#NousNeSommesPlusVosPions : la grève des AED pour une meilleure reconnaissance de leur statut

Mardi 1er décembre, puis entre le 19 et le 21 janvier, les assistants d’éducation (AED) étaient appelés à se mettre en grève dans les collèges et les lycées à l’initiative des collectifs AED, soutenus par les syndicats Sud Education, CGT Educ’Action, Snes-FSU et Snalc. Ils déplorent des conditions de travail qui traduisent un profond manque de reconnaissance, amplifié par la crise sanitaire.

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#NousNeSommesPlusVosPions préviennent les tracts et de nombreux tweets relayant la mobilisation nationale. Les assistants d’éducation (AED), appelés autrefois péjorativement « pions » ou surveillants, étaient nombreux ce mardi à se mettre en grève dans les collèges et lycées de la région, provoquant la fermeture d’internats, de bureaux de vie scolaire, voire d’établissements entiers. Ceux qui assurent les missions de surveillance, d’encadrement, mais aussi d’accompagnement des élèves dans les établissements de l’enseignement secondaire veulent se faire entendre. Ils déplorent un manque de reconnaissance de leur statut et dénoncent des conditions de travail qui les confinent à la précarité : salaire minimum, pas de perspective d’évolution, des contrats renouvelés chaque année à l’appréciation des chefs d’établissement et pour six ans maximum.

Pour Mehdi[1], éducateur de formation, et entamant sa sixième année d’AED dans un lycée haut-saônois, ces conditions s’expliquent parce que « ce statut était fait à la base pour les étudiants ». Mais selon lui, «  il faut se rendre à l’évidence : aujourd’hui ce sont en grande partie des personnes qui ne sont pas du tout étudiantes, qui ont des statuts différents, qui sont dans une reconversion professionnelle. » D’où la nécessité selon lui de pérenniser un tel poste et de reconnaître la valeur d’éducateur des AED.

Si les revendications des AED ne sont pas uniformes, tous aspirent à une meilleure reconnaissance de leur métier. Revalorisation de leur salaire, pérennisation des postes ou CDD de 6 ans sans renouvellement chaque année, création d’un statut d’éducateur scolaire, accès à une réelle formation en phase avec les missions qui leur sont confiées : les pistes sont nombreuses pour sortir les AED de la précarité.

Surmenage et perte de sens

Une revendication émerge dans le contexte particulier qu’est celui de la crise sanitaire : l’embauche de personnel supplémentaire. Les AED sont unanimes, l’épidémie de Covid-19 a entraîné une plus grande charge de travail. Les tâches engendrées par la veille au respect des gestes barrières viennent s’ajouter aux missions habituelles, au détriment de ce qui donnait un sens à leur travail. « On est devenus des flics à masques alors qu’à la base, AED, ça veut dire assistant d’éducation » remarque Anna, qui exerce dans un lycée bisontin. « Honnêtement je ne suis pas là que pour être dans le répressif. On voit que l’accompagnement n’est plus la priorité, l’écoute non plus. » Même constat pour Emile, qui travaille dans un collège du centre-ville à Besançon, et qui, fatigué et surmené, « n’a plus le temps d’être à l’écoute ». « Le maximum que je puisse faire, c’est que les élèves soient en sécurité, mais c’est tout. » Nils, AED dans un lycée du Doubs, analyse : « le Covid met en lumière les limites du rôle de l’AED. On est supposé être pédagogiquement proche des élèves, leur apporter beaucoup, mais en réalité on passe notre temps à les rappeler à l’ordre, à distribuer du gel hydroalcoolique, à vérifier si les masques sont bien mis… L’écart entre ce qu’on attend de nous et ce qu’il se passe réellement, ça créé de la souffrance. »

Une surcharge de travail et une impression de « faire le sale boulot » qui s’accompagnent d’une exposition aux risques de contamination puisque les AED sont amenés à travailler dans les cantines et les internats, dans des espaces trop restreints pour que les gestes barrières soient réellement respectés. Et bien qu’en première ligne, pas de prime Covid prévue pour les AED, qui se sentent invisibles, « absents des discours de remerciements » et « jamais cités quand on parle du personnel de l’Éducation nationale. »

Une précarité qui n’incite pas à défendre ses droits

Dans certains collèges et lycées de la région, la mobilisation a été moindre. En cause selon plusieurs AED : le manque de connaissance de leurs droits, ainsi que la peur de ne pas être renouvelés à la prochaine rentrée scolaire. « Beaucoup d’AED se sentaient solidaires des revendications, des conditions de travail, de notre statut, mais avaient peur de faire grève, parce qu’ils ont entendu ce qu’il s’est passé dans les autres établissements », avance Vincent, AED dans un lycée bisontin. Lui-même n’a pas été renouvelé dans le précédent établissement pour lequel il travaillait pourtant depuis trois ans : « on m’a dit que je ne m’investissais pas assez. Mais comme d’autres collègues qui ont fait beaucoup grève l’année dernière n’ont pas été renouvelés non plus, on soupçonne que c’est notre engagement qui a joué. »

Emma, AED dans un autre lycée bisontin, témoigne : « Personne n’a fait grève ici, comme d’habitude. Mes collègues ont peur que leur CDD ne soient pas renouvelés s’ils y participent. »

Mehdi s’est quant à lui bien renseigné auprès des organisations syndicales de l’éducation avant de se décider à faire grève. Si, estime-t-il, tous ses collègues participaient à la grève « dans l’esprit », ils étaient une petite majorité à le faire concrètement. « Le coût financier d’une seule journée de grève quand on a un petit salaire, ça dissuade. Le manque de soutien de la part de l’établissement aussi », regrette-t-il.

Le fait que le renouvellement du contrat d’un AED soit décidé par le chef d’établissement (et non plus par le rectorat depuis la loi Ferry de 2003) « peut devenir un moyen de pression sur les AED dans certains établissements » concède Salim Aoudi, secrétaire départemental de CGT-Educ’Action Territoire de Belfort, « et conduit à ce que certains n’osent pas se mobiliser. »

Collectifs AED et réseaux sociaux

Pour pallier le coût que représente une journée de grève, des caisses de grève étaient mises en place dans plusieurs établissements déjà habitués à ce type de mobilisation. « Un des gros atouts pour motiver des collègues à faire grève ! », considère Nils, puisque « ça rembourse la moitié de ce qu’on perd. » Nils est familier de ce levier de solidarité depuis la création du collectif AED 25 en 2019.

Des collectifs d’AED ont essaimé dans toute la France à la fin de l’année 2019 pendant les grèves contre la réforme de l’assurance retraite. « Il s’agissait de se soutenir pendant les grèves, d’imaginer des choses, d’avoir des réflexions sur nos statuts », explique Marion, AED depuis 5 ans dans un lycéen bisontin. « Comme notre contrat est de six ans maximum, on n’est pas là très longtemps et on ne se croise pas forcément. Le collectif AED 25 nous a permis de nous rencontrer, d’échanger, de mieux nous défendre. » Si le confinement ne permet plus les rencontres physiques, la mobilisation peut s’organiser sur les réseaux sociaux : une multitude de groupes ont émergé sur Facebook, réunissant des AED par territoire ainsi qu’à l’échelle nationale, comptant jusqu’à 4 000 membres. C’est en tout cas sur les réseaux sociaux que Mehdi voit la suite de la mobilisation s’organiser « On ne va pas laisser s’éteindre la vague ! », s’enthousiasme-t-il. « On se concerte déjà sur une prochaine date », assure Emile.

[1]Tous les prénoms des AED ont été modifiés.

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