L’Assemblée nationale repousse la discrimination visant la presse en ligne

Intégrée par le Sénat dans la proposition de loi doublant les délais de la prescription pénale des crimes, une disposition discriminatoire à l'égard de la presse en ligne a été repoussée par un amendement socialiste et écologiste. Du coup, le vote de la loi est repoussé après une nouvelle navette avec le Sénat.

Il n'y avait que soixante deux députés lors de l'examen de la proposition de loi réformant la prescription pénale des crimes et délits. L'adoption d'un amendement présenté par Patrick Bloche (PS) et Isabelle Attard (écologiste), soutenu par le ministre de la Justice, a conduit au rejet du texte qui était issu d'une commission mixte entre sénateurs et députés. Cette commission s'était entendue pour largement atténuer la disposition initiale introduite par le Sénat visant à quasiment supprimer le délai de prescription de la l'injure et de la diffamation sur internet, notamment la presse en ligne, tandis que cette prescription restait à trois mois pour les autres formes de presse, y compris pour la presse imprimée dotée d'un site internet !

Ce compromis parlementaire n'ayant pas été validé par une majorité de 32 députés (27 contre), la proposition de loi devra repasser devant le Sénat avant une lecture définitive par l'Assemblée nationale. 

Sur le fond, les députés se sont affrontés sur ce qu'est la presse en ligne. Ceux qui approuvent l'allongement du délai de prescription des délits de presse à un an sur internet s'appuient, comme Georges Fenech (LR) sur « la persistance des contenus dans l’espace public » qui « facilite leur accessibilité » à l'inverse du « caractère momentané et éphémère d’un support papier ou audio ». Paul Giacobbi (PRG) va dans le même sens en affirmant qu'une publication n'est « jamais inaccessible » sur le web. Marie-Georges Buffet (PCF) a trouvé l'allongement « justifié et proportionné », mais s'est finalement abstenue.

A noter que Georges Fenech est de ceux qui souhaitent que les délits de presse ne soient plus du ressort du droit pénal, mais des tribunaux civils. Ce faisant, cette disposition un temps envisagée par des sénateurs, a disparu du texte. Elle aurait eu la très fâcheuse conséquence de frapper au portefeuille, ce qui est une censure assez efficace. 

A l'inverse, Christian Kert (LR), s'interroge : « S’opposer au principe de neutralité des supports en créant une discrimination entre presse imprimée et presse en ligne, et même, en quelque sorte, entre éditeurs de presse papier et éditeurs numériques, est-ce vraiment la bonne solution ? » Patrick Bloche (PS) défend « la loi de 1881 sur la liberté de la presse – et, plus largement, sur la liberté d’expression –, grande loi républicaine, [est] à cet égard parfaite puisque tout à la fois elle garantit la liberté de la presse et la liberté expression et en sanctionne les abus. »

Isabelle Attard pose sans doute l'argument le plus convainquant : « internet n’est pas un facteur aggravant, comme on l’affirme beaucoup trop souvent ici depuis le début de la législature : c’est au contraire, dans ce cas précis, un facteur facilitant lorsqu’il s’agit de pouvoir porter plainte (...). Il est nettement plus facile de surveiller des publications dont le support est numérique, puisqu’un moteur de recherche vous permettra, en un clic et en quelques secondes, de voir si des propos traînent sur la Toile. Ce n’est pas le cas de la presse papier. Vraiment, je ne comprends pas cette tendance que nous avons à considérer que du moment qu’il s’agit d’internet, il y a systématiquement un facteur aggravant. Internet est un support de communication comme un autre. Pour autant, nous devons être fermes : il ne s’agit pas d’y laisser traîner quoi que ce soit. »

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