Anne Vignot réduit le projet d’écoquartier aux Vaîtes

La maire de Besançon a réussi à mettre d'accord la majorité municipale sur moins de logements, un parc urbain, une école repositionnée au centre du projet d'écoquartier et diverses mesures en faveur de la biodiversité et de l'environnement. La facture s'accroît pour la collectivité. Le conseil municipal doit se prononcer le 30 septembre. Forte de victoires judiciaires ayant interrompu le chantier, l'association Jardins des Vaîtes entend « utiliser tous les moyens pour que ça ne se fasse pas. »

Il est encore trop tôt pour dire si la nouvelle mouture du projet d'écoquartier des Vaîtes se réalisera ou pas. Anne Vignot, avait voté la première version lorsqu'elle était adjointe à l'environnement de Jean-Louis Fousseret. Maintenant qu'elle lui a succédé, elle a présenté jeudi 16 septembre à la presse un projet « revisité » conforme aux engagements de la liste EELV-PS-PCF-AGC-GénérationS qu'elle conduisait en 2020. Cette nouvelle version a dû passer par trois filtres. Le premier était scientifique, un groupe d'experts pour l'environnement et le climat (GEEC). Les deux autres participatifs : une consultation numérique ayant suscité 1237 « réactions », et une conférence réunissant 50 citoyens « panélisés » selon six critères issus d'un groupe de 470 volontaires provenant de 12.000 tirés au sort sur la liste électorale. Cette conférence a rendu début juillet un rapport évoquant une position à la majorité relative de 18 participants favorables à une évolution environnementale du projet, 15 autres étant pour conserver le lieu sans construction et 8 ne les départageant pas.

Cela permet à la maire de faire passer à ses partenaires de la majorité municipale qui tenaient au projet quelques pilules amères sans en endosser toute la responsabilité. Car il lui fallait dans le même temps de solides arguments pour parvenir à donner un minimum de cohésion aux priorités apparemment divergentes de chacune des composantes de cette majorité. Les communistes mettaient l'accent sur le logement social, les socialistes refusaient d'abandonner un projet qu'ils ont porté, GénérationS insistait sur la biodiversité, A Gauche citoyens ne voulait pas renoncer à une nouvelle école.

L'école repositionné à proximité de la station de tram Les Vaîtes

Anne Vignot a donc divisé par deux le nombre de logements figurant dans le projet de 2011. Il devait y en avoir 1150, il est question de 500 à 600. La part des logements sociaux passe de 20 à 30%, soit de 230 à 150-180. Moins d'habitants, cela conduit à redimensionner l'école qui devrait être recentrée à proximité d'un cœur de quartier repositionné autour de la station de tram Les Vaîtes. Initialement prévue chemin de Brûlefoin, cette école devait prendre la place de maraîchers actuellement sous bail précaire : « ils restent là pour l'instant », explique Aurélien Laroppe, conseiller municipal (EELV) délégué à l'urbanisme.

Anne Vignot, maire EELV de Besançon

Les surfaces urbanisées parmi les 23 hectares de la ZAC passent de 16,4 ha à 11,45 ha, plusieurs parcelles constructibles devraient être classées NL (nature loisir) à l'occasion d'une future révision du plan local d'urbanisme (PLU) préconisé par la conférence citoyenne. Ce qui laisse de la place pour un parc urbain intégrant notamment un corridor écologique destiné, souligne la maire, à « donner sa place à la nature ordinaire », autrement dit à permettre le « maintien des cycles fonctionnels des espèces ». Problème : l'endroit est déjà occupé par de nombreux potagers plus ou moins informels. Ils occupent manifestement plus que 1,2 ha de jardins partagés figurant dans le projet revisité. C'est cela qui permet cependant d'affirmer que les recommandations du GEEC et de la conférence citoyenne – « quartier de jardin à préserver, développer l'agriculture urbaine, qualité agronomique des sols à préserver et exploiter » – ont été suivies.

12,8 millions d'euros : le coût d'un éventuel abandon du projet

Ces modifications impactent l'économie globale du projet pour lequel 4,5 millions d'euros sont d'ores et déjà engagés, notamment en études et acquisitions foncières. S'il venait à être abandonné, la mairie estime qu'il faudrait encore dépenser 8,3 millions d'euros, ce qui porterait le coût total d'une éventuelle « non opération » à 12,8 millions d'euros (lire ce que nous avons écrit sur le sujet en octobre 2020). Cette hypothèse n'est théoriquement pas à écarter, la coprésidente de l'association Jardins des Vaîtes Claire Arnoux, par ailleurs tête de la liste LFI aux municipales de 2020, annonçant « utiliser tous les moyens pour que ça ne se fasse pas », notamment juridiques (voir plus loin).

Selon les « considérations financières » figurant dans le dossier de presse, un renoncement coûterait davantage que le projet initial, estimé à 9,1 millions d'euros, tandis que le projet modifié est estimé à 18,7 millions d'euros. Interrogée sur ce doublement des dépenses, Anne Vignot l'explique notamment par la création d'un parc urbain (4,8 M€), la construction de parkings en silo (2,8 M€), des « remises en état » comme la restauration de la noue dont le creusement a été interrompu par la justice (1 M€), des « compléments d'aménagement avec Territoire 25 » pour environ 5 M€. Quant à la nouvelle école, déplacée sur le projet revisité, elle est évaluée à 9,5 M€ au lieu de 11,2 M€.

Anne Vignot : « On a tout fait. On ira jusqu'au bout. »

Le nouveau projet entend aussi répondre à la problématique juridique créée par les procédures intentées par les Jardins des Vaîtes. En appel, le Conseil d'Etat avait retenu l'argument de l'association qui mettait en avant l'absence d'étude alternative au projet initial des Vaîtes quant aux besoins de logements sur la ville. Interrogée sur ce point, Anne Vignot répond que « ce sera le travail du PLH (programme local de l'habitat, en cours d'élaboration) de poser les questions de ce développement sur le Grand Besançon ». Questionnée sur un éventuel dialogue avec les opposants dans l'éventualité d'une issue favorable pour elle des procédures judiciaires, la maire répond : « On a tout fait. On ira jusqu'au bout. »

Le projet doit être présenté au conseil municipal du 30 septembre. D'ores et déjà, l'élu MoDem Laurent Croizier estime qu'il va « dans le bon sens » mais aurait aimé davantage de logements. Et le président du groupe LR Ludovic Fagaut parle de « fiasco financier » tout en se demandant si le projet est viable avec 600 logements.

Sur le terrain, les jardins ont reconquis des parcelles abandonnées, voire détériorées par des engins de terrassement avant que le tribunal administratif les stoppe. La végétation a repris ses droits là où le sol avait été décapé ou creusé pour la noue, des potagers ont essaimé, des cabanes ont été érigées. Sur place, nous avons parlé jeudi avec trois usagers des lieux qui savent la précarité de leur présence, mais disent que ce n'est encore demain la veille qu'elles partiront...



Claire Arnoux : « Ils commencent à entendre qu'il ne faut pas construire sur une terre maraîchère »

Comment la coprésidente de l'association Jardins des Vaîtes que vous êtes juge ce nouveau projet ?

On s'y attendait. C'était dans le programme d'Anne Vignot. Il n'y avait pas besoin d'une conférence citoyenne. Le résultat était ce qu'elle avait prévu au départ. De la conférence citoyenne, elle ne retient que l'option qui n'a été majoritaire que de trois voix... La mairie continue à ne pas envisager d'alternative et persiste à vouloir construire aux Vaîtes.

Etes vous déçue ?

Non, plutôt désabusée, blasée. C'est la continuation de Fousseret alors que le réchauffement climatique arrive, qu'il faut stopper l'artificialisation des terres. Nous allons continuer à rester mobilisés. Nous allons utiliser tous les moyens pour que cela ne se fasse pas. On peut dire que la mairie bétonne 50% des Vaîtes. On a toujours gagné en justice. Au tribunal administratif qui a reconnu l'absence d'intérêt public majeur, au Conseil d'Etat sur l'absence d'étude alternative sur les besoins de logements. Ils ne veulent pas faire autre chose que du bétonnage car ils ont mis le doigt dans l'engrenage. Ils vont quand même devoir remettre en état ce qu'ils ont dégradé avec de l'argent public... Ils commencent à entendre qu'il ne faut pas construire l'école sur une terre maraîchère. Ils devraient nous entendre car nous sommes raisonnables. Ils nous disent que c'est mieux, mais on ne peut pas de satisfaire de l'horreur. Quelle mairie écologiste digne de ce nom peut bétonner 13 hectare ? Tout ça n'est pas sérieux. Devant l'opinion, ils devront faire comprendre que c'est mieux...

Il y a deux fois moins de logements que prévu...

Je ne dirais pas ça. Il y a une question de phasage. Ils font un projet moyen. Et après ?

Il est prévu de modifier le PLU...

J'attends de voir. Il y a un an, ils nous disaient que c'était impossible. Comment les croire ? Ils vont détruire des jardins... Sur la parcelle 6bis qu'ils veulent construire, il y a aujourd'hui des jardins...

Les jardins sont plus nombreux qu'il y a deux ans...

Oui, le confinement est passé par là. Il y a eu des départs massifs de Portugais qui ont abandonné leurs jardins, mais ils ont été repris. Ça a toujours été mouvant aux Vaîtes, c'est aussi ce qui en fait la beauté...

Quel est votre agenda d'ici le conseil municipal du 30 septembre ?

On a prévu d'installer un espace partagé à côté de l'arrêt de tram Vaîtes. Nous sommes dans la quatrième vague d'actions. Et nous appelons à un rassemblement devant le conseil municipal le 30.

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