Un chantier éolien au pas de charge entre Rougemont et Baume-les-Dames

Le Schéma régional climat air énergie de 2012 prévoit de multiplier par vingt la production d'énergie éolienne en Franche-Comté. Lors d'une visite du parc à Mésandans, Marie-Guite Dufay a défendu l'idée d'une part de financement citoyen participatif sur chaque site. Ça tombe bien, la coopérative Jurascic, créée en septembre, est là pour ça.

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Parti de la zone industrielle d'Autechaux où plus de 700 personnes travaillent dans douze entreprises, l'autocar traverse Vergranne, s'engouffre sur un chemin de desserte créé pour le chantier éolien et s'arrête à une intersection. Les passagers, élus locaux et régionaux dont la présidente de région Marie-Guite Dufay, descendent et suivent les guides de General Eletric qui a obtenu le marché de fabrication de 43 machines. Nous sommes dans le Bois sur la Velle surmonté d'une petite crête orientée nord-sud culminant à 447 mètres et surplombant Mésandans.

Un peu en contrebas du sommet, le chemin conduit à une clairière-chantier de 25 ares. On l'aurait jurée plus grande, mais c'est la surface maximum que l'on est autorisé à défricher par éolienne : c'est ce que dit le rapport de l'enquête publique. Les visiteurs s'arrêtent à la lisière, soufflés par le spectacle. Une immense grue est en train de soulever doucement une pale grande comme une aile d'avion pour l'amener délicatement, aidée par des techniciens l'orientant depuis le sol avec des câbles, sur le rotor où elle sera fixée à l'aide de clés hydrauliques...

Les ingénieurs donnent des chiffres qui marquent : 500 m³ de béton pour les fondations, 175 m de hauteur pale déployée... Si les amoureux de la forêt peuvent se vexer que les grands arbres soient désormais toisés de haut, ils se consoleront en apprenant que chaque pale doit être remplacée en moyenne tous les huit ans (c'est dans le rapport d'enquête publique). On a beau être dans l'énergie dite verte, on est loin du temps long de la gestion sylvicole :  une éolienne est renouvelée quatre fois en trente ans et sa durée d'exploitation est de cinquante ans... 

Éviter le rejet de 60.000 tonnes de CO² par an

Mais les visiteurs ne sont pas là pour se lamenter. L'outrage à la forêt peut se discuter, mais sans doute pas ici. Du reste, l'emprise du parc éolien de Rougemont sur les forêts soumises au régime forestier représente 0,86% de leur superficie. Et d'autres enjeux sont à considérer : les 29 machines du parc doivent éviter le rejet de 60.000 tonnes de CO² par an parce que leur énergie est censée se substituer aux énergies fossiles. Soit les émissions de CO² d'environ 7000 personnes. Avec la vingtaine d'éoliennes programmées dans le vallon de Sancey, de l'autre côté du Doubs, plus au sud, on arrivera à l'équivalent des émissions de CO² de 12.500 personnes, soit 1% des Franc-Comtois...

Tout cela découle du SRCAE, le schéma régional du climat de l'air et de l'énergie, adopté en 2012 par l'ancien conseil régional de Franche-Comté et approuvé par le préfet. Constatant le retard de la région où l'éolien ne constituait que 3% des 151.000 TEPtonnes d'équivalent pétrole d'énergies renouvelables produites en 2008 sur son territoire, le schéma posait l'objectif de mettre les bouchées doubles. D'abord en faisant passer la part des énergies renouvelables dans la consommation régionale de 15% en 2008 à 32% à l'horizon 2020, accessoirement en multipliant par vingt la production d'énergie éolienne en 2020.

Parmi les spectateurs, Jean-Louis Dufour, maire de Chamole qui doit bientôt accueillir en surplomb de Poligny six éoliennes, raconte avoir été impressionné par sa visite de l'usine allemande Enercon qui fabrique des pales en fibre de verre. Marie-Guite Dufay s'interroge à haute voix : « Quand je demande pourquoi la France construit-elle des mats et pas des pales, on me répond que le marché n'est pas stabilisé... » Raymond Nicod, ingénieur responsable de la maintenance chez GE, sourit : « Schneider-Electric fabrique les câbles haute tension, c'est de chez nous ».

« Un projet éolien prend sept ans s'il n'y a pas de recours,
dix ou onze ans autrement... »

En fait, les 54 éoliennes en activité, en chantier ou en projet sur le secteur allant de Rougemont à Sancey, sont toutes financées par l'entreprise Velocita, filiale du fonds d'investissement américain Riverstone qui « n'investit que dans l'énergie », explique Eric Caradec, directeur des opération chez Velocita-Paris. Pas mécontent de sa reconversion de l'énergie pétrolière dont il a « vu les dégâts dans le monde », il constate que nombreux sont les jeunes ingénieurs à ne pas vouloir aller y travailler.

Dans le Doubs, le programme éolien représente 310 millions d'euros dont 250 déjà engagés « sur fonds propres et dette bancaire ». Plus concrètement, Riverstone a « acheté le projet étudié et développé par Opale », bureau d'études basé à Fontain, dans l'agglomération bisontine. Jean-Pierre Laurent, son président, souligne la longueur des procédures et des études relatives aux projets éoliens : « sept ans s'il n'y a pas de recours, dix ou onze ans autrement, cela entraîne des difficultés pour la filière ».

 On pourrait lui objecter que l'opacité est en retour une difficulté pour les citoyens et les collectivités. Les investisseurs n'apparaissent pas d'emblée, laissant les développeurs se mouiller et assumer avec les élus locaux les contradicteurs et opposants. Le fait que les financements soient souvent issus de fonds anglo-saxons recherchant une bonne affaire n'arrange évidemment pas les choses. Marie-Guite Dufay est sensible à cet aspect des choses lorsqu'elle souligne, face à tous les visiteurs du chantier : « c'est dommage qu'il y ait seulement des financements privés, que là, ce soient majoritairement des financements étrangers ».

Alors que des citoyens ont répondu présent au côté de quelques collectivités locales, comme Chamole, elle s'interroge tout haut : « comment amener davantage de financements locaux, participatifs ? Pourquoi pas une production participative sur chaque parc ? Les fonds de pension investissent parce que c'est juteux, de même les citoyens peuvent s'engager dans le financement participatif ». Elle évoque Chamole d'où est partie l'idée devenue réalité en septembre dernier : une SCIC, société coopérative d'intérêt collectif, dédiée au développement de l'éolien en Bourgogne-Franche-Comté.

 

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