Lons-le-Saunier : l’archéologie au secours des anti-malbouffe ?

La brève occupation de l'ancien collège Montciel par des opposants au projet de construction d'un hôtel et surtout d'un fast-food Burger King juste en face d'un lycée, réactive une controverse municipale sur la malbouffe et l'aménagement urbain d'une ville en pointe en matière de restauration collective bio… En attendant le désamiantage et les travaux, un diagnostic archéologique est en cours avant d'éventuelles fouilles sur un site d'habitat gallo-romain.

montciel

Le diagnostic archéologique a commencé lundi 7 octobre sur le terrain attenant à l'ancien collège Montciel de Lons-le-Saunier, à l'ouest de la ville. Les travaux sont entrepris par l'INRAP (Institut national de recherche archéologiques préventives) qui doit rendre d'ici quelques jours un rapport au Service régional de l'archéologie de la DRAC. Il s'agit d'effectuer un sondage sur 5 à 10% de la surface du projet porté par le Groupe Bertrand qui a signé une promesse d'achat à la ville pour 400.000 euros. Celui-ci envisage de construire un hôtel B&B à la place du collège et, juste à côté sur le site du Mille Club voisin, un restaurant rapide de la chaîne américaine Burger King dont il exploite une franchise à travers sa filiale Burger King France.

Spécialisé dans la restauration et l'hôtellerie, le groupe Bertrand détient aussi les restaurants rapides Quick, les brasseries de luxe Angelina, la célèbre brasserie parisienne Lipp, les restaurants Au Bureau ou Hippopotamus, le groupe Flo ou encore Léon de Bruxelles… Il a réalisé 2,4 milliards de chiffre d'affaires en 2017 et emploie 26.000 personnes…

C'est peu dire que ce projet ne fait pas l'unanimité. Y compris de la majorité municipale de Jacques Pélissard (LR) au sein de laquelle plusieurs élus avaient fait part de leurs réserves lorsque la cession a été proposée au conseil municipal le 17 décembre 2018. L'écologiste Jacques Lançon, rallié depuis 1989 à Jacques Pélissard, avait ainsi expliqué avoir déjà désapprouvé l'arrivée de McDonald « car ces grandes chaînes de restauration se fournissent avec une production laitière et de viande importée. un tel approvisionnement est incompatible avec la transition écologique et énergétique que veut mener le territoire ».

La majorité municipale divisée sur le sujet en décembre 2018

L'opposition de gauche avait développé des arguments de même type. Anne Perrin (EELV) avait souligné « une problématique essentiellement alimentaire », indiquant refuser qu'on « propose de la malbouffe » à proximité du lycée professionnel Montciel, situé de l'autre côté de la rue. Jacques Pélissard lui avait reproché de s'ériger en « juge de la malbouffe » et défendu une saine « émulation » entre Burger King et McDo !

Claude Borcard (PS) avait pour sa part souligné que le projet allait à l'encontre de la « volonté urbanistique » de la ville, confrontée précisément à cet endroit à un carrefour au fonctionnement « délicat ». Paule Petitjean (ex-PS, récemment ralliée au candidat LREM, l'adjoint Christophe Bois, proviseur du LP Montciel) avait quant à elle pointé la contradiction entre le projet du groupe Bertrand et l'engagement de la ville, mais aussi du lycée Montciel, dans la restauration bio. Christophe Bois confessait le même jour n'avoir « pas accueilli de gaité de coeur » le projet, mais s'y être rallié en constatant la proximité, à Dole, du lycée Duhamel et d'un McDo !

Ils furent donc cinq élus de la majorité à ne pas voter la vente, les six élus de gauche votant contre. Insuffisant pour empêcher l'adoption de la délibération, mais pas pour clouer le bec à tous les opposants. Faut-il y compter l'ancien président PS du département, Christophe Perny, candidat déclaré à la mairie et exclu de LREM, quand il demande dans une vidéo du 5 octobre sur Facebook la « suspension » du projet ?

Se recrutant plutôt dans la gauche radicale ou parmi les libertaires, quelques activistes ont remis le sujet au coeur de l'actualité en occupant brièvement, dimanche 6 octobre, les locaux et en inscrivant des slogans hostiles au projet. Certains de ceux-ci ont été effacés par la ville qui a très vite demandé au préfet de faire évacuer le site. Selon Le Progrès, des policiers dont une unité de CRS, auraient trouvé le bâtiment vide en venant l'évacuer lundi matin. Nous avons constaté, mardi 8, la présence d'un agent de sécurité, au moins pour dissuader toute nouvelle intrusion. 

Côté fouilles de diagnostic archéologique, nous avons pu constater des vestiges de murs, selon au moins deux orientations différentes, dans plusieurs tranchées effectuées à la petite pelleteuse à moins d'un mètre de profondeur. Il pourrait s'agir de vestiges gallo-romains. Le plan gallo-romain, présenté il y a une trentaine d'années par le musée d'archéologie de la ville, n'allait pas jusqu'à ce site. Reste qu'on sait qu'une grande villa gallo-romaine était implantée au niveau de l'affineur de comté Rivoire-et-Jacquemin, à 400 ou 500 mètres vers le sud-ouest. Pour Marie-Jeanne Lambert, l'ancienne conservatrice du musée que nous avons contactée, il fait peu de doute que l'ancien collège Montciel était implanté sur un secteur d'habitations gallo-romaines non encore documentées. On n'est pas non plus très loin de la nécropole, des urnes cinéraires ayant été retrouvées il y a quelques décennies au niveau du lycée Montciel.

L'opposition municipale emboîte prudemment le pas des activistes

La recherche archéologique viendra-t-elle appuyer les opposants au projet de fast-food ? C'est trop tôt pour le dire, la décision de poursuivre un véritable chantier de fouilles appartenant au service archéologique de la DRAC. Et celles-ci pourraient tout à fait être menées par le groupe Bertrand. Les opposants n'ont pas tardé à voir leur combat relayé par les quatre élus de l'opposition municipale de gauche engagés depuis plusieurs mois dans la construction d'un programme et d'une liste d'union.

Dans un communiqué, Anne Perrin (EELV), Jean-Yves Ravier (DVG), Thierry Gaffiot (PCF) et Claude Borcard (PS) expliquent ainsi que « ce dossier qui réapparaît aujourd’hui n’est que la confirmation que les modèles de développement économique et d'aménagement urbain de notre territoire sont à repenser à l’aune des changements climatiques et énergétiques en cours. Sa gestion nous conforte dans notre conviction de la nécessité d'une autre méthode de travail qui doit être guidée par une réelle concertation dans l'élaboration, la construction et la réalisation des projets municipaux… » Ils se démarquent cependant de la forme choisie par les furtifs occupants : « Plus de justice sociale et de démocratie permettraient d’éviter des réactions de cette nature…. »

Une course contre le temps pourrait bien s'engager car à moins de six mois des élections municipales, un passage en force pourrait être mal perçu par une partie de la population. D'autant que tout n'est pas totalement ficelé : si la démolition a été autorisée par la ville, la vente n'est pas encore effective. Se pose également un possible problème sanitaire avec la présence d'amiante dans le bâtiment, nécessitant à tout le moins des précautions drastiques pour la déconstruction…

Reste aussi à savoir si les occupants éphémères du week-end parviendront à faire des émules se relayant en nombre pour tenter d'empêcher ou retarder les travaux… Conscients que le rapport de forces n'est pour l'heure pas en leur faveur, ils rêvent cependant de convaincre que réfléchir à un autre projet est possible. Pourquoi pas, par exemple,  implanter des jardins maraîchers sur le site, comme le suggère le dessin réalisé par une squatteuse après une discussion sur la stratégie à observer ?

Cela peut-il contribuer à tenir jusqu'aux municipales dont le résultat pourrait changer la donne ? Car face à une droite pour l'heure divisée, la gauche croit en ses chances…

 

 

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