Sélection en master : l’épreuve de force à Besançon

Une vingtaine d'étudiants ont été placés en garde-à-vue après avoir empêché la tenue du conseil d'administration de l'Université de Franche-Comté qui devait voter sur la sélection à l'entrée en master, adoptée en décembre par le Parlement. Les autorités les accusent de violences, séquestration et annoncent des plaintes. Les étudiants invoquent un mouvement non violent destiné à reporter le CA...

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La contre-attaque est tout un art. En fin manœuvrier, Jacques Bahi le maîtrise à merveille. Il va porter plainte, va saisir le conseil de discipline, dénonce les violences psychologiques (« des gens ont tremblé ») et physiques (« des gens ont été molestés ») après qu'une vingtaine d'étudiants ont fait irruption « pour la troisième fois en quatre mois » au siège de l'Université de Franche-Comté, mardi 14 février en début d'après-midi, pour empêcher la tenue du conseil d'administration qui devait délibérer sur la sélection à l'entrée en master, adoptée en décembre par l'Assemblée nationale.

Il s'est également offusqué « des masques à l'effigie du président de l'université... » que portaient quelques occupants, mais il n'y a plus d'atteinte à lèse majesté dans notre pays, ni de délit de caricature ! Il parle en tout cas de séquestration, un mot que reprennent également le directeur de cabinet du préfet et la procureure Edwige Roux-Morizot. Le mot n'est-il pas un peu fort pour une action de protestation ? « Ils ont maintenu les membres du CA dans une salle, les empêchant de sortir. Il y aura une enquête pour savoir qui a fait quoi. Le syndicalisme ou la politique ne supposent pas l'action violente », dit la magistrate.

Un arrêté pris la veille par le président de l'université

Une petite heure auparavant, des étudiants se relayaient à une fenêtre de l'hôtel Goudimel pour expliquer dans un maigre portevoix leur irruption au siège de l'université : « les destructions symboliques depuis six ans sont plus violentes que nos actions... Nous demandons un débat public sur la sélection, nous voulons négocier avec la police pour sortir... » Car l'action des étudiants s'est aussi avérée être un piège qui s'est refermé sur eux : une fois entrés, ils n'ont pu rebrousser chemin après l'arrivée d'une quarantaine de policiers, pour certains casqués et munis de boucliers.

Cette arrivée était prévisible, et même quasiment annoncée par un arrêté pris lundi 13 février par le président Jacques Bahi restreignant l'accès du siège de l'université et apposé sur la porte : en raison des occupations des 22 novembre et 8 décembre, mais aussi de « dégradations commises » en fac des lettres « manifestement liées à la tenue du CA », n'étaient autorisés que les personnels, les administrateurs et leurs fournisseurs, ainsi que « les représentants des forces de l'ordre dont la présence aurait été requise afin de faire respecter les dispositions du présent arrêté ».

« Leur action est non violente »

A l'extérieur, Asni, étudiant à la fac de lettres, solidaire du mouvement, en explique le sens aux journalistes quelques minutes avant l'intervention des forces de l'ordre : « les étudiants ont cherché à empêcher le vote du CA. Ils essayent de discuter avec la police, mais sont dans une impasse. Ils veulent sortir sans poser de problème car leur action est non violente. Ils ont peur d'être embarqués car il y a deux cars vides... »

Crainte vérifiée peu après. Les policiers pénètrent dans l'hôtel Goudimel qui abrita jadis le commissariat. Les journalistes tentent d'y entrer à leur suite, mais ils en sont empêchés. On peut assister à des bribes d'interpellations à travers quelques fenêtres d'un couloir de l'étage. Les paniers à salade ayant disparu de l'angle de la rue, une trentaine de badauds et les journalistes se ruent sur le quai Vauban de l'autre côté de l'immeuble : les véhicules de police sont là et les étudiants y sont poussés, évacués par une petite porte de service, menottés dans le dos. L'un montre ses mains écorchées...

« Les plaintes de la direction sont abusives »

Un double barrage policier les sépare de la presse et des citoyens. Un photographe parvient à s'immiscer dans le dispositif, il en est sorti fermement, un policier l'accuse de crachat, il proteste, soutenu par la petite foule que filme un autre policier. Les deux véhicules quittent les lieux, l'un reviendra peu après. Selon le parquet, 18 personnes ont été interpelées. Plusieurs dizaines de personnes se sont ensuite rassemblées devant le commissariat de police pour réclamer leur libération à l'appel de l'AMEB-Solidaires-Etudiants.

Représentée au CA, ce syndicat arrivé en seconde position aux élections du CA, défend « l'accès au master » et revendique « une université publique gratuite, critique et populaire ». Il explique avoir demandé un report du CA, réfute les accusations de violences étudiantes et retourne celle de séquestration : « c'est la direction a enfermé le CA dans sa propre salle, ses plaintes sont abusives ».

 

 

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