« Les inégalités dont nous parlons chaque jour sont culturelles »

Lors de l'inauguration du musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon, Emmanuel Macron a loué un « grand musée européen » et résumé la politique culturelle à l'accessibilité en vendant le Pass-Culture. Un discours convenu et peu enthousiaste que les premiers arrivés ont attendu plus de trois heures...

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« Merci d'être là », dit le maire Jean-Louis Fousseret en conclusion d'une brève allocution où il évoque « un musée qui enrichit, enseigne, rapproche, éveille les consciences et la valeurs de la République... »

Christine Bouquin, la présidente du département, parle d'un « lieu d'humanité » où « dialoguent les cultures et les sensibilités », où « se retrouver soi-même... »... Mais également un lieu auquel « le caractère franc-comtois n'est pas forcément habitué » alors que pourtant « ici la tradition littéraire est vive, portée par un réseau associatif » et le « terreau favorable à la créativité, des Lip aux nouvelles technologies ». Elle invite le président à venir célébrer le 10 juin 2019 à Ornans le bicentenaire de Gustave Courbet...

Marie-Guite Dufay, la présidente de région, souligne « l'honneur, la grande joie et la grande fierté » d'accueillir le locataire de l'Elysée. Elle s'auto-félicite car « c'est la région Franche-Comté qui applaudit » une rénovation entreprise avant la fusion des régions : « nous avions pris cet engagement à un moment où la culture était considérée comme une variable d'ajustement, ce que nous n'avons pas voulu... Pour Picasso un tableau ne vit que parce qu'on le regarde... »

Un « grand musée européen »

C'est enfin au tour d'Emmanuel Macron de parler, trois heures et demi après que ses premiers auditeurs soient arrivés. Après ce son coup de fatigue et son cortège mémoriel du centenaire de la fin de la Grande guerre dont on retiendra surtout le couac Pétain, le voilà « revivifié » par la visite d'un « grand musée européen ». Il en salue les « talents du pays » comtois que furent Gigoux et Courbet ou le collectionneur Pierre-Adrien Pâris : « un musée est toujours l'addition de gestes successifs d'amateurs et de collectionneurs, l'héritage de regards croisés... »

Tout cela « fait de ce lieu un palimpseste ». Le mot provoque quelques murmures. Le président est un intellectuel et ne le cache pas. Il cite Victor Hugo et André Malraux, parle d'une « expérience esthétique unique », assure « croire à la création et à la sensibilité de celui qui la voit... »

Le voilà lyrique, évoquant « le combat éducatif, culturel, civilisationnel de notre république », celui qui « permet aux jeunes d'accéder au beau » en redonnant une place « l'éducation artistique dans l'école... L'éveil au beau, c'est la première forme d'accès à la sensibilité. C'est aussi important que les savoirs fondamentaux et comportementaux... »

« En esthétique comme ailleurs il faut être aidé dans ses premiers pas »

Ce qui le conduit à se faire le VRP de la politique culturelle du gouvernement dans le maître mot est « l'accès » et l'outil principal le Pass Culturel auquel « croit » le président malgré les atermoiements dont il ne dit rien : « le ministre [Franck Riester qui l'accompagne] le parachèvera dans les prochaines semaines et les prochains mois ».

Emmanuel Macron estime aussi que « les inégalités dont nous parlons chaque jour sont culturelles ». Il ne cherche pas à promouvoir « un art officiel, mais un parcours : en esthétique comme ailleurs il faut être aidé dans ses premiers pas, il faut accompagner chacun dans les musées, les librairies. Notre politique est un combat pour l'accessibilité. Or, les habitudes ont changé. Une bibliothèque fermée le samedi ou le dimanche, c'est donner peu de chance à ceux qui en ont besoin... »

Après un petit mot pour Christine Bouquin : « nous serons au rendez-vous », il caresse son auditoire dans le sens du poil : « les expositions sont trop souvent exclusivement à Paris, il en faut aussi dans de grands musées comme celui de Besançon ». De quoi faire le lien avec les artistes qu'il faut « faire travailler sur les territoires ».

« Ça sonne faux, ce n'est ça la réalité »

Prenant un léger recul historique il ambitionne de se mettre dans les pas de grands moments de la politique culturelle du pays, la création des Maisons de la culture dans les années 1960 et la « nouvelle politique » des années 1980 instaurée par Jack Lang qu'il ne cite pas, il défend pour « aujourd'hui une nouvelle politique culturelle créant sa dynamique propre » et reconnaissant notamment les artistes contemporains.

Ce serait beaucoup dire que le président a fait un triomphe. Certains ont trouvé « un peu long » qu'il parle durant 31 minutes. Beaucoup ont cependant apprécié de l'entendre, trouvé qu'il avait prononcé un « beau discours ». « C'est bien de mettre l'accent sur l'ouverture culturelle », dit Marie-Christine qui travaille dans une caisse de retraite. Jean-Marie Girerd, ingénieur, est content d'avoir entendu parler de décentralisation et d'accès. Gilles Rondot, plasticien, n'est pas convaincu : « ça sonne faux, ce n'est ça la réalité ». Marcel est perplexe à l'écoute des « grands élans lyriques parallèles à la baisse des budgets culturels d'intervention sur la ville ». Un travailleur de la culture hésite à choisir ces mots. On suggère : « le président a enfilé des perles ? » Il sourit : « c'est ça ! »

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