Quel avenir pour le ski nordique ?

«Quand le ski alpin gagne 1% de skieurs par an, le fond en perd 3%. A ce rythme, il n'y aura plus de fondeurs avant qu'il n'y ait plus de neige». Cette boutade de Frédéric Berlioz, de l'observatoire de développement et d'ingénierie touristique, illustre assez bien la situation de la filière nordique. Parce que situés en moyenne montagne, de nombreux sites sont menacés par le réchauffement climatique.

ski aux fourgs

«Quand le ski alpin gagne 1% de skieurs par an, le fond en perd 3%. A ce rythme, il n'y aura plus de fondeurs avant qu'il n'y ait plus de neige». Cette boutade de Frédéric Berlioz, de l'observatoire de développement et d'ingénierie touristique, illustre assez bien la situation de la filière nordique. Parce que situés en moyenne montagne, de nombreux sites sont menacés par le réchauffement climatique. Tous n'ont pas les moyens ou l'envie de faire de la neige artificielle, comme Autrans (Vercors) qui veut «pérenniser» la Foulée blanche, une grande course populaire. La désaffection serait aussi culturelle, sociétale. Une «fracture» s'élargirait entre locaux et sportifs d'un côté, touristes de l'autre. Les uns auraient tout misé sur l'aménagement, les pistes de skating dédiées à la performance, négligeant l'accueil, la formation, des espaces plus accessibles aux familles, à la détente, l'animation...

Redevance : une carte à puce ?

 

La redevance ski de fond est un interminable sujet de débats. Les gestionnaires (sites, fédérations départementales, régionales et nationale) peinent à s'entendre sur la redistribution d'une manne qui va à ceux qui ont le plus de moyens. Dans les Alpes du nord, l'Isère fait cavalier seul et il n'y a pas de réciprocité avec les Savoie. Ce fut le cas en Franche-Comté il y a quelques années...

En outre, tout se passe comme si les touristes finançaient l'essentiel des pistes pour sportifs : les redevances à la journée ou à la semaine coûtent proportionnellement plus cher que les cartes à la saison achetées par les skieurs locaux... non compétiteurs. Car les membres des clubs, qui utilisent le plus les pistes les plus techniques, se la voient le plus souvent offrir !

La région Rhône-Alpes a expérimenté la faisabilité technique d'une carte à puce pour laquelle elle projette d'investir 900.000 euros. Il s'agit d'équiper chaque site de capteurs enregistrant le passage du skieur, et transmettant les données à un ordinateur central qui calculerait la répartition en fonction de la fréquentation réelle. L'intérêt, selon ses promoteurs, est de proposer une carte unique pour skier partout. Reste à trouver des sites volontaires, cet hiver, pour tester la chose sur toute une saison. Reste aussi, alors qu'Edvige a été retoqué pour atteintes aux libertés, à faire accepter un nouvel outil permettant de suivre le citoyen à la... trace, pour ne pas dire flicage.

 

Ou libre accès ?

 

Les régions Franche-Comté et Auvergne ont été invitées à voir comment ça marchait. Normal, Rhône-Alpes est sur le massif jurassien avec l'Ain, sur le Massif Central avec la Loire et l'Ardèche.

Plusieurs responsables d'associations départementales de gestion de la redevance estiment que le projet doit se gérer au niveau de Nordique France, leur fédération nationale. Mais ce n'est pas si simple : des sites peuvent avoir intérêt à sortir du système mutualisé. On pense par exemple aux Rousses, qui captent un maximum de redevances grâce à des portes d'entrée sur un domaine largement situé sur d'autres communes...

Personne n'a évoqué le projet initial de Pierre Gallet, pourtant abondamment cité au cours des assises, de financer le damage et le traçage par une taxe sur les ventes ou locations de matériel afin de laisser la montagne en accès libre. Cela ne serait pas plus difficile à traiter que la taxe de séjour. Mais pénaliserait ceux qui changent souvent de skis.

Quand on sait qu'un euro investi (dont la moitié issu de la redevance) génère sept euros de chiffre d'affaires sur place, le maintien de la redevance peut se discuter.


Lors des premières assises nationales du nordique, jeudi et vendredi à Chambéry, un relatif consensus est apparu sur ces causes. On a évoqué la diminution des classes de neige, la baisse de fréquentation du tourisme social, le coût du foncier qui entraîne la fermeture de centres d'accueil dans les stations. Il y avait 430 sites dans les années 1980, il en reste 200. Il y avait 3.800.000 journées-skieurs, il n'y en a plus que 2.400.000... Attesté par la croissance des ventes de raquettes, le développement d'alternatives au ski de fond dans des domaines quasi exclusivement pensés pour le ski a conduit à des conflits d'usages pas toujours résolus.

De l'épopée au virtuel

Ces premières assises ont surtout été l'occasion de se parler. Si l'on s'est beaucoup retrouvé entre gens du ski de fond, gestionnaires de sites et élus locaux de tous massifs, on a écouté des analyses extérieures. Pour le géographe Philippe Bourdeau, le nordique est passé de l'épopée (années 1970) au virtuel (2000) après l'hédonisme (1980) et la turbulence urbaine (1990). «La montagne est-elle la dernière frontière de la terre ?», interroge-t-il en titillant le côté pionnier des pratiquants de sports de plein air. Dans ce cas, quitter les traces serait une saine réaction dictée par la recherche de liberté...

On s'est demandé s'il y avait divorce entre les jeunes et la montagne. Frédéric Berlioz assure que les pratiquants, essentiellement quadra et quinquagénaires, sont «en phase de vieillissement». Éric Picot, directeur de l'Espace Mont d'Or, réagit : «ça fait 30 ans que la majorité de la clientèle a ces âges-là». Guy Chaumereuil, directeur de la Grande traversée des Alpes, considère que «l'obsession sécuritaire empêche d'emmener des scolaires en montagne».

 

Passeurs de territoires

Un mot fait fortune, celui de « passeur ». Il faut, pour faire aimer et comprendre les territoires nordiques, des hommes et des femmes qui transmettent. Donc investir dans l'humain, la formation, l'accompagnement, pas seulement dans des kilomètres de pistes.
La moyenne montagne est habitée. Dans le massif jurassien, elle porte la marque de l'agriculture et de la sylviculture qui façonnent des paysages sans lesquels il n'y aurait pas d'économie touristique. C'est ainsi que raisonnent les élus, semble-t-il désormais. Quand la région PACA investit dans 24 espaces nordiques, dont 19 dans les Hautes-Alpes, c'est un «prétexte pour envisager le développement global de territoires» quasi désertés par l'agriculture. Quand le conseil général de l'Isère engage 10 millions d'euros sur quatorze petites stations, notamment en Chartreuse, il parle «diversification» et veut des équipements servant hiver comme été.

Les champions apporteraient «de moins en moins» de notoriété, estime Berlioz. Il n'empêche, quand la Franche-Comté met 11 millions dans le tremplin de Chaux-Neuve, le stade de biathlon de Prémanon et le pôle nordique du Haut-Doubs, elle veut que ces équipements servent aussi au grand public en été.

 

 

 

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