Le « lean management » décortiqué

À écouter le secrétaire régional, Jacques Bauquier, conclure cette journée de formation syndicale, de nombreux salariés subissent le management « lean » comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. « On se rend compte que ce mode de management est en application partout. Les gens nous disent : on y est sans le savoir. Je découvre aujourd'hui que les traces de couleur sur le sol, dès 1995 chez Augé, où j'étais alors délégué, c'était du lean, sous prétexte de sécurité. »

À écouter le secrétaire régional, Jacques Bauquier, conclure cette journée de formation syndicale, de nombreux salariés subissent le management « lean » comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. « On se rend compte que ce mode de management est en application partout. Les gens nous disent : on y est sans le savoir. Je découvre aujourd'hui que les traces de couleur sur le sol, dès 1995 chez Augé, où j'étais alors délégué, c'était du lean, sous prétexte de sécurité. »
Qu'est-ce que le « lean », mot anglais signifiant « maigre » ? Inventée chez Toyota, c'est une méthode d'organisation de la production qui s'est étendue à de nombreux secteurs d'activité, y compris tertiaires. Elle est souvent apparentée au « juste à temps », au « zéro stock » et aux « flux tendus ». Rationalisant processus et postes de travail, elle aggrave les conditions de travail, accroît le stress et augmente l'absentéisme, conclut une des rares études sur le sujet, réalisée en 2006 par Antoine Valeyre pour le ministère du Travail.
Consultant chez Sécafi, société d'expertise missionnée par de nombreux comités d'entreprise pour évaluer comptabilité, nouvelles technologies et conditions de travail, l'ingénieur Philippe Rouzaud commence à avoir l'habitude du sujet. À tel point qu'il termine la rédaction d'un ouvrage grand public, à paraître en juin aux éditions La Découverte. « Je suis tombé par hasard sur le lean lors d'une mission. Le lien entre la méthode lean et les conditions de travail n'est quasiment jamais fait. Un problème est que le lean est rarement seul. Les directions d'entreprises parlent souvent, en même temps, d'amélioration des performances, d'externalisation de la production...»
Par exemple ? « En milieu hospitalier, on réduit les relations patients-soignants à une relation technique. Au CHU, les relèves entre équipes de jour et de nuit sont de vingt minutes, ce n'est pas assez », dit Gilles Spicher, délégué à l'hôpital psychiatrique de Novillars.


« Assez sournois »

Comment reconnaître qu'on travaille dans une organisation lean ? « Il faut se demander si on est heureux au travail ! », s'exclame un militant. Pas si simple : « Il faut d'abord trouver un minimum d'informations de base pour identifier que c'est bien du lean, ensuite trouver le lien avec la santé », dit Rouzaud. Maria, qui travaille dans l'industrie dans le Haut-Jura, fait part de son expérience : « C'est assez sournois, tout est organisé pour qu'on bouge le moins possible sur le poste de travail et, en même temps, on doit faire davantage de choses, prendre des notes pour la traçabilité. Les TMS viennent après. » Ce sont les fameux troubles musculo-squelettiques, en fait des tendinites tenaces, qui font exploser les statistiques de la médecine du travail.
« Le danger, c'est que le premier ressenti est positif, on ne découvre les problèmes qu'une fois qu'on est dans le nouveau processus de travail », analyse le consultant. « En fait, on est rarement missionné sur le seul lean, c'est généralement croisé avec d'autres sujets. Surtout, les directions contestent souvent le droit des comités d'entreprise à obtenir des expertises sur le lean en disant qu'il ne s'agit que d'une démarche. »
Comment déceler son arrivée ? « Cela peut commencer par le rangement d'un atelier d'une façon uniforme », dit Jean-Michel Dorst, également consultant à Sécafi, qui souligne le « décalage entre la mise en place du lean et la survenue de troubles psychosociaux ou des TMS ».
Comment éviter une situation de non-retour ? En remettant le dialogue social « sur ces sujets entre l'ensemble des acteurs : représentants du personnel, hiérarchie, médecins du travail, DRH...»


 

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