« Merveilleuse tourbière de Frasne... On voit pourquoi on est là... Ce que vous avez est unique ! » S'exprimant au début du neuvième séminaire de l'association Ramsar-France consacré au « partage des retours d'expérience sur les zones humides », la secrétaire générale de la Convention internationale zones humides, Martha Rojas-Urrego, se dit « très touchée ». Ce faisant, elle touche également celles et ceux qui agissent depuis des décennies pour rendre son cours et ses méandres au Drugeon.
Traité international « très moderne », la convention de Ramsar est, dit-elle, « la seule convention s'occupant d'un écosystème : les zones humides ». Signée par 169 pays, elle couvre les eaux douces et les littoraux, les massifs coralliens et les eaux souterraines. « C'est une convention visionnaire qui a le développement durable au coeur, c'est l'outil dont nous avons besoin, nous travaillons avec des villes, à la préventions des désastres, avec l'agriculture ».
Franco-colombienne, Mme Rojas-Urrego a fait des études d'écologie à Montpellier et de géographie à Aberdeen avant de diriger les parcs nationaux de Colombie puis d'intégrer l'Union internationale pour la conservation de la nature où elle a été chef de la diplomatie mondiale.
Elle sait qu'il y a encore fort à faire : « la valeur des zones humides, nous la connaissons, mais elle n'est pas connue. Elles accueillent 40% des espèces, sont à la base d'économies locales ou nationales, pensez au riz. 660 millions de personnes dépendent de la pêche dans les zones humides... »
Ces milieux jouent surtout un rôle primordial dans les équilibres : « 90% des désastres naturels sont liés à l'eau, mais les zones humides sont des éponges, elles protègent les côtes des tsunamis ou du changement climatique car elles ont un rôle dans la capture du carbone. Représentant 3% de la surface du monde, elles stockent deux fois plus de carbone que l'ensemble des forêts, soit 30%... »
Il y a cependant un gigantesque problème : « la valeur des zones humides est méconnue de la plupart des décideurs. 60% des zones humides ont disparu depuis le début du siècle dernier, 40% depuis les trente dernières années... Cette valeur n'étant pas reconnue, il y a de mauvaises décisions, au nom de la lutte contre les maladies, on les assèche. Mais on a une opportunité unique avec l'Accord de Paris sur le climat. Son objectif 6 sur l'eau ne peut pas être atteint sans conserver les zones humides, de même que les objectifs 14 et 15, ou les objectifs 1 et 2 sur la pauvreté ou la nourriture... »
Elle en tire une conclusion pour l'agenda 2015-2030 : « faire des plus de 2200 sites Ramsar des modèles de développement durale ». C'est sans doute pour cela que depuis deux ans, la convention a intégré la protection des tourbières. Elle estime nécessaire d'inscrire dans la liste des sites Ramsar « des écosystèmes mal représentés comme les tourbières dont certaines ne sont pas protégées ».
Elle conclut en évoquant le « pacte environnemental du président Macron » et indique que le modèle de gestion français, « avec ses pôles-relais, l'interaction entre élus et techniciens, est novateur ». La prochaine conférence des parties contractantes, dans un an à Dubaï, prépare un inventaire mondial des zones humides ainsi qu'une résolution sur le carbone bleu, celui que stockent les mangroves et prairies sous-marines...