Randonnée non confinée dans le Jura

Selon plusieurs études scientifiques, le virus se transmet surtout en milieu... confiné et peu aéré. Arpenteurs habituels des cimes jurassiennes, perplexes devant les restrictions aux activités de plein air, nous avons marché pendant le dernier confinement durant deux jours à moins de 10 km de chez nous, sur des sentiers, chemins et traces du Revermont...

En ce beau et frais matin du jeudi 22 avril, nous sommes partis de chez nous à pied, sac au dos. Avec des vivres et de quoi bivouaquer. Affronter les éléments, sortir du train-train du confinement, nous sentir en vacances sans aller loin. Nous voilà sur le GR59, au pied du bois de Rosnay, hameau perché entre Lavigny et Baume-les-Messieurs. Dans le thalweg qui grimpe vers Crançot, un solitaire récolte de l'ail des ours. Echange de recettes, pesto, bourgeons au vinaigre et au miel...

Continuant à monter en prenant un rythme régulier, nous voilà vite au belvédère des Roches, déjà occupé par deux familles. Vue imprenable sur la reculée de Baume, la cascade des tufs et la célèbre abbaye. On s'en régale toujours. Le soleil tape, nous optons pour un pique-nique dans le bois de Romboin, sommairement aménagé. Nous échangeons des bonjours, joyeux ou plus conventionnels, avec les autres randonneurs.

Nous choisissons ensuite le sentier – non balisé – du bord de la falaise. Les vues imprenables se succèdent, toutes en nuances. Les buses et les milans tournoient, la Seille naissante chante, la brise murmure, les arbres dansent... Voilà la croix de Suchot, un autre belvédère... Bel endroit pour une pause méditative. D'autres randonneurs s'appuient à la balustrade, font des photos, quelques uns parlent fort.

Nous sommes seuls sur le chemin blanc qui va du bois du Latet au bois de Rarateau, longe la combe Bourgeon, le champ Nusillard. Les cartes au 1/25.000 témoignent de la poésie des noms de lieux, disent parfois leur ancienne vocation. Tiens, cet amas de pierres cache quelque chose ! Nous découvrons dans la broussaille l'une des multiples cabanes de berger du premier plateau à l'origine controversée : Moyen-Âge ? Renaissance ? 19e siècle ?

Nous plantons la tente dans un pré où un chevreuil broutant mettra une minute à nous repérer avant de s'enfuir : le silence est parfois d'or... La végétation bien fournie apportera une humidité qui rafraichira le petit matin après une nuit trouée du cri d'une chouette...

Nous arrivons tôt à La Marre, sa fruitière à comté qui fait aussi un étonnant « bleu de La Marre », sa mini bibliothèque et son épicerie-boulangerie-pâtisserie où les clients se succèdent pendant que nous dégustons, assis sur le muret du parking, son café express avec ses croissants frais. En entrant dans le village, une dame bichonnant ses fleurs nous avait fait un brin de causette, lançant d'un air mi rieur mi inquisiteur : « vous n'avez pas l'accent bien jurassien ! » L'enfant du pays, l'abbé Outhier, astronome du 18e siècle, étudia au séminaire de Besançon et fut vicaire de Montain d'où il observa le ciel du clocher... Aujourd'hui, les projets éoliens mobilisent les habitants si l'on en croit les grandes affiches « Non à l'éolien industriel » qui jalonnent nombres de façades.

Nous retrouvons d'autres cabanes de bergers en suivant le Sentier de découverte des pierres sèches de Chaumois-Boivin. Il passe au milieu d'un bocage de murets et de haies délimitant des prés où paissent de curieuses génisses. Voilà Chaumois-Martin, neuf habitants, trois maisons et une ferme. Sur une façade, une plaque « place Riquet Chevassus ». Sur le pas de sa porte, une dame répond à mon interrogation : « C'était Henry, mon beau-père, ma fille a mis la plaque... » Elle ajoute : « On est bien là, je ne partirais pour rien au monde... Tenez, ce matin, on voyait le groupe de chamois du secteur au bout du champ, il y a même une chèvre parmi eux depuis dix ans... »

Au bord du sentier qui plonge sur Blois-sur-Seille et la reculée de Ladoye, connue pour ses moulins à eau, la forêt a mangé ce qui fut une imposante bâtisse en bord de falaise. Nous déjeunons sur un banc de la très tranquille place de Blois, entre le paisible cimetière au bord de l'eau et des restes d'un curieux téléphérique à lait qui descendait, jusqu'en 1982, la traite du plateau au village où était implantée la fromagerie... Il est question de le rénover pour en faire un atout patrimonial.

En quittant la reculée, nous saluons un paysan de notre connaissance... Il a maintes fois traversé à pied le canton et au-delà. Il complète l'histoire de la chèvre parmi les chamois : avec sa couleur claire qu'on repère de loin, elle renseigne chasseurs et naturalistes sur les déplacements de la harde. Il apprécie d'autant mieux notre périple qui doit encore passer par Nevy-sur-Seille que surplombe Château-Chalon... Quant à nous, nous aurions mieux apprécié ces « chaises publiques » gentiment mises à disposition des voisins et passants par ces habitants d'un pavillon du Vernois, si nous étions passés alors qu'elles étaient à l'ombre !

Sur les chemins de béton du vignoble du Vernois, pas vraiment faits pour les piétons, nous regrettons la relative souplesse du sol des sentiers. Nous voilà en vue de notre village. Nous sommes passés des pâturages aux vignes, nous avons traversé des forêts, longé des ruisseaux, rencontré des gens. Nous avons exploré un petit bout de notre territoire proche et découvert qu'il reste à découvrir. Au-delà de ses grands sites.

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