Lancement de la « turbine verte » de General Electric à Belfort

« On continue de prendre des paris avec flexibilité et adaptabilité... L'objectif est en permanence d'éviter l'obsolescence... » La visite faite aux préfets de Franche-Comté et du Territoire-de-Belfort ainsi qu'aux élus et journalistes le 1er mars ne dérogeait pas au genre, elle était toute de promotion. Retour sur les enjeux de l'activité du géant de l'énergie qui va présenter un plan social le 13 mars.

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La visite se fait au pas de charge, lunettes de protection sur le nez, casque audio aux oreilles, dans les allées balisées de l'atelier d'assemblage puis sur le chantier du centre d'essai en cours d'achèvement. La veille, la direction de General Electric Power & Water (il y a peu, General Electric Energy Holding SAS) avait confirmé les rumeurs de suppressions de postes. Ce jour elle présente une réussite technologique, une perspective industrielle et un partenariat peu commun. Réponses à quelques questions :

Qu'est-ce que la General Electric ?

Le groupe GE company a été fondé aux Etats-Unis en 1892 à la suite de l'entreprise de Thomas Edison. Il a diversifié ses activités qui sont à présent la finance (33%), la fabrication d'infrastructures : moteurs d'avions, locomotives, turbines à gaz, équipements pétroliers, centrales (31%), les prestations de technologies d'infrastructures (30%), la fabrication de biens d'équipements domestiques et industriels (6%). Le chiffre d'affaires est réalisé pour moitié aux Etats-Unis et à près de 20% en Europe. Ses salariés sont un peu plus de 300.000 dans le monde et 11.000 en France dans vingt villes.

Présence de la multinationale en France ?

Le groupe est présent en France depuis 1971 et sur trois sites principaux : GE Healthcare à Buc en région parisienne, GE oil&amp au Creusot et GE Energy à Belfort pour son « quartier général européen ». Belfort est le seul site constructeur de turbine à gaz en France : fabrication des composants à Bourogne et assemblage à Belfort. Depuis 1959, 1.400 turbines y ont été fabriquées. Environ deux mille personnes y travaillent actuellement, dont 900 au siège social européen et 300 techniciens et ingénieurs au centre technologique. 

La dite « turbine verte » outil de la transition énergétique ?

Présentée ainsi, la nouvelle turbine à gaz 9FB05 sera produite à Belfort parce que les recherches nécessaires ont pu y être menées et qu'un centre d'essai pouvant l'accueillir y est en construction. La turbine de technologie FlexEfficiency est, selon le directeur Yves Menat, « conçue dès l'origine pour absorber une bonne part d'énergies renouvelables, solaire et éolienne. Elle peut faire face à des variations colossales. Elle pourra démarrer en 30 minutes, ce qui est très rapide. Son rendement sera exceptionnel, il dépassera 61%. C'est la première turbine d'une gamme novatrice appelée à évoluer et qui pourra être destinée aux pays en voie de développement grâce à son utilisation des énergies renouvelables. Une première turbine sera testée aux USA puis la suivante ira équiper la centrale thermique (à charbon) EDF de Bouchain dans le Nord en 2015. Nous avons ici à Belfort un partenariat idéal avec EDF et la haute main sur cette future centrale. » GE a consacré des ressources importantes à la réalisation de cette turbine : 500 millions de dollars en recherche et développement. La première livraison avait été annoncée en Turquie, elle n'est plus évoquée.

La part de l'argent public dans le projet ? 

La construction d'un centre d'essais adapté était indispensable pour la nouvelle turbine de près de 400 tonnes. Indispensable peut être pour garder GE à terme dans le belfortain. La Société d'économie mixte patrimoniale du Territoire de Belfort (Sempat dont le Conseil général est le premier actionnaire) a réalisé une bonne part de l'investissement immobilier du « stand » situé dans le parc urbain d'activités Techn'hom qu'elle a créé en 2005. Christian Proust, son PDG, considère « qu'il faut attirer le privé sachant que rien n'aurait été possible sans l'Etat dans ce qui se structure aujourd'hui comme la vallée de l'énergie. » La première pierre du bâtiment de 36 mètres de large sur 40 mètres de long, haut de 24 mètres, a été posée en décembre 2011. Une base de 12.650 tonnes de béton y a été coulée, la charpente combine 650 tonnes d'acier et autant de béton. Selon Pierre Etienne Pérol, directeur du Sempat, la construction « s'est faite avec General Electric en tenant compte au fur et à mesure de la connaissance du fonctionnement de la turbine. » D'un chiffre de 10 à 13 millions d'euros en 2011 on est passé à 16 millions pour Sempat. La partie bâtiment « simple par ses formes » va être livrée « ces jours-ci » et GE versera un loyer à Sempat (les loyers du groupe représentent la moitié du chiffre d'affaires de Sempat). Pour ce qui est du « process » (aménagement intérieur, notamment raccord de la turbine à différents réseaux), l'élaboration est plus complexe et devrait s'achever dans six mois. L'ensemble de l'investissement se monte à 40 millions d'euros (24 millions pour GE qui annonçait 15 millions  en juin 2011) et sera amorti en 12 ans. Tout ce qui concerne le process appartiendra à GE. A Belfort il sera possible de fabriquer entre 10 et 15 turbines « révolutionnaires ».

Un plan de réduction d'emplois dans ce contexte ?

Jusqu'à 200 postes d'ingénieurs et cadres seraient menacés sur les sites de Belfort, Bourogne et Chonas dans l'Isère (site d'usinage de 30 personnes). « Les carnets de commande sont moins bien garnis cette année, notamment à cause des prix du CO2, du charbon, des gaz de schistes qui font augmenter le prix du gaz » selon Yves Menat. Les turbines à gaz de 50 hertz, spécialités du site, sont vendues principalement en Europe et l'offre tend à y rattraper la demande. Les responsables syndicaux ne démentent pas la baisse d'activité : 49 turbines pour l'année qui commence contre 52 en 2012, un chiffre d'affaires prévisionnel d'un milliard d'euros contre 1,47 l'année passée. L'annonce en décembre 2011 du partenariat entre GE et EDF pour le « co-développement de la centrale verte » était présenté comme « créateur d'emplois et bonne nouvelle pour le développement industriel à Belfort. » D'autre part la situation financière de l'ensemble du groupe va permettre une redistribution de 18 milliards d'euros aux actionnaires cette année (annonce du 13 février).
La filière de l'énergie est une filière d'avenir, la réduction des émissions de gaz carbonique un gage aussi de cet avenir. Le marché de l'énergie est réputé insondable au delà de quelques mois. Tout en dépendrait, comme s'il était aussi un phénomène naturel. Il ne peut être le critère ultime de l'accès aux ressources dont l'humanité hérite et qu'elle transmet.

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