Manifestation et occupation de la DREETS à Besançon contre la réforme du chômage

Après 43 jours d’occupation du CDN de Besançon, la mobilisation est encore montée d’un cran en ce jour de « vendredi de la colère » : des intermittents ont hissé le drapeau noir orné d’une croix blanche qui symbolise leur lutte sur la façade de la DREETS (ancienne Direccte), ils ont occupé les locaux, coupé les serveurs et retiré souris et claviers en exigeant une réponse du ministère du Travail et l’abandon de la réforme chômage. Des fumigènes ont été déployés aux fenêtres du bâtiment quand la manifestation festive contre la précarité les a rejoints.

Avant que la manifestation ne pénètre dans la cour de la DREETS, le drapeau des intermittents a remplacé celui de la France qui ornait ce bâtiment rattaché au ministère du Travail.

Avec les beaux jours et avant le 1er mai, la manifestation plutôt fournie, joyeuse et offensive est de bon augure pour ceux qui se battent dans la rue pour stopper la spirale de la précarité, « qui touche et qui pourra toucher n’importe qui ». Et d’autant plus avec la réforme de l’assurance chômage, dont le gouvernement programme une mise en application en juillet. « On a de l’espoir parce qu’il faut bien garder espoir, mais ce n’est pas facile », tempère une manifestante tenant une banderole de la CIP, la Coordination des intermittents et précaires de Franche-Comté, fer de lance de cette manifestation et de cette lutte. Elle est encore échaudée par l’adoption de la loi sécurité globale malgré les mobilisations et les nombreuses alertes. Elle, est toute jeune diplômée et n’a pas eu l’occasion de devenir intermittente du spectacle en raison de la pandémie et de la fermeture des lieux culturels. Sa situation, « un entre-deux », ne lui donne droit à aucune aide. « L’avenir apparait flou et un peu sombre, ça fait un peu peur », appréhende-t-elle.

La réforme de l’assurance chômage « est injuste et pénalisera ceux qui sont déjà pénalisés », souligne Lionel, qui est lui plus expérimenté et membre de la CIP. Rachel Messousse de FO, qui avait appelé à la manifestation avec l’intersyndicale, ne dit pas autre chose. « Avec la crise sanitaire, l’état d’urgence, des licenciements à tout va, et ils nous mettent la réforme du chômage ? C’est incroyable. Ça ne s’appelle pas protéger les salariés. Un salarié qui touche 853 euros de chômage actuellement touchera 200 € de moins », affirme-t-elle. « C’est criant, ce qu’ils veulent, je suppose, c’est que les privés d’emplois acceptent d’aller travailler comme en Allemagne pour 3 € de l’heure ». Cela nécessiterait de baisser le salaire horaire minimum et nous n’en sommes encore pas là, mais elle met en garde le gouvernement. « Qu’il fasse attention, on est dans la rue et on y restera jusqu’à satisfaction de nos revendications. »

La loi a été promulguée et les décrets d’applications sont signés, mais le combat n’est pas fini pour autant. Il se poursuivra dans la rue et dans les prétoires. Il y a quelques jours, la CFDT a annoncé qu’elle allait déposer un recours en référé devant le Conseil d’État pour contester la réforme de l’assurance chômage. Celui-ci ne serait encore pas déposé, dans l’attente d’un maximum de signatures. Alain Tombolini, de AC, agir ensemble contre le chômage Besançon revient sur quelques exemples après avoir cité Victor Hugo : « Je ne veux pas voir la misère soutenue, mais supprimée ». Pour lui, le recours auprès du Conseil d’État est justifié car cette réforme pourrait être anticonstitutionnelle dans le sens où elle entraine une rupture d’égalité, pour les femmes notamment. « Les congés maternité et les congés maladie ne compteront plus comme des jours travaillés et ne seront plus pris en compte dans le calcul pour déterminer le salaire journalier de référence », celui qui sert de base pour calculer les indemnités chômage. Alors forcément, elles baisseront.

Une action secrète

Pour monter d’un cran l’ampleur de la mobilisation, et ne pas se contenter d’un simple tour de ville, les intermittents avaient préparé une action secrète. Pendant que la manifestation s’élançait un peu après 9 h 30 de la place de la révolution, quelques-uns se sont rendus au siège de la DREETS, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. C’est l’ancienne Direccte, en charge notamment de la politique de l’emploi. Une cible symbolique forte, dont les activités ont été largement perturbées dans la matinée. Les militants qui ont mené cette action se sont introduits dans les bâtiments, ont coupé les serveurs internet et retiré les claviers et les souris des ordinateurs des fonctionnaires. Une fois rejoints par le cortège, danses, chants et prises de parole ont eu lieu dans la cour, pendant que 4 personnes agitaient des fumigènes aux fenêtres du bâtiment. Un mail a été envoyé au chef de cabinet de la ministre du Travail, Élisabeth Borne, pour lui faire état de l’occupation des locaux de la DREETS, lui adressé encore les revendications des intermittents, dont la reconduction de l’année blanche et l’abandon de la réforme de l’assurance chômage. Sans pour autant avoir reçu de réponses, les lieux sont libérés vers midi.

Pour Quentin, ingénieur du son, cette réforme est un vrai scandale, « le régime de l’assurance chômage est démantelé et les solidarités interprofessionnelles mises à mal ». Selon lui, le régime de l’intermittence est volontairement isolé et pointé du doigt, alors que ce sont les seuls chômeurs structurés et fer-de-lance de chaque mouvement social qui concerne l’assurance chômage. « On fait croire qu’on est des privilégiés, mais ce régime a été mis en place pour répondre à une discontinuité de l’emploi. Des régimes comme ça, il en existait plein, mais ils ont été grignotés pour s’insérer dans le régime général, incohérent avec la réalité du travail aujourd’hui. Certains secteurs d’activité ont besoin de s’adapter aux demandes, aux besoins. S’il n’y a plus de protection sociale, on ne pourra pas continuer dans le temps ». Il milite aussi à Extinction Rebellion et lie la situation sociale au contexte global. « Les enjeux écologiques qui nous attendent demain et les transitions à faire dans les secteurs toxiques vont entraîner des discontinuités d’emploi ». À bon entendeur.

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