« Une prairie jaune dans un paysage vert… »

Le refus du glyphosate du célèbre Roundup de Monsanto s'est exprimé comme rarement lors de la dernière session de la chambre d'agriculture du Doubs et du Territoire-de-Belfort où il a également été question d'agriculture « de précision », autrement dit numérique ou connectée...

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« Je ne veux pas avancer masqué pour porter une politique parfois difficile à accepter par les paysans... » Vice-président (LR) du Conseil départemental du Doubs et maire de Frasne, Philippe Alpy était en terrain déminé devant la chambre d'agriculture Doubs-Territoire de Belfort le 20 avril dernier. Lui même associé de l'un des gros GAEC du Haut-Doubs élevant quelque 180 vaches laitières, avouant ne traire qu'une fois par mois, il sait les relations complexes de sa profession avec la société et l'environnement.

Devant la représentation consulaire de l'agriculture, il défend des positions écolo-compatibles, même si la majorité de droite élue en 2015 ne porte plus plainte, comme la précédente, quand des pollutions non accidentelles sont constatées. Il dit ainsi à propos de la problématique de l'eau que « la fragilité karstique se double d'une fragilité liée au climat ».

« Il n'y a pas de filtre
sur un territoire karstique »

Partant de ce constat largement partagé, il assène fermement quelques leçons agréables à l'oreille : « quand des professionnels ne respectent pas les règles, il est difficile d'entendre que nous serions de mauvais pratiquants alors que les collectivités s'inscrivent dans le zéro phyto ». Il ne dit pas encore « pesticides », mais le coeur semble y être.

D'autant qu'il fustige l'usage du glyphosate, le composant principal du funeste Roundup de Monsanto, sans le citer mais en en décrivant les effets : « L'autre jour, je voyais une prairie jaune dans un paysage vert et je me disais : comment acceptons-nous ces pratiques ? Cela doit nous interpeller. Quand on voit la même chose sur le plateau, ça me gêne énormément. Il n'y a pas de filtre sur un territoire karstique. On doit être exemplaire, cela ne manquera pas d'être souligné par les associations... »

Il engage aussi les agriculteurs et leurs organisations à ne pas négliger d'investir l'agence régionale de la biodiversité : « Ce serait dommage que l'agriculture passe à côté. Certains se demandent ce qu'est ce machin, mais il faut y être. J'y parlerai en votre nom face aux excès qui élèvent des murs... » D'où peuvent venir ces « excès » ? Philippe Alpy ne le dit pas, mais ses auditeurs ont tous compris qu'il parle des environnementalistes... 

N'empêche, on peut mesurer les progrès, notamment dans le discours. Il n'y a pas si longtemps, une dizaine d'années, ces questions étaient balayées d'un revers de main ou d'un haussement d'épaule par une bonne partie des dirigeants agricoles. Aujourd'hui, après les proliférations d'algues et l'eutrophisation de nombreux cours d'eau, les lentes avancées de la recherche, les manifestations de pêcheurs et de citoyens, la prise de conscience progresse.

« Outré de voir le jaune partout ! »

« Les pollutions sont multifactorielles », souligne le président de la chambre d'agriculture Daniel Prieur en rappelant les missions scientifiques. « On a identifié les axes où agir », ajoute-t-il : « stockage, épandage, méthanisation... Mais il y a des réponses que nous n'avons pas, que personne n'a, quand il fait chaud en été. Si la température de l'eau augmente, il y a moins d'oxygène et davantage de bactéries... »

Également « outré de voir le jaune partout », Gabriel Bonnefoy, qui représente les propriétaires de terres agricoles, explique que cela peut aussi provenir de certaines pratiques : « les cultures par semis directs sont impossibles sans glyphosate. Attention aux techniciens agricoles qui les prônent ! »

De technique, il en a justement été question lors d'une présentation enthousiaste et promotionnelle de « l'agriculture numérique », également appelée « agriculture de précision » depuis plus de vingt ans, et plus récemment « agriculture connectée ». Enseignée notamment à l'agrocampus de Vesoul à raison d'un module de 90 heures, elle ne consiste pas à remplacer l'agriculteur, mais à l'aider dans son travail. Ainsi, des cartes de cohésion du sol sont établies par un drone-photographe dont les données sont transmises à divers outils.

Une société suisse a ainsi conçu un système transmettant les coordonnées des galeries de campagnols à un engin au sol injectant une pastille de phosphine. Attention, souligne néanmoins Charles Schelle, de Provenchère, « c'est dangereux pour l'homme et il faut s'équiper ! » Et être agréé, autrement dit formé.

D'autres usages sont également envisagés, de la gestion des pâturages à celle de la fertilisation des cultures en passant par le robot désherbeur à panneau photovoltaïque qui coûte, dit Christian Morel, de Saône, vingt fois moins cher que les herbicides chimiques... Reste que dans ce cas, mieux vaut un champ pas trop accidenté et sans haies... « On peut tous rêver d'une caméra suivant nos champs afin de réagir en temps réel et d'optimiser les traitements, mais il y a encore du travail à faire en matière de formation », explique-t-il en militant pour que la chambre « investisse dans les compétences de son personnel d'accompagnement ».

 

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