Second tour des municipales à Besançon : ne pas se tromper d’enjeu(x)

Le coup de projecteur sur les Vaîtes est-il l'arbre qui cache la forêt des autres orientations que doit trancher le second tour du scrutin ? Peut-il empêcher de voir qu'Anne Vignot veut « remettre à plat » un projet que les écologistes bisontins entendent « remanier » depuis plus d'un an ?   

jardin
Comment continuer à peser politiquement quand on a été éliminé au soir du premier tour ? Certains l'ont bien compris et font feu de tout bois sur les réseaux sociaux, sur le terrain, ou dans la presse. A Besançon, par exemple, on a l'impression que des campagnes de communication, des prises de position et des manifestations tentent d'éclipser le débat entre les trois listes qualifiées pour le second tour, voire de s'y substituer. On a vu le régionaliste Jean-Philippe Allenbach (0,8% des inscrits au premier tour) et ses manigances pour que les listes Fagaut et Alauzet fusionnent. Comme si ces deux là n'avaient jamais été concurrents aux législatives de 2017. Comme s'ils n'avaient jamais été dans des formations politiques aux orientations et aux cultures très différentes des années durant. Comme si, finalement, la seule question qui comptait était de faire barrage à une écologiste, à la gauche, voire à une femme. Maigre programme. Avant la Chute du Mur de Berlin, il suffisait d'invoquer les chars russes pour discréditer toute présence – même ultra minoritaire – de communistes sur une liste socialiste. Ça ne marchait pas forcément, mais c'était une manière de mobiliser l'électorat de droite. Aujourd'hui, ce n'est plus le couteau entre les dents qu'on fustige, mais ceux qui disent qu'on ne peut plus continuer sans risques majeurs pour nos vies à saccager les ressources et fabriquer n'importe quoi n'importe où pourvu que ça se vende et fasse monter le PIB. C'est cela qu'il faut comprendre quand surgit la critique de la décroissance.

Allenbach dans la lignée de Zemmour…

Comment en outre ne pas voir l'influence du très réactionnaire Eric Zemmour sur Jean-Philippe Allenbach quand il « s'indigne » d'une supposée stigmatisation de « toute la gent masculine » par Anne Vignot à qui il prête l'intention d'une « politique anti-mâles » en raison de son opposition à l'armement de la police municipale et de sa présence à un rassemblement dénonçant le racisme dans la police et les violences policières. Ces arguments volent ne sans doute pas très haut, mais ils font mouche sur un public très précis : celui qui a du mal à admettre qu'on puisse interroger publiquement les stigmates du colonialisme, du productivisme et du paternalisme… auxquels certains ne trouvent rien à redire. On a aussi vu la dissidente LREM Alexandra Cordier (1,7% des inscrits) se rallier à Ludovic Fagaut (LR), ce qui n'est ni surprenant ni infamant, et illustre que la génération spontanée des macronistes penche logiquement à droite. C'est surtout embarrassant pour Jean-Louis Fousseret qui figurait sur la liste de Mme Cordier. Ou encore pour son colistier Emmanuel Dumont, historique soutien d'Arnaud Montebourg, comme le fut un temps Franck Monneur, le directeur de campagne d'Eric Alauzet... Ah !, que la politique devient moins lisible dès lors que la lutte des places semble prendre le pas sur la défense des idées ou d'un programme…

Alauzet : un coup gagnant en 2017… au prix d'une rupture

Malgré sa déception consécutive à sa troisième place le 15 mars, Eric Alauzet (LREM, ex EELV) n'a pour sa part pas obéi aux injonctions d'Allenbach lui enjoignant de s'allier avec Fagaut sur le programme anti-écolo que l'on sait. Or, Alauzet n'est pas anti-écolo, il est écolo modéré. On pourrait le taxer d'opportunisme honteux en se souvenant de ses atermoiements de 2017 quand il faisait officiellement (mais discrètement) campagne pour Benoît Hamon tout en visant le soutien d'Emmanuel Macron pour les législatives. Ce coup-là fut gagnant, mais au prix d'une rupture durable avec une grande partie de ceux qui avaient accompagné son implantation politique, bien au-delà du parti vert, et se retrouvent aujourd'hui aux côtés d'Anne Vignot. Quant à ceux qui de l'intérieur du PS lui savonnaient déjà la planche, ils n'ont aucune raison d'arrêter aujourd'hui, qu'ils soient devenus macronistes ou restés de gauche... Du coup, sa base s'est rétrécie au point que certains de ses colistiers ont appelé à voter Fagaut : rien d'étonnant quand on sait que l'un d'eux figurait par ailleurs sur une liste aux élections universitaires pilotée par un colistier de Ricciardetti (RN) en compagnie d'un colistier d'Allenbach. Quelle leçon tirer de ces trahisons ? A tout le moins qu'un minimum de cohésion politique est nécessaire quand on établit une liste municipales. Manifestement, la sienne en aura manqué.

LFI imperméable aux rapports de force électoraux

Peser politiquement après l'échec du premier tour, c'est aussi ce qu'a cherché à faire la liste Besançon verte et solidaire conduite par l'insoumise Claire Arnoux (3,1% des inscrits). Visant l'articulation avec les mouvements sociaux – gilets jaunes, blouses blanches, lutte des Vaîtes… – elle a montré une forme d'imperméabilité aux rapports de force électoraux en s'arcboutant sur des positions inacceptables pour ses potentiels partenaires de fusion de la liste Besançon par nature d'Anne Vignot (EELV). Une forme de purisme, voire de naïveté, l'a conduite à exiger de ne s'engager ni dans la gestion municipale en refusant mandats d'adjoints et de conseillers délégués, ni dans le vote du budget, tout en réclamant l'abandon pur et simple du projet des Vaîtes. Faute d'un accord forcément impossible en l'absence de compromis, les voilà main dans la main avec les opposants de terrain à un projet urbain qui a déjà pas mal de plomb dans l'aile, ce qu'ils refusent d'admettre. D'abord en raison d'une première décision en référé du tribunal administratif s'appuyant notamment sur un avis du Conseil national de protection de la nature du ministère de l'Environnement. On attend la décision du Conseil d'Etat que Territoire 25 avait saisi pour attaquer la décision du TA toujours saisi d'une procédure au fond.

Vignot d'accord pour que le projet des Vaîtes soit « remis à plat »

Le comble, c'est que c'est l'association Jardins des Vaîtes que préside Claire Arnoux qui est à l'origine de cette décision judiciaire qui a eu pour effet de geler le projet, puis de contribuer à ce qu'il soit amendable. Il est à cet égard faux de prétendre qu'Anne Vignot n'a pas bougé sur le sujet, elle qui déclare à Factuel et Reporterre être « d'accord pour que le dossier soit remis à plat (…) parce qu'il y a effectivement des choses qui n'ont pas été évaluées ». Cette déclaration fait d'ailleurs suite à un communiqué des Verts bisontins qui entendaient en mars 2019 « remanier le projet » en tenant compte de la « diminution manifeste des prévisions démographiques » et en mettant en avant « le choix de permettre la production maraîchère familiale ». Ils soulignaient enfin que la fin du dispositif de de défiscalisation Pinel allait « bouleverser la dynamique immobilière ». De fait, les promoteurs ne se bousculent pas pour venir construire sur le secteur... Tout se passe pourtant, pour LFI, Extinction-Rebellion et les Jardins des Vaîtes, comme si Anne Vignot restait sur la même ligne que la municipalité finissante. Il est vrai que dans le sillage de Jean-Louis Fousseret, Nicolas Bodin, adjoint à l'urbanisme sortant et n°2 de la liste Vignot, a longtemps défendu le projet initial bec et ongles. Les communistes également, argumentant notamment sur le refus de l'étalement urbain tout en ne disant rien de la qualité agronomique des terres.

La ZAD va-t-elle mobiliser l'électorat conservateur ?

Du coup, on peut se poser la question de l'effet mobilisateur d'une ZAD sur l'électorat conservateur. Certes, la pression est bel et bien sur Besançon par nature au sein de laquelle cohabitent plusieurs positions. Mais on voit mal la liste se déchirer en exprimant publiquement des divergences sur un sujet destiné à être « remis à plat ». Du coup, entre cette position modérée et une occupation spectaculaire, les réseaux sociaux et certains médias peuvent pencher pour le plus visible, voire faire comme si la ZAD emplissait tout l'espace public. Cela fait-il des diverses oppositions au projet des Vaîtes des alliées objectives de Ludovic Fagaut ? Le scrutin du 28 juin dira dans quelle mesure c'est vrai ou faux. D'ici là, force est de constater qu'une éventuelle saturation médiatique risque d'occulter les autres enjeux de l'élection bisontine : armement ou non de la police municipale, relance ou frein sur la politique sociale, politique sportive plutôt axée sur la pratique populaire ou l'élite spectaculaire, transition écologique accélérée ou différée… On en passe.
LFI n'est pas d'accord avec notre présentation des choses et l'a fait savoir dans une réaction que nous avons publiée en encadré de l'entretien avec Anne Vignot : à lire ici. LFI met notamment en avant l'engagement de voter tous les budgets demandé par Besançon par nature préalablement à la discussion.

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