T’as voulu boire Vesoul…

« La ville veut garder son eau » assure Jean Luc Nather adjoint à l'environnement et aux marchés publics. Factuel.info a participé à la visite exceptionnelle de l’usine des eaux de Quincey, entrée en matière d’une « journée d’échange sur la protection durable des captages d’eau potable » initiée par la Maison de l’environnement de Franche-Comté.

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« La ville veut garder son eau » assure Jean Luc Nather adjoint au maire de Vesoul, délégué aux travaux, à l'environnement et aux marchés publics. Une visite exceptionnelle (plan Vigipirate niveau rouge oblige) de l’extérieur de l’usine des eaux de Quincey était organisée le 6 octobre. Entrée en matière d’une « journée d’échange sur la protection durable des captages d’eau potable » initiée par le Plateau débat public de la Maison de l’environnement de Franche-Comté.

L’usine des eaux

La municipalité de Vesoul assure en effet la production, la distribution et « le service à l’abonné » de l’eau au moyen d’une « régie municipale directe ». C’est un service public qui a, en France plus qu'ailleurs, fait l'objet de délégations à des sociétés privées. 80 % de la gestion de l'eau revenait, jusque dans les années 1980, à trois grands groupes : Suez-Ondeo (Générale des eaux), Veolia (Lyonnaise des eaux, ex-Vivendi) et la SAUR. Une "remunicipalisation" assez générale est en cours depuis les années 1990 et la plupart des contrats arrivent à terme d'ici 2015. Les associations de consommateurs ont révélé un prix supérieur moyen de 30 % quand la gestion est privée.
L’usine des eaux de Quincey à trois kilomètres de Vesoul produit l’essentiel de l’or bleu. Elle capte, 36 mètres plus bas, une partie du débit de la nappe du Font de Champdamoy au moyen de trois pompes de 430 m3/s (une en marche, une en attente et une en secours). Le traitement effectué est complexe. « L’équilibre est très instable entre traîtements nécessaires et qualité-pureté de l’eau » insiste Luc Somlette, diplômé d’un doctorat en hydrologie et directeur « eaux et infrastructures » de la mairie de Vesoul . Cette eau d’origine karstique est par définition très calcaire et des consommateurs s’en plaignent.
Coagulation – floculation (aluminium fixant l’argile), décantation (dépôt des agglomérats), filtrage à sable (8 filtres de 30 tonnes pour fixer les dernières suspensions) ne suffisent pas, explique Bertrand Dussaucy le responsable de l’usine. « Il faut encore traîter à l’ozone contre les bactéries, matières organiques, algues et virus puis stériliser au bioxyde de chlore inodore ». Ainsi « est garantie la sécurité alimentaire de l’eau ». Les analyses effectuées en 2011 assurent une comformité à 99,99 % de la qualité de l’eau de la régie.

1.882.393 m3 ont été produits en 2011, soit quotidiennement 5.157 m3 (la Déclaration d’Utilité Publique autorisait en mars 2010 un prélèvement de 12.000 m3 par jour). La régie a aussi acheté de l’eau, en complément, au syndicat du Breuchin (Breuches les Luxeuil) : 37.261 m3. Le volume distribué est ainsi de 1.659.971 m3 pour 28.445 habitants (dont 17.180 vésuliens). La déperdition (fuites, prélèvements pour nécessité de service ou illicites) représente 13,5 % du volume produit. Le réseau s’étend sur environ 85,2 km. L’eau est stockée dans quatre réservoirs autour de Vesoul. Des réserves y existent pour assurer 36 heures de consommation. Les « abonnés domestiques » (les particuliers) de Vesoul, Navenne, Coulevon, Noidans, Vaivre, Pusey et de l’OPAC reçoivent 945.793 m3, les communes 545.183 m3, les industriels : Peugeot, Abattoirs, ADAPEI et SAMAS 95.085 m3 et les bâtiments communaux 73.910 m3. La défection récente comme client des Abattoirs va représenter un important manque à gagner.

Trois types de protection

Le captage d’eau potable de la nappe de Font de Champdamoy concerne une zone de 150 km2, un « périmètre de protection » fixé par arrêté préfectoral (articles L 1321-2, R 1321-6 et R-1321-7 du code de la santé publique). Il en existe trois en fait :

  • périmètre de protection immédiat (PPI), propriété de la régie où seules des opérations d’entretiens sont possibles
  • périmètre de protection rapproché (PPR), plus vaste, où toute activité à risque de pollution est prohibée
  • périmètre de protection éloigné (PPE), facultatif, où certaines activités sont règlementées.

C’est la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 (confortant celle du 16 décembre 1964) avec les Déclarations d’Utilité Publique, qui oblige les collectivités (communes, syndicats ou Etablissements Publics de Coopération Intercommunale ayant la compétence « eau ») à instituer « les périmètres de protection autour de l’ensemble des points de captage public d’eau destinée à la consommation humaine ».

Les agriculteurs associés à la protection

« La DUP sur le périmètre de protection est très bien acceptée ici. Les agriculteurs sont conscients des enjeux environnementaux » assure Jean-Luc Nather adjoint au maire, délégué aux travaux, à l’environnement et aux marchés publics. Il ajoute que « l’agence envisage d’acheter des terrains hors le PPI en 2013. » Serge Bouvard, agriculteur certifié biologique, est venu pour témoigner du dit consensus.

3,41 €/m3

3,243 euros le m3 soit eau seule = 34 % du total ; assainissement = 51 % du total ; taxes = 15 % du total. « En 2012 le prix est de 3,41 euros dont 1,18 pour l’eau seule » d’après les responsables de la mairie. Depuis 1990, le prix de l'eau a plus que triplé, il était alors de moins d'un euro le m3, dont cinquante centimes pour l'eau seule. Rappelons que les analyses d’eau sont affichées en Mairie sur le tableau des Services Techniques. La facture du mois de mai comporte le rapport de synthèse annuel de l’Agence Régionale de Santé (DDASS jusqu’en 2010).

Il exploite de petites parcelles sur le périmètre de captage. Installé depuis 1985, sa « conversion au bio » a duré deux ans. Il entend « valoriser ses produits ». D’après lui « le bon sens conduit à la préservation du milieu naturel » et il récuse une exemplarité dont on pourrait se glorifier. Catherine Bahl animatrice du Plateau débat public rappelle aussi que « les particuliers (jardiniers amateurs) consomment 8 % des intrants (désherbants, engrais minéraux…) mais polluent 25 % des surfaces. En proportion c’est plus que les agriculteurs. » Puis Jacques Mudry hydrogéologue à l’Université de Besançon, spécialiste international du karst, provoque la surprise chez certains : il affirme que « deux tiers des captages en Franche-Comté seraient à supprimer… pour protèger les autres le plus efficacement possible. Tout n’est pas protégeable, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, c'est-à-dire des centre-villes, l’affluence et la circulation et des points de captage à y protéger ! » La question du prix de l’eau est évoquée également avec ce casse-tête : « moins on consomme l’eau (plus on l’économise) et plus son prix augmente. »

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