L’Epi’cerise ouvrira en mai à Vesoul

« Nous rencontrons des femmes seules qui mangent un jour sur deux pour pouvoir nourrir leurs enfants ». Nicole Charles prépare l'ouverture, en mai, de l'épicerie solidaire qui proposera l'aide alimentaire à 10% du prix du commerce. Elle souligne la générosité de la population et l'inquiétude des collecteurs d'aide.

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Aprés avoir été annoncée pour le début d'année, l'ouverture de l'épicerie solidaire se fera début mai 6 rue Didon. Son principe est de permettre des achats à prix modiques. Elle organisera aussi des activités collectives. En plus de son ravitaillement par la Banque alimentaire, l'association pourra réaliser deux collectes par an. Interview de sa présidente, Nicole Charles.

Quelle est l'origine de l'épicerie solidaire Epi'cerise qui ouvrira ses portes au début du mois de mai ?

C'est la conférence de la famille organisée par l'Union départementale des associations familiales (UDAF), il y a cinq ans. Beaucoup de monde (dont le Centre d'information sur le droit des femmes et des familles) a été mobilisé dans ce cadre pendant un an et le constat a été fait d'un chainon manquant dans l'aide alimentaire. A partir du constat de la pauvreté grandissante de certaines familles notamment des femmes seules avec enfants ou des femmes âgées. Ce public n'allait pas, par culture, vers les organismes d'aide comme les Restos du coeur. Une femme veuve par exemple avec une demi-retraite qui n'a pas les moyens de s'en sortir, n'ira pas chercher cette aide, ou alors contrainte et forcée. Ce sont des gens qui ont appris à ne rien demander, à s'en sortir tout seuls. Et à l'autre bout de la chaîne, il y a des travailleuses pauvres, en CDI parfois, à temps partiel, dans la grande distribution, l'aide à domicile, le ménage industriel. Quand ces femmes gagnent 700-800 euros par mois avec deux ou trois enfants à charge, elles ne peuvent même plus se nourrir régulièrement. Nous rencontrons des femmes qui ne mangent plus qu'un jour sur deux pour pouvoir nourrir leurs enfants.

Depuis quand fait-on ce constat ?

Il y a une évolution depuis déjà quelques années. Cela saute aux yeux aujourd'hui mais cela vient d'assez loin. 

Les profils sont tous ceux que vous venez de décrire ?

Je vous ai parlé de deux catégories de personnes mais il y en a d'autres, des hommes seuls, des jeunes aussi à ne pas oublier, jeunes au chômage qui avant 25 ans n'ont pas droit au RSA. J'ai longtemps été administratrice d'un foyer de jeunes travailleurs et il y 8-10 ans déjà on constatait les difficultés des jeunes à se nourrir, en mangeant kebabs et sandwichs. 

Y-a-t'il des particularités à Vesoul et au département ?

Non le constat est national et régional. Tous nos partenaires font aussi le même constat dans le département. Ce qui est nouveau c'est que la pauvreté n'est plus seulement le fait de ceux que l'on stigmatisait comme assistés, RMIstes, mais qu'elle concerne aussi les travailleurs pauvres. 

Dans un couple où une seule personne travaille dans l'usine du coin et gagne 1.200 euros, avec trois enfants, je ne sais pas comment il faut faire, quand on a payé le loyer, les charges, le transport… Il faut être en dessous de 950 euros pour être considéré comme pauvre mais ces situations de famille relèvent aussi de la précarité, de la pauvreté.

Comment allez-vous intervenir avec l'épicerie ?

Nous ne ferons pas de concurrence à la Croix rouge, aux Restos du coeur, au Secours populaire les trois distributeurs de l'aide alimentaire dans le secteur. La Banque alimentaire (qui ne distribue pas l'aide qu'elle collecte) va s'installer en même temps que nous, du fait de notre ouverture. Son antenne (lieu de stockage) lui permettra de réduire les coups et de collecter davantage ici. Nous ajoutons un autre dispositif pour un autre public.

En quoi votre dispositif sera-t'il spécifique ?

L'aide alimentaire par une épicerie solidaire n'a pas vocation à durer dans le temps. Chaque personne qui viendra établira avec nous un contrat de trois mois, renouvelable une fois. Suivie par un travailleur social, elle aura pour perspective de retrouver le système classique. Par exemple en aidant à l'épicerie et en accompagnant pour payer les impayés et les dettes. 

Tous les services d'aide ont vocation à disparaître en apportant des solutions aux situations de dépendance ?

Oui, c'est difficile, il s'agit de remettre le pied à l'étrier. Nous ne pouvons pas garantir d'ailleurs que les gens n'auront pas besoin de notre aide au delà des trois ou six mois. Les personnes âgées par exemple, les femmes qui ont une petite retraite ont besoin d'aide plutôt l'hiver, pour le chauffage, même certaines qui sont propriétaires. 

Comment s'organisera l'aide ?

Les personnes qui viendront ne recevront pas l'aide alimentaire, elles l'achèteront, à 10% du prix (moyen repéré dans le secteur) pour l'alimentaire et les produits de première nécessité et 30% pour les produits d'hygiène. Chaque personne ou famille se verra attribuer la valeur d'un panier mensuel en fonction de ses ressources et de la composition de la famille. Ce fonctionnement est celui des épiceries solidaires, elles reçoivent un label. C'est très différent de ce que font les autres distributeurs d'aide alimentaire. Tout le monde sera reçu à Epi'cerise par un travailleur social après la décision d'une commission d'admission. Des bénévoles pourront aider à choisir des produits comme les fruits et légumes et  animeront des ateliers cuisine ou gestion de budget. Il ne s'agit pas de « lâcher les gens avec leurs courses ». D'autres ateliers, estime de soi, accès aux droits, informatique suivront.

Quelle est le statut de l'Epi'cerise ?

Six associations : UDAF, CIDFF, Association haut-saônoise de réinsertion et d'accompagnement (AHSRA), l'association intermédiaire Noveo, l'association d'insertion de Saulx AIIS et Lion's club, ont formé Epi'cerise. 

Le Lion's club ?

Oui, c'est étonnant, mais ce Lion's club a une histoire particulière. A l'origine c'est un club dont les actions ont été menées en direction des femmes et des familles, j'en suis membre également. On a collecté notamment de l'argent pour la maladie d'Alzheimer. C'est maintenant un Lion's club mixte composé de personnes qui ont la fibre sociale et ne sont pas spécialement des notables. On collecte de l'argent à condition d'être partie prenante du projet d'épicerie. Le Lion's club est engagé, il est dans le conseil d'administration et a été repéré par le Lion's club national pour devenir un exemple pour d'autres. 

Quelle est l'origine du nom Epi'cerise ?

C'est un concours que nous avons lancé avec les six associations. En fait l'UDAF et le Lion's club sont les premières au départ du projet. Une coordination s'est mise en place avec un dispositif local d'accompagnement (DLA) piloté par l'association E3A. Une personne de l'Association Nationale Des Epiceries Solidaires est venue nous former pendant huit journées complètes. L'UDAF devait porter seule le projet d'un point de vue juridique au départ. Mais un changement de directeur a empêcher cela. On s'est dit alors qu'il fallait former une structure nouvelle.

Des retards ont donc eu lieu ?

Le plus difficile a été de trouver un local, adapté à nos capacités financières, à la surface nécessaire pour l'épicerie, les ateliers et le stockage soit entre 200 et 300 m2, et à une accessibilité suffisante. Des locaux dans la zone industrielle de Noidans ont été proposés mais n'étaient pas desservis par les transports en commun. Nous avons appris en octobre que l'AHSRA devait déménager au 1er janvier. Mais ils ont dû retarder leurs travaux et nous n'avons eu accès aux locaux que le 1er mars. Des travaux d'isolation, de mise aux normes électriques sont à faire dans les deux mois. Nous avons réuni les entreprises vendredi. D'abord les pompiers doivent vérifier les questions de sécurité puis nous verrons la commission pour l'accessibilité des personnes handicapées. 

Comment vous préparez-vous ?

Nous formons les bénévoles à l'accueil du public, à l'organisation des réserves. Nous avons déjà vingt bénévoles et en cherchons encore. Dans un premier temps l'épicerie ouvrira trois demi-journées par semaine. La spécificité de l'épicerie est aussi que nous en ferons un chantier d'insertion pour l'apprentissage des métiers de la grande distribution. Il y aura trois salariés avec un encadrant puis cinq salariés l'année prochaine. 

Comment est perçue l'initiative de l'épicerie ?

Le grand public la reçoit très bien, nous avons du monde lors des réunions et des bénévoles. Les travailleurs sociaux sont impatients. Le Conseil général, l'agglomération de Vesoul et la CAF nous soutiennent. Monsieur Chrétien va organiser une réunion avec tous les acteurs de l'aide alimentaire pour coordonner nos activités. Il faut savoir qu'à la création de l'épicerie nous avions sollicité douze associations. Le réseau national des Restos du coeur a fait savoir qu'il ne pouvait pas s'inscrire dans ce type de projet. La Croix rouge et Emmaüs sont dans le conseil d'administration. Le Secours populaire est un peu sur la réserve. Le Secours catholique ne fait pas d'aide alimentaire mais est situé à côté de notre local et nous travaillerons en synergie. La vraie crainte des associations est plutôt de savoir s'il y aura assez d'aide, de produits alimentaires pour tout le monde. Il peut y avoir un risque de faire des collectes en même temps et d'être en concurrence, mais il faut s'organiser. Les Restos du coeur viennent de faire une collecte, nous en ferons une au mois de juin. Nous sommes très étonnés de la générosité des gens, de ceux qui ont peu de moyens et donnent un paquet de pâtes ou de carottes pour aider ceux qui ont encore moins. 

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