Questions et colères entre gouvernement et citoyens

Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre et porte-parole du Gouvernement, était de passage ce jeudi dans le Doubs et a participé à un débat public à la préfecture. L’opération « à votre écoute » devait recueillir « les remontées du terrain par l’expression des principales préoccupations des Français. » Tout le monde pouvait s’y inscrire, dans la limite des places disponibles, et quelque 75 personnes d’horizons très divers ont pu s’y rendre, donnant lieu à des échanges où interrogations et coups de gueule se sont vite multipliés.

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Toute la « macronie » était là : le maire Jean-Louis Fousseret, les députés Éric Alauzet et Fannette Charvier, la référente départementale Margot Brisson, ainsi que plusieurs cadres du secteur. Mais cela n’a pas suffi à contenir les nombreuses interventions liées aux questions sociales du moment. Ils étaient 75 citoyens dans la salle, les plus rapides à s’inscrire sur Internet pour participer à ce débat. Il y avait des avocats, des professionnels de santé, du personnel d’éducation, des gilets jaunes et des représentants de quartier. Principal leitmotiv : le controversé projet de réforme des retraites.

La première à prendre la parole s’appelle Amandine. « Dentiste libérale, femme, avec enfants », précise-t-elle. Elle souhaite exprimer son désarroi sur bien des sujets. La question des migrants et des réfugiés, la violence d’État notamment avec la répression des mouvements contestataires, le service public en crise et plus particulièrement le malaise du monde hospitalier, l’engagement climatique « réduit à néant » avec notamment les interdictions des plastiques à usage unique et des pesticides « trop tardives », sont autant de sujets évoqués, tout comme bien sûr « le système par points. »

Urgences sociales, climatiques, et démocratiques

Denis, membre du barreau, enfonce le clou. « Depuis six semaines, nous sommes en grève, et nous devons faire face à un vrai manque de dialogue. Notre caisse fonctionne, vos desseins sont infondés et néfastes. » Il sera relayé par ses confrères, dans une bataille technique avec la ministre ; par exemple concernant les situations types choisies pour les projections et les simulateurs de retraite, qui « n’auraient aucune prise avec la réalité. » Une autre assène : « j’ai prêté serment il y’a trente ans. Votre réforme va entraîner des coûts, répercutés sur les justiciables et enterrant près de la moitié des cabinets modestes. »

Fred, opposant « Force ouvrière » et figure des Gilets jaunes, abonde. « Ce pays a été refondé par le Conseil National de la Résistance, où les valeurs de solidarité étaient la règle. Vous détruisez tout cela, et n’écoutez absolument pas le peuple lorsqu’il vous dit que ce programme, personne n’en veut. Vous parlez de tractations, mais les protestataires s’en prennent plein la gueule. À 46 ans et bien que pacifique j’ai mangé six gardes-à-vue, certains à l’instar de Mathias à Besançon ont été molestés gratuitement, des lycéens finissent en geôles pour avoir lutté contre les E3C… »

Fatima, illustre ouvrière de Lip, appuie sur la condition des femmes. « Avec le travail partiel et précaire, le chômage, et la difficulté d’emploi des seniors, nous serons les grandes sacrifiées. Et que dire des pensions de réversion, certes augmentées, mais désormais possibles à 62 ans et non plus 55. » Monique, du Conseil citoyen de Planoise, se dit stupéfaite des postes supprimés au collège Diderot. « Un site REP+ et une cité éducative, où on enlève des moyens. Avec 50 % des habitants sous le seuil de pauvreté et les problèmes qu’on connaît actuellement, c’est alarmant. »

Des réponses « forcément insuffisantes »

Loin de se démonter, mais toujours calme, Sibeth Ndiaye tente d’argumenter d’abord sur les retraites. « Il fallait une vision universelle, incluant aussi des catégories comme les avocats. Prenons les agriculteurs ; il y’a cinquante ans, personne n’imaginait que la France rurale passerait de plusieurs millions de paysans à seulement quelques centaines de milliers aujourd’hui. À l’époque, ils voulaient se gérer seuls, et c’était compréhensible. Mais maintenant, c’est le collectif qui met la main au portefeuille. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Notre boulot est de parer au futur. »

Elle poursuit : « Tous les cinq ans, le débat sur les retraites fait rage, c’est donc qu’il y’a un problème. On aura bientôt une stabilité, mais aussi une mesure de justice. La valeur du point sera garantie, et il ne pourra pas moins augmenter que l’inflation. Dans tous les cas, une carrière complète au SMIC recevra le minimum, c’est-à-dire à peu près 1 000 €. Avec l’âge pivot, un tiers des cotisants aura un effort à faire en termes de durée, mais pour 40 % rien ne changera. Par ailleurs, l’écart entre les pensions les plus élevées et les plus faibles est de 1 à 7, nous avons calculé qu’il passera de 1 à 5. »

Sur les violences policières, la ministre tient à clarifier « que nous ne sommes pas dans un régime dictatorial et qu’il n’y a aucune consigne étatique de sévérité. » « Néanmoins face à des black bloc, les stratégies de maintien de l’ordre ont été adaptées ; le contact devenu nécessaire, il entraîne confrontations et blessures. Chaque œil crevé, main arrachée, dommage corporel, en est un de trop, mais la violence n’est à la base pas issue des uniformes, qui sont là pour protéger les biens et les personnes. Quand il y’a manquement individuel ou carence en formation, il y a sanction. »

La porte-parole termine : « Nous avons fait beaucoup de choses sur le handicap, le minimum vieillesse, la suppression de la taxe d’habitation, ou encore la politique de la ville. Tout n’est pas parfait, et nous n’avons pas la science infuse. C’est pourquoi ces moments avec les citoyens et les parlementaires sont précieux. L’ensemble des requêtes n’a pu être traité, et les réponses apportées peuvent parfois apparaître insuffisantes. Je veillerais à revenir dans la capitale comtoise. » Après deux heures d’un exercice périlleux et bien d’autres thèmes abordés, la séance s’achève.

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