans une question éthique. C'est très dangereux s'il y a trouble à l'ordre public, dit la circulaire Valls... Je ne pense pas que Dieudonné soit antisémite. Il est provocateur, il a trouvé le filon. Je pense qu'il ne l'est pas car il a formé un duo avec Elie Sémoun...

Que dit Sémoun ?

Il regrette les dérapages mais reste ami avec lui.

C'est différent de Coluche...

Il faut écouter ses « interdits » où il est méchant avec les politiques comme Giscard, avec Danièle Gilbert, se moquait des défauts des gens, avait un humour à la Charlie-Hebdo des anciens numéros, extrêmement caustique...

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