Social et médico-social en souffrance

Le Conseil départemental du Jura et l'Agence régionale de santé sont interpellés par les salariés des secteurs social et médico-social qui sont descendus dans la rue avec la CGT pour réclamer de meilleures conditions de travail et des augmentations de salaire. Les aides à domicile défendent une revalorisation de l'aide personnalisée d'autonomie, une des plus faible de France. La réintégration de salariés non vaccinés suspendus a aussi été réclamée.

Devant l'ARS

L’épuisement. Sans se concerter, les deux aides soignantes d’ABRAPA répondent par le même mot à la question : pourquoi manifestez-vous aujourd’hui ? Séverine Martinet, la déléguée CGT ajoute : « l’an dernier, on était 17 soignantes, aujourd’hui on est 5... Il y a eu 12 démissions ». Pourquoi ? « la fatigue, le salaire, le manque de reconnaissance. Elles sont parties en Ehpad ou à l’hôpital... Mais les hôpitaux sont saturés, les gens y restent moins, on les récupère donc plus vite. Résultat, moins de soignants soignent davantage de personnes... »

A deux pas, une troisième aide à domicile est descendue du Haut-Jura. Non vaccinée, elle n’a pas pu continuer à travailler chez ABRAPA et intervient désormais en étant payée en chèque emploi service. Inconvénients : elle cherche elle-même ses clients et ne peut faire de soins. Avantage : elle est mieux payée et, si cela reste modeste, gagne autant en travaillant moins...

Un peu plus loin, deux éducatrices spécialisées du Dispositif intégré thérapeutique éducatif et pédagogique de Revigny qui a connu une grève en septembre. « Je suis là parce que le Ségur me dérange car il risque de détruire notre convention collective », dit l’une. « Et aussi parce qu’on a besoin de nos collègues suspendus : il y en a trois dans mon équipe de huit. Du coup, ça pose un problème thérapeutique, de suivi d’enfants... On a aussi un gros problème de direction avec des managers qui ne connaissent pas le métier. »

DITEP de Revigny : « la situation des enfants se dégrade, des parents perdent confiance… »

Sa collègue est à peine mieux lotie : « Dans mon équipe de sept, il y a deux suspendus... Des familles ne sont pas suivies, mais on nous dit de compenser... » Elle est désabusée quand elle lâche : « des jeunes qu’on a suivis gagnent plus que nous en travaillant à l’usine ou au MacDo... » Patrick Ardiot, moniteur éducateur et délégué CGT, entend pour sa part « réclamer la réintégration des suspendus lors du prochain CSE. On n’a plus de personnels pour les prises en charge, on est dans un mensonge de prise en charge vis à vis des familles quand il n’y a plus de thérapeutique... » Il relève « l’absurde » de la différence de statut entre Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) ou Maisons d’enfants à caractère social (MECS) qui n’ont pas d’obligation vaccinale contrairement à un DITEP où « le travail est le même. En DITEP, on n’a pas quinze gamins, mais des prises en charge individuelles ou en mini groupes de deux ou trois... Et notre direction veut qu’on continue coûte que coûte alors que la situation des enfants se dégrade, que des parents perdent confiance... »

Devant le Conseil départemental

Déléguée syndicale à l’APEI, Marie Antoinette Vernier est catégorique pour le foyer de résidents adultes handicapés où elle travaille : « On manque de personnel et le problème c’est qu’on est sur un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de 5 ans. Nos interlocuteurs de l’APEI nous disent que le conseil départemental, qui nous finance, ne donne pas assez. Et quand on va voir le département, on nous dit que l’APEI gère mal... En attendant, on est parfois deux éducateurs pour quatorze résidents ayant besoin d’un accompagnement... » Et s’il y a trois suspendus, ils sont remplacés par des CDD : « quand on demande jusqu’à quand, on nous répond qu’on ne sait pas... »

Des institutions qui se renvoient la balle...

Préparée depuis plusieurs semaines, cette manifestation des personnels des secteurs social et médico-social a réuni près de 200 personnes (300 selon la CGT) dans les rues de Lons-le-Saunier sous un froid crachin. Un joyeux cortège a fait deux bruyantes et chantantes haltes devant les locaux des deux financeurs, le Département et l’Agence régionale de santé. Une éducatrice a témoigné avec émotion de la brutalité des suspensions de salaire touchant des non vaccinés. Elle a été bien applaudie, succès contrastant avec un point jugé « non prioritaire » par des cadres du syndicat.

Une demande d’entrevue a été refusée préalablement par courrier par l’ARS qui a prétexté ne pas être concernée par les revendications. Johann Daniel, du bureau de l'UD-CGT du Jura, a ironisé : « Quand on a vu le préfet, il nous a dit qu’il aimerait être avec l’ARS pour évoquer certains points... »

Le responsable syndical a assuré qu’il y a également eu « beaucoup de débrayages dans les établissements » tout en soulignant l’originalité d’un mouvement ayant su articuler « revendications spécifiques et revendications communes », et dont l’objectif est une négociation s’inscrivant dans « le temps long ».

Le syndicat réclame ainsi des la part de l’Etat davantage de moyens pour des créations de postes et de meilleurs salaires, mais aussi du Département une augmentation de l’aide personnalisée d’autonomie (APA) qui est dans le Jura à l’un des taux les plus bas de France, ainsi qu’un effort pour construire de nouvelles places d’accueil pour les personnes âgées : « on a besoin de 834 places » a souligné le représentant de la CGT retraités en déplorant que les projets de Poligny et Champagnole fassent la part belle au privé, ce qui a selon lui pour conséquence des coûts supérieurs à 2000 euros par mois pour les résidents alors que les pensions sont souvent entre 1000 et 1500 euros...

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