« Rentrer dans une grève c'est, pour beaucoup, se jeter dans l'inconnu, c'est comme monter sur un ring. C'est humain de ne pas monter si l'on n'est pas prêt » tient Jean-Pierre Mercier à ceux qui s'étonneraient que la lutte contre le plan Varin de réduction des effectifs ne se soit pas radicalisée plus tôt.
Une grève comme sur le ring
« Nous avons mené six semaines de grève en 2007, sans résultat. Cela en a dissuadé certains. A l'annonce du plan le 13 juillet, une organisation s'est mise en place. Le plan était attendu, le coup a été amorti. Il y a eu beaucoup de discussions, par bureau, par service, par secteur. Des revendications ont été collectées, discutées démocratiquement puis centralisées. La volonté est de ne pas tomber dans le chômage et la misère. Deux revendications principales ont été retenues : pour les anciens, pouvoir partir en pré-retraite à 55 ans et pour les autres obtenir un CDI. Après les vacances de Noël on a pu convaincre de faire la grève pour faire bouger Peugeot. On s'est dit, si on est minimum 200 sur les deux équipes, on démarre. Le 16 janvier, dans l'équipe du matin, on était 300 puis jusqu'à 600 les jours suivants. L'objectif était alors de bloquer la production de la C3 qui allait être transférée à Poissy. »
« Les chefs à Sochaux ne vous manquent pas »
A l'auditoire dont certains sont salariés de PSA Sochaux, Jean-Pierre Mercier fait remarquer : « Depuis une semaine des chefs manquent à l'appel à Sochaux. » Il attend quelques secondes : « Ils sont à Aulnay en groupe de 10 ou 50 pour intimider les grévistes ». A ceux qui manifestent leur solidarité (une collecte de la CGT de Sochaux le 30 janvier a permis d'envoyer 5.500 euros aux grévistes) il dit sa gratitude et comprendre encore la difficulté à étendre le mouvement. La grève se poursuit à Aulnay. Un comité de grève a engagé la plupart des organisations syndicales, y compris le SIA, « syndicat maison » majoritaire, qui trouvait les mesures de la direction « inacceptables ». Après une semaine, le SIA, la CFTC, FO et CFE-CGC ont appelé à la reprise du travail. Sur le site internet du SIA, on trouve une dénonciation de « violences, dérapages, pressions sur les salariés, fermeture de l'usine par la direction… conditions de l'exercice du droit de grève qui ne sont plus réunies. Un climat social tendu ne favorise pas l'avancée des négociations. »
Le conflit se durçit
Il n'y a pas d'alternative… à la lutte « classe contre classe » pour les militants ouvriers trotskistes de Lutte Ouvrière. La classe ouvrière, le « camp » auquel ils appartiennent demeure « la classe qui fait vivre tout le pays, le groupe humain porteur d'une transformation complète de la société ». Ils ne « comptent que sur leurs forces ». Le gouvernement socialiste ? « Il est à 200% avec le patronat et la bourgeoisie. Lutte Ouvrière voit confirmer le bienfondé de son appel à ne pas choisir entre Hollande et Sarkozy. » La crise de l'automobile ? « La crise est réelle, elle crève les yeux. Mais qui doit la payer ? Les familles ouvrières où le chômage frappe déjà ? Non. La famille Peugeot a réalisé six milliards de bénéfice ces dernières années. » Le jusqu'auboutisme dénoncé des grèvistes ? « Notre grève fait peur parce qu'elle peut donner des idées à d'autres. Depuis la visite aux travailleurs de Renault, il y a dix jours, la direction a mené une campagne de presse dénonçant la « terreur », engagé deux sociétés de sécurité qui interviennent illégalement dans l'usine. Le préfet couvre ces agissements et le parquet a fait convoquer sept personnes à la Sûreté territoriale. Puis quatre personnes ont été menacées de licenciement. »
Révolution et défense des acquis
Pour Jean-Pierre Mercier, coût du travail, compétitivité sont des hérésies. Il s'agit « des bénéfices que la bourgeoisie veut toujours plus importants et de mots magiques pour imposer tous les reculs. Les intentions de PSA sont révoltantes, il s'agit de faire un exemple. Ensuite ce sera plus facile pour Renault et d'autres de licencier. » Le langage volontariste de la lutte est inflexible. La CGT aux niveaux fédéral (métallurgie) et confédéral se voit reprocher un manque de soutien. On déplore que la direction de la CFDT vienne de critiquer sévèrement les grévistes. Pour Lutte Ouvrière, l'horizon révolutionnaire est toujours le même, celui de 1917 : « nous avons pour nous le nombre et un jour ils rendront gorge ». Pour l'heure l'inquiétude va à l'impact de la fermeture : 10.000 personnes dans le bassin d'emploi de Seine Saint-Denis qui est déjà sinistré par le chômage, aux travailleurs intérimaires, « aux plus âgés de Peugeot, souvent des travailleurs immigrés qui sont venus assez tard, à qui la direction propose un départ en retraite anticipée de trois ans mais qui à 63 ans n'auront pas leurs trimestres de cotisation, à ceux à qui on propose des congés de reconversion qui sont de fausses solutions. »