Protection de la source de la Loue : une occasion manquée

L'enquête publique sur la protection du captage d'eau de consommation des villages d'Ouhans et Renédale se termine mercredi 11 mars. En résumant le périmètre de protection éloignée, qui concerne 35 communes sur 484 km², à un réseau d'alerte, on s'empêche d'aborder des mesures de fond pour protéger les rivières.

Le réservoir haut d'Ouhans voisine avec un tas de fumier qui devra être déménagé après l'adoption du périmètre de protection rapproché. Ph DB

Grâce à Gustave Courbet, le monde entier connaît la source de la Loue. On sait moins que le charmant village d'Ouhans, sur le territoire duquel est située la fameuse résurgence, y puise son eau de consommation depuis 1876, un an avant la mort du peintre. De la vasque de la source jusqu'au village, l'eau était remontée sur une centaine de mètres de dénivelé dans une conduite d'ascension grâce à une turbine qui pompait 40 litres par minute. En 1919, la société des Forces motrices de la Loue pompe jusqu'à 60 mètres cubes par jour. En 1958, EDF qui a pris le relais en 1949, pompe 10 mètres cubes par heure, puis 17 m³ depuis 1961 avec l'ajout d'une pompe de secours...

Ce captage est le seul à alimenter les quelque 400 Loups blancs C'est ainsi qu'on nomme les habitants d'Ouhans, ainsi que la trentaine d'habitants de Renédale, depuis que la DDASS a interdit de puiser dans la source de Pré Bas. Cet abandon n'a pas empêché les problèmes sanitaires de se poser également avec l'eau de la source de la Loue. De la mousse coulait jusqu'à Ornans en janvier 2011, les analyses n'étant bizarrement pas concluantes, ce qui poussait les défenseurs de l'environnement à réclamer des analyses en continu plutôt que ponctuelles. Et l'on ne cite que pour mémoire les surmortalités piscicoles à l'origine de manifestations à Ornans en 2010 et Saint-Hippolyte en 2014, d'un plan dit de sauvetage et de conférences sur les rivières qui décevraient si elles restaient au stade de la grand messe.

Contamination fécale

Les mesures en continu sont sorties de la dernière conférence, mais c'est pourtant une analyse ponctuelle, en mai 2013, qui révéla une « contamination bactériologique présentant des germes témoins de contamination fécale ». De quoi donner du grain à moudre à ceux qui accusent les épandages de lisier.  Et de quoi s'interroger sur l'absence de périmètres de protection du captage, obligatoire depuis 1992... Périmètres au pluriel car il y en a trois : immédiat, rapproché, éloigné. 

Et la protection des réservoirs d'eau potable ?
Serge Daigre, habitant d'Ouhans, ironise dans une observation mentionnée sur le registre d'enquête publique : « c'est très bien de vouloir respecter le captage de l'eau potable, mais j'aimerais connaître les conditions de non-respect de cette règlementation : c'est valable pour la protection des réservoirs d'eau potable ».

Cette obligation, la commune a fini par s'y mettre, un petit peu poussée par la pression des événements et de la mobilisation contre les pollutions, même si l'on s'est jusque là surtout payé de mots. Le 30 septembre dernier, le conseil municipal adoptait une proposition de délimitation d'un périmètre de protection. L'Agence régionale de Santé, qui a repris une grande partie des prérogatives de la DDASS, demandait notamment la création d'une parcelle afin de protéger le « réservoir haut », situé comme son nom l'indique sur les hauteurs du village, et, comme son nom ne l'indique pas, sur un pâturage communal.

« On donne le bâton pour se faire battre... »

L'agriculteur qui entrepose son fumier à moins de dix mètres du réservoir sera alors prié, juridiquement, de le déménager car il « peut générer des pollutions par infiltration », mentionne le rapport hydrogéologique de Jean-Pierre Mettetal. « Je lui ai déjà dit plusieurs fois de le faire, mais il répond que c'est son terrain », dit le maire Fabrice Tyrode, élu depuis 2001. En fait, c'est un terrain qu'il loue au syndicat pastoral qui le loue à la commune... Paysan lui aussi, le maire sait sa profession observée : « il y a des fois où on donne le bâton pour se faire battre... Si tout le monde respectait les plans d'épandage, ce serait déjà bien ».

35 communes dans le périmètre de protection éloignée
Les Alliés, Arçon, Bians-les-Usiers, Bonnevaux, Bouverans, Bugny, Bulle, Chaffois, Le Chaux, La Cluse et Mijoux, Dompierre-les-Tilleuls, Doubs, Les Fourgs, Frasne, Les Granges Narboz, Goux-les-Usiers, Hauterive-la-Fresse, Houtaud, Labergement-Sainte-Marie, La Longeville, Maison-du-Bois-Lièvremont, Malpas, Montbenoît, Montflovin, Oye-et-Pallet, La Planée, Pontarlier, Remoray-Boujeons, La Rivière-Drugeon, Sainte-Colombe, Sombacour, Vaux-et-Chantegrue, Verrières-de-Joux, Ville-du-Pont, Vuillecin.

Le réservoir haut est entouré de barbelés aisément franchissables, il sera, une fois le périmètre de protection immédiat adopté, clôt par un grillage. Et le périmètre de protection rapproché interdira dépose d'effluents, épandage de lisier, pesticides, stockages d'agents fermentescibles... Ces interdictions concernent aussi le périmètre de protection rapprochée de la source sur environ 65 hectares, essentiellement le plateau forestier surplombant le site.  

Périmètre de protection éloignée au rabais

Reste le périmètre de protection éloignée. Il a été décidé de « ne pas le formaliser », notamment parce que sa « large étendue entraîne des conséquences relativement lourdes en termes d'enquête publique », écrit notamment l'ARS. Ce PPE reprend en effet le « bassin d'alimentation de bassin hydrogéologique de la source » ou bassin d'alimentation du captage (BAC) qui s'étend sur 35 communes et 484 km². Ils se répartissent en 49% de terres agricoles, essentiellement des prairies, 41% de forêts, 10% de zones urbanisées ou humides. 43 décharges y sont inventoriées dont 13 présentent des « risques potentiels forts à moyens sur les milieux ». Le recensement agricole 2010 mentionne près de 27.000 bovins sur 339 fermes. De 2010 à 2013, le nombre de vaches laitières a crû avec la fin des quotas de près de 5% sur le Doubs et ça continuait en 2014 et 2015...

Deux observations soulignent l'importance du périmètre éloigné
Jean-Pierre Herold, de l'association Loue Vive, a porté une observation sur le registre d'enquête publique afin d'avoir un véritable périmètre de protection éloignée : « la vulnérabilité du bassin d'alimentation de la source provient essentiellement du périmètre éloigné comme le montrent les traçages. Pour éviter les pollutions bactériologiques, il s'impose de règlementer les épandages en période hivernale quand l'herbe ne pousse pas (...). Nous demandons un calendrier précisant les périodes d'interdiction d'épandage sur le périmètre éloigné. Cela pourrait éviter de construire une unité de filtration/désinfection et un coût important à la collectivité ».
Monique Herold, pour Loue et Rivires Comtoises, met l'accent sur les pollutions domestiques et estime que « le contrôle des sites de décharge doit être renforcé et les analyses d'effluents de décharge doivent faire l'objet d'un suivi. Les stations d'épuration situées sur le bassin d'alimentation doivent être être contrôlées quant à leurs rejets et leur fonctionnement. Les stations à risuqes sont à traiter en priorité ».

En guise de PPE, l'ARS a prescrit à la commune la mise en place d'un « schéma d'alerte en relation avec le Conseil général, les services de secours et de gendarmerie ainsi que les maires ». L'étude hydrogéologique souligne en effet que « les eaux perdues du Doubs se retrouvent à la source 48 heures plus tard ». Le problème, c'est qu'en faisant porter à Ouhans la responsabilité d'un périmètre de protection éloignée qui n'en est pas vraiment un, on se défausse d'une véritable enquête publique sur la protection de la source de la Loue. 

L'ARS indique aussi la nécessité de créer une station de filtration et désinfection « afin de garantir une eau conforme en permanence » car « le traitement actuel par simple désinfection au chlore n'est pas suffisant. Le dossier d'enquête publique estime le coût de cette station à 600.000 euros, subventionnable par le Conseil général et l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse.

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