Saviez-vous l'importance de la biodiversité pour la qualité du lait à comté ou du miel des plateaux jurassiens ? Qu'ont en commun les vaches montbéliardes et les abeilles ? Réponse : les fleurs des prairies. De par leur variété, leur nombre, leur appétence, leurs qualités nutritives, elles influent directement sur la biodiversité... Les secondes butinent ce que les premières brouteront.
C'est dans une prairie verdoyante et pentue, exploitée par Jean Maréchal à Scey-Maisière, que le jury de la seconde édition du concours de prairies fleuries fait sa première visite. « Il est de plus en plus rare de trouver des prairies capables d'offrir une telle variété de pollen, on doit préserver cela », explique un des représentants du Syndicat apicole du Doubs. Accroupi dans l'herbe, François Dehondt, directeur du Conservatoire botanique national de Franche-Comté, étudie chaque espèce, avec une extrême minutie. Sur la parcelle, on compte 70 espèces florales différentes dont des lins ou des pimprenelles.
« Ce qui est fou avec les scientifiques, c'est qu'ils sont capables de voir des choses dont on n'imaginerait pas une seconde la présence », plaisante Claude Vermot-Desroches, président du CIGC et président d'honneur du jury. « Plus sérieusement, je pense que la variété des espèces présentes influe directement sur la qualité et le goût du comté », ajoute-t-il.
« Un savoir faire a été perdu... »
Jean-Paul Girard, gagnant du concours l'année dernière, fait le même constat. Il estime qu'il ne faut pas seulement prendre en compte les nouvelles techniques d'exploitations enseignées aux plus jeunes : « Avec le recul, je comprends ce que me disaient les anciens. Il y a un savoir faire qui a été perdu. Aujourd'hui c'est rendement, rendement, rendement... On doit revenir aux fondamentaux ». Autrement dit, moins ou pas de pesticides, prendre le temps de cultiver et de travailler la terre... « On ne peut pas continuer à ce rythme », ajoute t-il.
Chargé de mission du site Natura 2000 du secteur Loue-Lison et organisateur du concours, Emmanuel Cretin, confirme : « C'est assez simple. On pense qu'une prairie fleurie est plus appétente et plus nutritive pour les vaches à lait. Cette variété offre un lait de meilleur de qualité, qui pour le cas du lait AOP comté permettra de fabriquer un meilleur fromage. C'est le même processus pour le miel ».
« Si toutes les prairies de France étaient ainsi, il n'y aurait aucun soucis »
Sur la seconde parcelle, Emmanuel Cretin constate une évolution radicale depuis sa précédente visite. « Quand Michel Foltete a repris cette prairie, je ne m'attendais pas à un changement aussi spectaculaire », souligne-t-il. Il faut préciser que dans le travail cet agriculteur est généreux, c'est son stagiaire qui le dit : « On bosse dur ici. C'est différent de ce que l'on peut nous apprendre a l'école ».
Contrairement à la précédente prairie, plus sauvage, moins exploitée, ici, le travail est régulier. « Une fois par an, le propriétaire des terres, M Ruffinoni, vient tondre, en amont de la prairie, les parties parfois brûlées par le soleil », dit Michel Foltete. Effectuée une fois par an, la tonte permet une meilleure repousse l'année suivante. Même si on trouve un petit peu moins d’espèces de fleurs que dans la prairie précédente, Claude Vermot-Desroches l'assure : « Si toutes les prairies de France étaient ainsi, il n'y aurait aucun soucis ».
Le coup de cœur de Refranche !
La pause de midi est l'occasion pour les examinateurs de se ravitailler avant de partir à Refranche visiter la parcelle de Louis-David Bérion en début d'après midi. Et quelle parcelle ! Cette immense prairie devient le coup de cœur de la plupart d'entre eux des jurés qui lui attribueront le premier prix. « Le travail qu'il faut fournir pour arriver à un tel rendu, ce n'est pas donné à tout le monde », estime Emmanuel Cretin lors de la délibération. Pour terminer cette journée c'est la parcelle de Romaric Roussel, à Cussey-sur-Lison qui sera étudiée...
Mais la victoire n'est pas seulement un trophée. Le concours met surtout en avant un autre type d'agriculture, plus extensif, plus respectueux de l'environnement. Bien sûr, il s'agit d'améliorer la qualité et le goût des produits régionaux, mais pas seulement. C'est aussi la démonstration que le bien être animal, l’épanouissement des bêtes et la cohabitation des différentes espèces ne sont pas antinomiques d'une agriculture économiquement viable.