Une fin de manif chaotique à Besançon

Dans la capitale comtoise, le cortège contre la réforme des retraites et « tout un monde d’injustices et d’inégalités » a rassemblé 3.300 personnes selon la police et 6.000 selon la CGT. Certains n’avaient pas envie de partir à l’heure de la dispersion à Chamars. Une centaine de personnes a poursuivi vers la CCI et la City, où le préfet, le maire et la présidente de Région signaient un contrat de transition écologique. La police a chargé et poursuivi les téméraires jusqu’à Battant. Il y a eu six interpellations, dont Frederic Vuillaume, figure des Gilets jaunes.

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12 h 30 à Chamars, la manifestation arrive à son terme. Si pour beaucoup la fin du défilé « officiel » et déposé signait aussi celle de la journée, d’autres n’avaient pas envie de se disperser. Un face-à-face s’amorce rue Charles Nodier avec un escadron de gendarmes mobiles venu de Lyon pour l’occasion. Les Gilets jaunes et soutiens, qui étaient plus loin dans la manifestation, arrivent un peu plus tard en renfort sur la ligne de « front ». Ils y sont accueillis par des applaudissements et une haie d’honneur.

Globalement la situation est décontractée, les uniformes discutent et rigolent même avec certains des « révoltés. » Et ce malgré la volée de trois projectiles, type spray déodorant et peaux de banane, atteignant sans dégâts les véhicules. Autour de 13 h 15, le large flot de partisans s’est largement évaporé dans la nature. Reste une bonne centaine de téméraires, les fameux chasubles bien sûr, mais aussi des syndicalistes et des radicaux. La rumeur court alors : un contrat de « transition écologique » doit être signé cet après-midi entre le Grand Besançon Métropole, la Région et l’État.

Après un détour par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Doubs avenue Yvon Villarceau jusqu’à 14 h, il s’avère que le lieu de cette rencontre au sommet est en fait plus bas, à la City, rue Gabriel Plançon. Pour ceux qui sont restés, c’est l’occasion de se rappeler aux bons souvenirs de leurs « représentants » et en premier lieu du préfet du Doubs, Joël Mathurin. Ils ne sont plus qu’une petite cinquantaine, mais se décident à réaliser un barrage partiel au niveau de la rue Louise Michel. Après un très bref sit-in sur le macadam, le blocage ne devient plus que filtrant.

Aucun répit n’est accordé aux « dissidents » qui ne peuvent que fuir

Cinq minutes de contrariétés tout de même, mais qui seront de trop pour les autorités. Policiers et gendarmes mobiles se déploient sur les quais et le pont Canot. À 14 h 10, l’assaut est donné. Et c’est le début d’une longue galère pour les manifestants. L’avancée des troupes s’opère tel un rouleau compresseur et le groupe visé se trouve ainsi repoussé rue Gustave Oudet. La charge se poursuit brutalement tout le long de l’avenue Charles Siffert, entre marche au pas et véritable course-poursuite pédestre. Aucun répit n’est accordé aux « dissidents » qui ne peuvent que fuir.

La dispersion s’amorce en direction de Battant via la rue Léon Deubel, mais cela semble insuffisant pour le commandement. Consigne est donnée de poursuivre la traque jusque dans les petites artères de ce quartier typique, alors que des véhicules sont mobilisés afin de transporter des effectifs pour un revers sur le pont Battant, via la Boucle. La bonne vieille technique du marteau et de l’enclume, qui a fait ses preuves pendant plus d’un an de troubles. Il n’est même pas 14 h 30 lorsque cette ultime phase s’enclenche, sollicitant au total plus d’une soixantaine de fonctionnaires.

Les choses s’emballent alors rapidement. À 14 h 30 pont Battant, plusieurs interpellations sont réalisées. Il y en aura six au total, incluant la figure Fred Vuillaume, mais aussi deux autres Gilets jaunes historiques, ainsi que probablement des lycéens et jeunes de quartier. Direction le commissariat central, où les personnes arrêtées sont en garde à vue pour le motif « d’entrave à la circulation. » Alors que la situation se stabilise, de nombreux contrôles d’identité sont également effectués.

« Un attirail disproportionné »

Le dispositif sécuritaire est maintenu jusqu’à 15 h, suscitant l’interrogation de passants et riverains du secteur. Presque tous, sans nécessairement remettre en cause le fond de l’intervention, trouvent néanmoins « tout cet attirail disproportionné » à l’image d’un vieil homme « plutôt centriste. » Même chose pour Maurice, « rebelle depuis quarante ans », qui voit par cette scène « la lente dérive d’un système à bout de souffle. » Alors que tout semble terminé, plusieurs groupes se reforment spontanément et établissent une convergence pour se rendre de nouveau au commissariat de la Gare-d’Eau.

Ils sont plus d’une centaine aux abords du « comico », ressuscités tels des phénix, et obligeant les uniformes, visiblement fatigués de leur marathon et désabusés devant la détermination des protagonistes, à se repositionner de nouveau. 15 h 30, les voies du tramway sont complètement bloquées pendant une bonne demi-heure. « Libérez nos camarades », scandent frénétiquement les proches des « embastillés. » Peu avant 16 h, un crochet est tenté par la préfecture, mais il est immédiatement jugulé par l’apparition de fourgonnettes bleues.

C’est donc le centre-ville qui va canaliser les colères et les revendications jusqu’au début de la soirée. Passages Pasteur de 16 h 10 à 16 h 25, Galeries Lafayette de 16 h 30 à 16 h 40. Aucun heurt ni dégradation ne seront signalés. Reprise place du Huit septembre puis petite pause devant le palais de justice peu avant 17 h, où ce sont cette fois les réseaux de bus qui pâtissent. Ils sont encore une bonne cinquantaine à reprendre la route du commissariat afin de « peser et prendre des nouvelles. »

Les tramways sont une énième fois à l’arrêt et les informations ne sont pas très bonnes pour les personnes interpellées. De manière officieuse, quelques noms sont confirmés, comme leur maintien en détention pour la nuit. Des voix s’élèvent pour critiquer les centrales syndicales, « absentes quand les nôtres sont dans la merde. » Vers 17 h 15, militaires et policiers dégagent les voies de circulation et les plus résistants finissent par refluer au niveau du kiosque. La « normalisation » est cette fois définitive, mais plusieurs assurent « qu’ils reviendront dès demain afin de poursuivre la bataille. »


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