Réduction des pesticides : loin des objectifs

En 2008, le Grenelle de l'Environnement misait sur moins 50 % en 2018... Résultat obtenu sur le bassin versant de la source d'Arcier qui alimente Besançon, mais les données régionales sont inexistantes. Les professionnels admettent, quand ils veulent bien parler, une légère baisse, sans forcément partager l'objectif...

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C'est un véritable défi d'obtenir des informations de la part de ceux qui vendent des pesticides aux professionnels ou aux particuliers : absence, exigence de demandes écrites, souhait d'anonymat... Parmi ceux qui acceptent de s'exprimer (lire ici), l'un parle d'une baisse de 8 à 10% par an depuis 3 ans, l'autre d'une baisse moindre du chiffre d'affaires pesticides...
Les distributeurs et applicateurs de pesticides ou phytosanitaires agréés sont répertoriés sur un site du Ministére de l'Agriculture, e-agre.

« Il n'existe aucune donnée régionale fiable sur l'utilisation des pesticides », constate-t'on au service de protection des végétaux de la Direction de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt de Franche-Comté (DRAAF). « Le ministère de l'Agriculture possède des chiffres pour l'ensemble du pays mais les régions n'y arrivent pas ». Le responsable de la DRAAF poursuit : « Un groupe de travail existe depuis deux-trois ans. Les distributeurs de pesticides donnent des chiffres globaux, mais ils vendent les produits dans plusieurs régions, ils font leur boulot dans le cadre réglementaire actuel (modifié en 2008) mais leurs données ne permettent pas de fournir des chiffres fiables. Il y a aussi des différences entre les ventes et les applications de produits dans le temps (pratique du stockage). Aucune région ne peut calculer les Nodu (nombre de doses unités, indicateur central de suivi du plan Ecophyto 2018, valant pour toutes les cultures et calculé annuellement à partir des données de vente des distributeurs secondaires aux plans national ET régional). Des bases de données ont été constituées selon des méthodes différentes, ailleurs ce sont des données  qui manquent ».

Baisse de 1,8% des ventes en 4 ans en France

Le Grenelle de l'environnement avait bien fixé la diminution de l'utilisation des pesticides de 50% à 2018. De suite, agriculteurs réticents et industriels avaient réussi à faire ajouter « si possible ». Le ministère de l'Agriculture publie une note de suivi sur « l'utilisation des produits phytopharmaceutiques de 2008 à 2011 ». On y lit que « les quantités de substances actives vendues (hors traitements de semences et produits de la liste biocontrôle vert) ont baissé de 1,8% ». Précision : l'année 2008 a été une année de forte utilisation pendant laquelle tout n'a pas été déclaré. La baisse de 5,1% l'année suivante permet la baisse tendancielle jusqu'en 2011. Il faut plutôt parler ensuite de stabilité. Les Nodu d'usage agricole sont même à la hausse de 2,7%. La note précise que s'il y a stabilisation des quantités vendues, la hausse s'explique par l'efficacité accrue des substances actives (que le calcul Nodu ne laisse pas échapper).
On remarque donc une baisse du recours aux fongicides, mais une hausse de l'emploi des insecticides et des herbicides. Le Nodu des substances cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, est toutefois en baisse de 80% du fait du retrait de la vente de certains produits. Au total, le « si possible » devient improbable ! La note de suivi des Nodu en 2008-2009  pour la Franche-Comté relevait aussi « un léger resserrement », faible promesse d'atteindre la réduction évoquée.

« Le non labour fait vendre le glyphosate »

La note nationale attire aussi l'attention sur une baisse des prix des pesticides, même quand les substances classées font l'objet d'une redevance. Chez les distributeurs de pesticides pour l'agriculture dans la région, il est difficile d'avoir des données précises sur l'évolution des ventes (lire l'encadré plus haut). Ceux qui ont bien voulu nous répondre parlent de « baisse modeste » ou de « ventes stables depuis le Grenelle ». Selon le responsable commercial d'un distributeur qui a voulu rester anonyme, un des produits les plus contentieux, le glyphosate (Round up) a pu connaître une chute, en tous cas, chez ceux qui « n'ont pas une politique chimique à tout-va » et qui pratiquent le conseil agronomique.
Il faudra assurément plus pour obtenir le moins 50% auquel plus personne ne croit. Et il faut prendre en compte les ruses de la « raison productiviste » : selon le même responsable commercial, tel agriculteur, convaincu de passer au système de non labour destiné à mieux préserver sa terre (agriculture dite de conservation) et qui cultive ainsi davantage de surfaces, s'est vu proposer à la vente une quantité plus importante de ce glyphosate, désherbant total, produit par Monsanto. Et d'en conclure : « le non labour fait vendre le glyphosate »…

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