Pauvreté : « du jamais vu en temps de paix »

Le rapport annuel du Secours catholique note une aggravation de la situation des plus pauvres. L'ONG estime que 5 à 7 millions de personnes sont en insécurité alimentaire en France. Voulant faire de la fraternité « la boussole de nos choix politiques » dans la perspective de la présidentielle, elle défend l'instauration d'un revenu minimum garanti égal à 50% du revenu médian...

François Bernot, salarié en insertion et animateur du jardin partagé du Secours catholique à Poligny

A l'aube de chaque hiver, le Secours catholique publie un important document intitulé Etat de la pauvreté en France. Réalisé cette année à partir de l'étude d'un échantillon de 38.800 questionnaires de situations parmi les 770.000 personnes accompagnées en 2020, le rapport de 140 pages montre une situation sociale qui s'est dégradée, notamment en raison de la crise sanitaire. Le niveau médian de ressources mensuelles des personnes accueillies par l'une des 3500 équipes de l'ONG a baissé de 6 euros sur un an pour s'établir à 537 euros, ce qui signifie que la moitié des personnes ont perçu moins. Cette somme est très nettement inférieure aux 739 euros du seuil d'extrême pauvreté.

S'ajoutant aux effets délétères de la pandémie, comme la fermeture des cantines scolaires, et remise dans le contexte de la hausse du prix de l'énergie, cette réalité fait « craindre le pire pour cet hiver », écrivent Véronique Devise et Vincent Destival, la présidente nationale et le délégué général du Secours catholique, dans l'éditorial du rapport. Ils ont choisi de mettre l'accent sur une conséquence immédiate du constat : des centaines de milliers de personnes sont dans une situation de d'insécurité alimentaire : la demande d'aide alimentaire a augmenté en 2020 pour atteindre 54% des personnes accompagnées, la familles avec enfants, notamment monoparentales, et les moins de 25 ans étant particulièrement concernés.

Pour un minimum garanti de 1000 euros par mois

Extrapolant à partir d'autres sources, le Secours catholique estime que 5 à 7 millions de personnes ont eu recours à l'aide alimentaire dans le pays, soit autour de 10% de la population : « du jamais vu en période de paix », souligne le rapport qui rappelle que cette aide concernait 2,6 millions de personnes en 2009. Pour faire face à cette intolérable situation, le Secours catholique, défend, avec d'autres organisations, l'instauration d'un revenu minimum garanti de 50% du revenu médian, soit quasiment 1000 euros par mois. (voir ici la disparité des revenus selon l'Insee).

Lors de la présentation du rapport à la maison du diocèse à Poligny, Bruno Hippolyte, salarié du Secours catholique de Franche-Comté, a insisté sur les actions menées par l'ONG qui entend « essayer en 2022 de faire de la fraternité la boussole de nos choix politiques ». Il avait ainsi à ses côtés François Bernot, salarié en insertion au jardin du partage animé conjointement depuis deux ans avec l'association Solidarité-Paysans, proche de la Confédération paysanne. D'une superficie de 2000 m2 le jardin, contigu à la maison du diocèse, est partiellement cultivé par quatorze personnes accompagnées par le Secours catholique.

« Un bon coup de pouce ! »

Une activité qui réjouit François Bernot, à Poligny depuis cinq ans : « J'étais demandeur d'emploi de longue durée depuis 3 ans et j'ai été bénévole jusqu'à ce que le Secours catholique me propose un contrat d'insertion de 20 heures par semaine, du 7 juin dernier au 20 avril prochain. Le contrat va me permettre de passer le permis de conduire dont une partie est financée par le Secours catholique, c’est un bon coup de pouce. Avant, j’ai fait un stage de maraichage bio à Sellières. J'ai une compétence en jardinage. Ce jardin partagé est un lieu de vie. Je veux ensuite retrouver du travail en agriculture ou paysage... »

Auparavant, il avait travaillé dans l’agro-alimentaire, été apprenti agricole, travaillé à l’ALCG... « Je me suis éparpillé, commente François. Mon but aujourd’hui, c’est de trouver un travail durable. Le permis me fait défaut, c’est indispensable par exemple pour aller chercher de l’essence pour les machines ou aller à la déchetterie... »

Arrivé au jardin par le biais des Restos du cœur, il s’y est vite senti bien : « C’est un lieu de vie toujours en évolution. On est toujours ensemble pour rendre le site joyeux. Ça évite de se morfondre chez soi. Les problèmes sont là, mais c’est mieux d’en parler ensemble... On prévoit une serre pour être autonomes en plants et faire des économies. On a une ruche en projet, mais il faut trouver le site... »

Un partenariat avec Solidarité-Paysans

Alix Despond et Théophile Bertin

Ce jardin polinois fait partie des dix jardins partagés jurassiens dont la coordination est assurée par Solidarité paysans, plus particulièrement grâce à son animatrice Alix Despond. « Ce lieux constituent une étape entre la sortie de la précarité et l’insertion dans l’emploi », explique-t-elle en rappelant que le financement est apporté par le Département du Jura depuis une décision de l’ancienne majorité socialiste, en 2011, dans le cadre des actions d’insertion en direction des allocataires du RSA. « La majorité a changé et l’on s’évertue à démontrer que l’action fonctionne. La précarité et l’isolement entraînent une perte de confiance en soi. Avec ces jardins, on apprend l’autonomie, la décision, les processus à durée variable. Ce jardin est vraiment très dynamique à Poligny ».

Architecte de formation et titulaire du BAFA, Théophile Bertin cherchait un « travail plus social ». C’est ainsi qu’il est devenu il y a six mois animateur salarié de l’antenne Jura Nord du Secours catholique. A ce titre, il accompagne les équipes de bénévoles dont certaines animent aussi des jardins partagés, notamment à Dole. A Besançon, l’ONG s’apprête à en créer un sur 6 hectares à la Chapelle des Buis (Claire Combe), donnés par la paroisse Saint-Pierre Saint-Jean : « on va peut-être pouvoir y créer un ou deux emplois », espère Bruno Hippolyte.

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