Un conseil de la forêt pour Besançon

La ville prépare le septième plan d'aménagement depuis 1738, mais celui-là durera la vingtaine d'années d'un contrat avec l'ONF. Pour le préparer, une centaine de personnes (usagers, scientifiques, gestionnaires...) ont participé à des rencontres participatives. Le conseil de la forêt pourrait assurer le suivi...

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Peut-on concilier l'élevage et la faune sauvage dans les forêts bisontines ? Le développement d'activités touristiques (location de vélos, restauration avec menus forestiers), ludiques (accrobranche, tipis...) ou culturelles (spectacles...) est-il compatible avec la quête de solitude, le besoin de se ressourcer, la non-augmentation de la pression économique tout en maintenant la fonction productive ? Quelle place attribuer à la recherche scientifique ? Faut-il créer une ligne de bus pour aller en plein cœur de la forêt de Chailluz autrement qu'en voiture ?

Ces questions et pas mal d'autres, les contradictions qu'elles recèlent parfois, ont été soulevées lors des Rencontres pour la forêt de demain improprement désignées par le slogan Besançon Naturellement Forestière car, comme le fait remarquer l'historien de la forêt Emmanuel Garnier, « on ne peut plus parler de forêts naturelles, les dernières sont en train de disparaître en Asie... » Cela fait longtemps, en effet, que les forêts sont anthropisées, autrement-dit, marquée par les activités humaines.

Du « chaos forestier » engendrant la fermeture des paysages à la fin de l'Empire romain, précédant les défrichements conduits sous l'égide de l'Église, aux 2035 hectares des forêts bisontines d'aujourd'hui, pas moins de six plans d'aménagement se sont succédé depuis 1738. Mettant en œuvre le règlement unique édicté en 1669 par Colbert qui fait de la forêt un « outil de puissance souveraine » et produit « un choc terrible pour les populations locales », ce premier plan entend quasiment faire table rase des anciens usages populaires : chauffage, construction, échalas des vignerons... Il instaure le taillis sous futaie, intensifie l'exploitation, crée une réserve d'un quart de la surface. La forêt est mise sous tutelle étatique. Les Bisontins résistent, la ville intente d'ailleurs dès 1705 un procès contre le maître des eaux et forêts qui durera jusqu'à la Révolution : « elle fait tout pour bloquer l'administration », explique Emmanuel Garnier.

La forêt sert à construire une marine de guerre, mais alimente aussi l'industrie... Au point que le premier objectif du code forestier de 1827 est de sauver ce qui reste de la forêt française, tombée à 10-12% du territoire... L'État y interdit les animaux d'élevage, ce qui va conduire, dans les Pyrénées ariégeoises, à une véritable guérilla, la Guerre des Demoiselles, en 1829-1830...

Enrésinement de près de 300 hectares lors du plan 1958-1977

A Besançon, essentiellement dans la forêt de Challuz qui représente 87% des surfaces boisées de la commune, le second plan (1897-1958) fait du bois de chauffage la production principale : on intensifiera en 1920 la gestion sylvicole. Le troisième plan (1958-1977) voit la production de bois baisser et l'enrésinement de près de 300 hectares. Le quatrième (1978-2001) entérine l'intérêt des habitants et organise l'accueil avec la création de places à feu, de parcs animaliers, de parcours sportif et... de parkings. Dans le même temps, la gestion passe des taillis sous futaie à la futaie régulière.

Le plan actuel (2001-2022) accentue l'orientation d'ouverture au public en convertissant 390 hectares en futaie irrégulière, et commence à prendre en compte les travaux scientifiques en créant deux îlots de vieillissement et étalant les régénérations.

Bref, la question forestière est rien moins qu'une importante question politique, notamment quand la doctrine officielle de la France est de produire deux fois plus de bois qu'aujourd'hui. Alors que les scieries les plus modernes et les plus importantes sont le plus souvent calibrées pour exploiter des bois de petite et moyenne tailles, une question posée est celle de l'adaptation des forêts aux outils de production, et, hélas, non l'inverse... Quant à la biodiversité, si elle est souvent invoquée, elle reste confinée aux expérimentations et aux rares « forêts d'exception » que l'ONF met en avant. Anne Vignot, adjointe bisontine à l'Environnement, ne cache son intérêt pour ce label, certes intéressant, mais pouvant aussi être vu comme un cache-misère.

La diversité des usages, mais aussi des projections à moyen et long termes, rend nécessaire un sérieux débat préalable à l'édification du septième plan d'aménagement de la forêt bisontine. C'est ce qu'ont ambitionné les Rencontres pour la forêt de demain, lancées en décembre 2017 par le maire Jean-Louis Fousseret et Anne Vignot qui suit l'affaire sur la durée, et a donc présidé une seconde séance fin avril.

« Pérenniser la dynamique participative »

Une centaine de personnes y ont participé : associatifs, scientifiques, conseils consultatifs d'habitants, usagers de la forêt, professionnels de la filière bois, administrations de l'Etat, forestiers, agents de la voirie municipale ou des espaces verts... « On a invité tous ceux qui nous ont sollicités pour intervenir en forêt », dit Mme Vignot. En petits groupes hétérogènes de six à huit, ils ont contribué à faire émerger des préoccupations variées tout en essayant de tenir compte des obligations en matière d'aménagement, d'urbanisme ou d'environnement. Une plateforme a également permis de recueillir des contributions en ligne.

Il s'agit notamment, explique Fabienne Bernard, du service des espaces verts, de « travailler sur le document d'objectif qui sera donné à l'ONF pour l'aménagement forestier ». C'est le conseil municipal qui aura le dernier mot sur le texte. Cependant, Anne Vignot souhaite que soit créé un « conseil de la forêt ». Elle le voit comme une instance de suivi du prochain plan afin de « pérenniser la dynamique participative », mais aussi comme un instrument d' « approfondissement des connaissances ».

Ce conseil de la forêt serait composé de quatre collèges représentant « les fonctions économique, sociale, écologiques et les collectivités territoriales. L'idée est que les élus soient issus de différents territoires ». Il serait renouvelé tous les cinq ans, tiendrait des rendez-vous annuels et constituerait des groupes de travail thématiques. Reste à « trouver les personnes ayant envie de s'investir », mais aussi à ne pas en faire un cénacle où l'on cause entre soi et/ou dans le vide, laissé de côté dès lors que des décisions stratégiques sont à prendre...

 

 

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