Grâce à Gustave Courbet, le monde entier connaît la source de la Loue. On sait moins que le charmant village d'Ouhans, sur le territoire duquel est située la fameuse résurgence, y puise son eau de consommation depuis 1876, un an avant la mort du peintre. De la vasque de la source jusqu'au village, l'eau était remontée sur une centaine de mètres de dénivelé dans une conduite d'ascension grâce à une turbine qui pompait 40 litres par minute. En 1919, la société des Forces motrices de la Loue pompe jusqu'à 60 mètres cubes par jour. En 1958, EDF qui a pris le relais en 1949, pompe 10 mètres cubes par heure, puis 17 m³ depuis 1961 avec l'ajout d'une pompe de secours...
Ce captage est le seul à alimenter les quelque 400 Loups blancs
Contamination fécale
Les mesures en continu sont sorties de la dernière conférence, mais c'est pourtant une analyse ponctuelle, en mai 2013, qui révéla une « contamination bactériologique présentant des germes témoins de contamination fécale ». De quoi donner du grain à moudre à ceux qui accusent les épandages de lisier. Et de quoi s'interroger sur l'absence de périmètres de protection du captage, obligatoire depuis 1992... Périmètres au pluriel car il y en a trois : immédiat, rapproché, éloigné.
Cette obligation, la commune a fini par s'y mettre, un petit peu poussée par la pression des événements et de la mobilisation contre les pollutions, même si l'on s'est jusque là surtout payé de mots. Le 30 septembre dernier, le conseil municipal adoptait une proposition de délimitation d'un périmètre de protection. L'Agence régionale de Santé, qui a repris une grande partie des prérogatives de la DDASS, demandait notamment la création d'une parcelle afin de protéger le « réservoir haut », situé comme son nom l'indique sur les hauteurs du village, et, comme son nom ne l'indique pas, sur un pâturage communal.
« On donne le bâton pour se faire battre... »
L'agriculteur qui entrepose son fumier à moins de dix mètres du réservoir sera alors prié, juridiquement, de le déménager car il « peut générer des pollutions par infiltration », mentionne le rapport hydrogéologique de Jean-Pierre Mettetal. « Je lui ai déjà dit plusieurs fois de le faire, mais il répond que c'est son terrain », dit le maire Fabrice Tyrode, élu depuis 2001. En fait, c'est un terrain qu'il loue au syndicat pastoral qui le loue à la commune... Paysan lui aussi, le maire sait sa profession observée : « il y a des fois où on donne le bâton pour se faire battre... Si tout le monde respectait les plans d'épandage, ce serait déjà bien ».
Le réservoir haut est entouré de barbelés aisément franchissables, il sera, une fois le périmètre de protection immédiat adopté, clôt par un grillage. Et le périmètre de protection rapproché interdira dépose d'effluents, épandage de lisier, pesticides, stockages d'agents fermentescibles... Ces interdictions concernent aussi le périmètre de protection rapprochée de la source sur environ 65 hectares, essentiellement le plateau forestier surplombant le site.
Périmètre de protection éloignée au rabais
Reste le périmètre de protection éloignée. Il a été décidé de « ne pas le formaliser », notamment parce que sa « large étendue entraîne des conséquences relativement lourdes en termes d'enquête publique », écrit notamment l'ARS. Ce PPE reprend en effet le « bassin d'alimentation de bassin hydrogéologique de la source » ou bassin d'alimentation du captage (BAC) qui s'étend sur 35 communes et 484 km². Ils se répartissent en 49% de terres agricoles, essentiellement des prairies, 41% de forêts, 10% de zones urbanisées ou humides. 43 décharges y sont inventoriées dont 13 présentent des « risques potentiels forts à moyens sur les milieux ». Le recensement agricole 2010 mentionne près de 27.000 bovins sur 339 fermes. De 2010 à 2013, le nombre de vaches laitières a crû avec la fin des quotas de près de 5% sur le Doubs et ça continuait en 2014 et 2015...
Monique Herold, pour Loue et Rivires Comtoises, met l'accent sur les pollutions domestiques et estime que « le contrôle des sites de décharge doit être renforcé et les analyses d'effluents de décharge doivent faire l'objet d'un suivi. Les stations d'épuration situées sur le bassin d'alimentation doivent être être contrôlées quant à leurs rejets et leur fonctionnement. Les stations à risuqes sont à traiter en priorité ».
En guise de PPE, l'ARS a prescrit à la commune la mise en place d'un « schéma d'alerte en relation avec le Conseil général, les services de secours et de gendarmerie ainsi que les maires ». L'étude hydrogéologique souligne en effet que « les eaux perdues du Doubs se retrouvent à la source 48 heures plus tard ». Le problème, c'est qu'en faisant porter à Ouhans la responsabilité d'un périmètre de protection éloignée qui n'en est pas vraiment un, on se défausse d'une véritable enquête publique sur la protection de la source de la Loue.
L'ARS indique aussi la nécessité de créer une station de filtration et désinfection « afin de garantir une eau conforme en permanence » car « le traitement actuel par simple désinfection au chlore n'est pas suffisant. Le dossier d'enquête publique estime le coût de cette station à 600.000 euros, subventionnable par le Conseil général et l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse.