Manif modérée et blocage sulfureux à Besançon

Ils étaient environ 4000 à manifester ce 9 janvier contre la réforme des retraites à Besançon, un chiffre en légère baisse par rapport aux précédents rendez-vous du mois de décembre. Les participants gardent confiance, beaucoup de professions étaient encore représentées. Certains s’étaient donné rendez-vous après la manifestation pour une action de blocage fugace de la circulation vers Micropolis. Elle s’est soldée par 14 interpellations et 7 gardes à vue.

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La place de la Révolution à Besançon était surement un peu moins fournie ce 9 janvier pour cette quatrième journée nationale de grève interprofessionnelle et de manifestation contre la réforme des retraites. La CGT comptabilise 4500 personnes, un manifestant compteur a dénombré 3400 personnes et semble assez sûr de lui. Ce chiffre est aussi celui de la préfecture. L’impression clairsemée du départ s’est estompée face à la longueur du défilé. Après un passage sur le pont de la République, et tandis que la tête de cortège approchait du parking Isenbart, certains quittaient seulement la place de la Révolution.

Aux côtés de la CGT, de FO, de Sud-Solidaires, FSU, CFE-CGC, il y avait aussi une petite représentation de la CFDT, qui ne s’oppose pas au principe d’une retraite par point, mais reste mobilisée contre l’instauration d’un âge pivot. Chez les cheminots, très impliqués dans la grève, on sent tout de même quelques signes de fatigue et de lassitude. L’impact sur la fiche de paie commence à être douloureux. Si l’on observe un léger repli de la mobilisation, la détermination reste intacte pour les participants qui ne souhaitent pas s’arrêter avant le retrait du projet du gouvernement.

Karine (*), 38 ans, employée de libre-service, se devait d’être là. « Je me bats pour mes enfants. Je veux pouvoir vivre dignement de mon travail. Mais avec cette réforme, soit on travaille plus longtemps en épuisant nos dernières années et en occupant un poste à la place d’un jeune, soit on devient un poids pour ses proches, soit on crève dans la misère. C’est inacceptable. »

Julie, 34 ans, assistance d’éducation en collège, abonde. « Le mouvement s’est amenuisé, je retrouve moins de collègues. Mais je me suis levée un jour de repos pour continuer la lutte, car elle est juste. Il faut montrer qu’on ne lâchera sur aucune régression sociale. » D’autres, comme Léo (*), avec plus de vingt ans dans le BTP, insiste sur la pénibilité. « Ils croient que je vais encore porter des rouleaux de cinquante kilos à 65 ans ? Ils sont fous ! » Parti de Révolution, le cortège s’est élancé direction gare Viotte, avant de rejoindre à 12h30/13h00 Chamars et sur l’esplanade des Droits de l’Homme.

Micropolis, ou chronique de l’affrontement

 

À l’issue de la manifestation, un appel est lancé pour se retrouver à 15h au parking de la Malcombe, où une bonne centaine de personnes répondent présentes. Pas mal d’autonomes, des militants FO et SUD/Solidaires et des Gilets jaunes. Il y a autant d’hommes que de femmes, autant de jeunes que de vieux, autant de militants aguerris que de néophytes. Une majorité est vêtue en noir, parfois masquée. L’opération de l’après-midi est calquée sur celle du jeudi 5 décembre dernier, à l’issue pourtant belliqueuse. Beaucoup esquissent donc déjà ce qu’ils encourent s’ils bloquent la circulation de la RN57.

Mais trente minutes plus tard, le pas est franchi : la troupe de téméraires s’installe en face du palais des Congrès et commence à filtrer les véhicules. Alors que les particuliers sont laissés libres, les transporteurs sont quant à eux mis à l’arrêt. Rapidement, des embouteillages significatifs se forment sur cette rocade très fréquentée. Quelques palettes et deux poubelles de 1000 litres sont réquisitionnées sur place et agglomérées sur la chaussée, pendant qu’au loin les premiers uniformes apparaissent. Une dizaine de minutes seulement après leur arrivée, les participants savent donc leur temps compté.

La barricade de fortune sert alors de combustible pour freiner l’assaut devenu immédiat des policiers et des CRS. Cette fois aucun usage de gaz lacrymogène, uniquement un encerclement massif. La fuite s’organise tant bien que mal direction Cassin et la chasse débute dans les rues de Planoise jusqu’à atteindre le secteur « Allende ». À 16h00 les voies du tramway sont obstruées par des rondins et coupes de bois.

La fin d’une « cavale » à La Fayette

Au parc urbain, les protestataires poursuivent jusqu’à la piscine-patinoire La Fayette où ils espèrent trouver une échappatoire. Les retardataires sont appréhendés, parfois brutalement. Jean (*), Gilet jaune, était dans le premier contingent nassé sur le parking du bâtiment. « Avec d’autres collègues, nous avons été pris assez tôt. Il m’a été demandé une pièce d’identité par un CRS, j’ai demandé qu’il respecte d’abord la loi en présentant son RIO. Il a exhibé un LBD, et alors que j’approchais mon visage de l’arme, il m’en a mis en coup sur la mâchoire. » Il assure que le fonctionnaire reviendra présenter des excuses « pour ce relâchement. »

Les interpellations s’enchaînent alors aux abords du site, à ce stade déjà au moins sept dont certaines spectaculaires avec la controversée méthode du plaquage ventral. Au sein de l’établissement, des fuyards ont trouvé refuge en plein entraînement de sport. La plus grosse part est ressortie spontanément, demeurant sur le parvis à grand renfort de slogans. Mais quelques policiers tentent de traquer les plus récalcitrants encore tapis, discrètement, mais fermement.

Alicia, jeune activiste, rapporte ce qu’elle a vécu : « dans la panique, nous avons suivi l’effet de groupe. Une fois à l’intérieur j’ai instinctivement foncé aux toilettes, et m’y suis enfermée avec deux amis. Un individu a tenté d’enfoncer la poignée, et n’y parvenant pas une grosse voix s’est élevée exhortant de se livrer, autrement il gazerait la pièce par les fentes. Nous avons donc finalement coopéré. » Tous se retrouvent finalement sains et saufs. Ils savent que le plus ardu reste à venir, et se donnent du courage par des chants comme « contrôlez Carlos Ghosn. »

Au moins 14 interpellations, dont 7 gardes à vue

 

La situation à peu près sous contrôle vers 16h30, les « insurgés » sont parqués et triés au compte-goutte. Après une fouille complète des vêtements, poches, et effets personnels, et un contrôle allant jusqu’à la prise photographique des cartes et passeports présentés, certains repartent sans autres conséquences. Pour l’instant. Il leur est toutefois promis « au minimum une verbalisation à venir. » Quant aux plus malchanceux, c’est la case vérification d’identité ou la garde à vue. Ils sont ainsi au moins treize à avoir été emmenés au commissariat central.

Les six arrivés là pour corroborer leur état civil ont été relâchés au bout de quelques heures, ainsi qu’un gardé à vue disculpé de tous reproches. Concernant six autres ils auraient encore à répondre principalement des chefs de « destructions volontaires par incendie » et « d’entraves à la circulation » ainsi que pour un cas « d’outrage à dépositaire de l’autorité ». Parmi eux, des autonomes, ainsi que la figure Fred Vuillaume. Un rassemblement de solidarité s’est tenu devant le commissariat de la Gare d’Eau dans la soirée, réunissant une cinquantaine de soutiens.

 

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