Le retour de la transhumance à Besançon

Pour la cinquième fois, après l'annulation de l'an dernier pour cause de mauvais temps, les 80 chèvres de Philippe Moustache vont traverser la ville dimanche pour rejoindre leur première station de débroussaillage : la colline de Planoise. 1500 personnes sont attendues pour cette fête du printemps et de l'agriculture urbaine.

Philippe Moustache

Philippe Moustache est en passe de gagner son pari : installer un élevage de chèvres en milieu urbain. Il a commencé en 2005 avec quelques bêtes sur la colline de Bregille, il en a aujourd'hui 80. Elles passent l'hiver dans une ferme appartenant à la ville de Besançon et disposant de 8 hectares d'herbe dans le quartier semi-résidentiel des Torcols. « J'espère être là pour une dizaine d'années, mon projet est d'installer une ferme découverte, mais il manque encore de volonté politique », dit-il. La volonté ne lui a en tout cas pas manqué pour convaincre la collectivité, qui le soutient désormais, de confier l'entretien des collines  à ses herbivores. « Au total, elles travaillent maintenant sur une centaine d'hectares et plusieurs communes ». 
Sachant qu'un élevage extensif admet jusqu'à quatre chèvres par hectare, on est dans le très extensif, même si « la friche est moins nourrissante » qu'un pâturage. Un autre chiffre permet de bien saisir la tâche des débroussailleuses à cornes : chacune mange de 10 à 12 kg de matière végétale par jour. Le troupeau de Philippe Moustache en avale donc quotidiennement une tonne : « une chèvre mange tout le temps, ou alors elle dort ou rumine. Si l'on manquait de surfaces à brouter et qu'on ne contrôlait pas les chèvres, elles pourraient devenir de vraies prédatrices ».
Pour Johnny Magnenet, du service espaces verts de la ville, tout cela est « positif », même s'il « reste encore à faire ». Son objectif est de maintenir la biodiversité et les paysages ouverts « de manière douce » : « les collines ont tendances à se fermer, s'il n'y a plus de pelouse, cela devient une forêt. On essaie donc de redonner une vocation agricole à ces espaces abandonnés après l'arrêt de la vigne ». Pour ce faire, il n'y a pas que les chèvres.
Les jardiniers amateurs ont aussi un rôle : « on est tous gestionnaires de la nature, par exemple quand on installe un refuge à insectes dans son jardin, mais aussi quand on laisse une bande enherbée le long des sentiers lors de l'entretien. Cela sert de corridor aux espèces d'insectes qui sont à la base de la chaîne alimentaire des oiseaux... » On peut vérifier l'efficacité de la méthode avec quelques indicateurs comme les papillons rhopalocères ou certains oiseaux : « le torcol fourmilier  a besoin d'arbres morts et de cavernes, si ça se boise, il disparaît. L'alouette lulu vit aussi dans les espaces ouverts, elle est à Chaudanne... » Toute cette vie va avec un paysage que l'on se réapproprie. La présence des troupeaux apporte une autre dimension : l'animation, le « lien entre population et espaces naturels : des gens partent spontanément à la rencontre du berger... »
Reste qu'un berger est un paysan qui entend vivre aussi de sa production. Philippe Moustache a entrepris une formation de fromager et transforme chaque année les quelque 4000 à 5000 litres de lait en environ 8000 fromages de chèvre, fabriqués dans un petite laboratoire de 3 m2 de la ferme des Torcols. Il porte aussi un projet de magasin coopératif qui devrait voir le jour d'ici l'été dans le quartier Battant : « un local de 62 m2 avec un labo de 15 m2, partagé avec d'autres producteurs : maraîchage, salaison, miel, fromage de brebis, plantes aromatiques, ferme de la Petite échelle... On aura une vitrine sur le labo pour le côté pédagogique. L'objectif est de créer un emploi, j'ai même trouvé un producteur de lait de lait de vache pour qu'on fasse des fromages blancs, des yaourts, de la tome... »
Pour financer le projet, il a trouvé une piste : « on peut parrainer une chèvre pour 150 euros, contre 60 fromages ou un cabri ». La transhumance, devenue un événement du printemps bisontin, sera l'occasion, dimanche 14 avril, de présenter l'affaire au public. Il y a deux ans, 946 personnes avaient été comptées dans le sentier qui mène au sommet de la colline de Planoise. Philippe Moustache attend 1500 visiteurs cette année et se réjouit que le beau temps arrive pile ce jour-là. Au menu des nombreuses animations, figure ce qui est désormais une spécialité à déguster : le cabri grillé.  
 

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