Loi travail : « la mobilisation doit s’économiser »

Un petit millier de personnes ont défilé jeudi 19 mai à Besançon, sans un certain nombre de grévistes, mais avec davantage de jeunes et d'étudiants que mardi 17. A ceux qui assurent que le mouvement s'essouffle, les responsables syndicaux répondent par la perspective d'une grande manifestation nationale en juin. En exergue : zoom sur le Clownistan...

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A l'heure dite, la place Battant est occupée par quelques centaines de personnes quand le bruyant et joyeux cortège étudiant arrive. Il est deux fois plus nombreux que mardi, souligne un habitué. Ce qui sous-entend la moindre affluence des moins jeunes car il y a au total à peu près autant de monde, autour d'un millier de manifestants. Au micro de la sono de Solidaires, Noëlle Ledeur accueille les étudiants d'un mot enthousiaste : « c'est votre monde ! » Une clameur lui répond. Un peu plus tôt, l'entrée du lycée Pasteur a été bloquée, quelques dizaine de lycéens ont rejoint ensuite la manifestation.

Eric Vandelle, délégué SUD à l'ADAPEI, est dubitatif. La mobilisation est loin d'être massive : « plusieurs petites manifs, ça use... » Comme beaucoup, il est en colère : « j'ai toujours voté socialiste, s'ils maintiennent la loi, je ne le ferai plus jamais ». Même si c'est Hollande face à Le Pen ? « Même, ils agitent tout le temps le FN qu'ils ont inventé. S'il y avait Le Pen, il y aurait beaucoup plus de monde dans la rue... Ce serait l'occasion de remettre la gauche ! »

L'arrivée du cortège étudiant place Battant.

La loi travail, il en imagine déjà les conséquences dans sa boîte, issue d'une fusion qui s'est réalisée sur le moins disant social : « les nouveaux embauchés ont 7 jours de congés trimestriels quand on en a 18... » Quelques enseignants syndicalistes sont là, quasiment sans troupes : « les instits ne se sentent pas concernés », dit Catherine Jamati, professeure des écoles à Planoise, secrétaire académique de SUD-Education. Son collègue Guy Pourchet, du SNUipp-FSU, constate une « mobilisation minoritaire », s'interroge sur la façon dont les jeunes instits', désormais recrutés avec un mastère, se vivent plutôt comme cadres éloignés des risques de de déclassement. De fait, ils ne sont pas là.

« Les gens ne croient pas qu'ils peuvent gagner en se battant »

Léon, technicien chez Orange, autrefois France-Télécom où il a animé SUD-PTT, voit « le calme plat » dans son entreprise dont la haute hiérarchie fut il y a quelques années mise en cause pour un management brutal et l'institutionnalisation du harcèlement. « Il y a beaucoup de jeunes, il leur faudrait des perspectives. Les gens ne croient pas qu'ils peuvent gagner en se battant, alors ils ne se battent pas. Les Bonnets rouges étaient pourtant trois fois moins nombreux que nous et ils ont gagné... Il faut redonner de l'ambition à la lutte » C'est à dire ? « Que la gauche revienne au pouvoir... Le PS est à la gauche ce que la religion est à la laïcité ».

Fabrice Riceputi, prof d'histoire en collège à Palente lance au micro de Solidaires un slogan violent à l'égard du PS : « P comme pourri, S comme salaud, à bas le parti socialo ». Il est repris avec enthousiasme par les étudiants. « Je n'aurais jamais osé il y a quelques mois ». En fin de cortège, une douzaine de militants CFDT qu'aucun sigle ne distingue. Ils n'ont pas osé sortir leurs banderoles, faute d'adhérents comme lors des défilés de mars et avril. Mais ils sont là : « ça tue, ces petites manifs, il faudrait une grande marche », dit Alain, infirmier au CHU.

Charles Piaget : « il faut évincer les féodalités »

Charles Piaget a quitté la CFDT il y a belle lurette. Il est là lui aussi, l'esprit toujours vif, rebelle à l'idée même d'oppression : « l'économie devrait être soumise à la politique : pour avoir une économie correcte, il faut évincer les féodalités ».

Le défilé passe devant la gare Viotte dont quelques policiers gardent l'accès. L'occupation des voies mardi est dans les mémoires. Mais à propos, où sont les cheminots ? « Ils étaient 60 en assemblée générale, dit Jacques Bauquier, responsable régional CGT, mais ils ne sont qu'une vingtaine à la manif... On voit ça dans plusieurs boîtes. Il faut garder une mobilisation constante, on y sera encore en juin, on a besoin de s'économiser ».

Parvis de la préfecture.

Une halte d'un quart d'heure est prévue devant la chambre de commerce et d'industrie, la « maison des patrons » selon les manifestants. Ils s'égaient sur les pelouses qui la sépare du lycée Jules-Haag. Au bas des marches, un meeting étudiant s'improvise. En haut, cinq policiers font les vigies. Soudain, les étudiants gravissent les escaliers pour rejoindre le parvis. Les forces de l'ordre tentent de s'interposer, d'éviter que les manifestants n'approchent des portes vitrées, voire ne pénètrent dans le hall comme on l'a déjà vu.

Un coup de bombe lacrymogène fait retomber la pression

Les renforts du nouveau GDI, le groupe départemental d'intervention créé fin 2015, intermédiaire entre police en tenue et CRS, accourent avec leurs boucliers, leurs casques, leurs protège-tibias et leurs bâtons « de défense ». La pression de près de 200 étudiants et militants syndicaux est forte, les policiers sont acculés sur l'entrée. Un coup de bombe lacrymogène, bref, fait relâcher la pression : une distance de quelques mètres s'instaure quasi instantanément sous les cris de « retrait de la loi travail ». Les yeux et la gorge piquent pour des dizaines de manifestants... et l'auteur de ses lignes. Certains ont prévu le coup et ajustent foulard ou masque sanitaire...

Une syndicaliste nous dit craindre l'incident, une poussée policière qui contraindrait les jeunes à reculer dans l'escalier plutôt raide, risquant des chutes potentiellement graves de conséquences. Plus tard, le commandant de police Rachid Benazrine, nous dira avoir également eu aussi cette crainte, et tout fait pour éviter que l'épisode ne dégénère. Au bout d'un dizaine de minutes, le siège de la CCI est levé et les manifestants repartent. Direction la préfecture sur le parvis de laquelle des palettes sont enflammées pendant que des musiciens rivalisent avec les slogans de la foule. Elle quitte les lieux une bonne demi-heure plus tard et une quarantaine de personnes s'en vont bloquer le carrefour Saint-Jacques-Chamars. Après quoi, le pique-nique prévu sur l'esplanade est interrompu par l'averse. Il est 14 h 30 passées...

 

Quelques minutes de tension devant la chambre de commerce

 

 

 

 

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