« Soutiens à l'investissement coûteux et dispersés », « soutien au fonctionnement des aéroports », « soutien aux compagnies aériennes », « choix juridiques risques à l'aéroport de Dole », « soutien financier disproportionné » et « aides élevées au regard du trafic »... Le rapport de la Cour des comptes sur les aéroports de Dijon et Dole-Tavaux est sévère (lire le rapport ici).
Entre 2010 et 2013, les financeurs publics ont dépensé 21,9 millions pour Dijon-Longvic qui a fait le choix d'investir globalement, et 9,9 millions l'ont été à Dole où l'on a préféré investir en fonction du développement du trafic et où une nouvelle aérogare est prévue. Compte tenu des subventions à venir aux compagnies aériennes, c'est plus de 42 millions qui devraient avoir été versés d'ici la fin de 2016 sur les deux équipements.
« Retombées plus faibles que prévu »
Les magistrats qui contrôlent l'usage de l'argent public, observent également que « compte tenu de leur développement concurrent et de niveaux de trafic insuffisants, les deux aéroports ne sont pas parvenus à dégager un excédent brut d’exploitation, hors subventions des partenaires publics ». Ils signalent que les retombées économiques sont « plus faibles que prévu ». On subodore même du gaspillage quand on lit qu'après l'abandon des lignes régulières à Dijon, il reste une salle de bar-restauration rénovée vide.
Et si les investissements sur Tavaux « ont bénéficié largement à des entreprises jurasiennes, les retombées économiques apparaissent ténues » car l'aéroport « sert surtout à des touristes français, le trafic restant positionné sur des vols de départ ». Un audit commandé par le Conseil général du Jura avait bien envisagé 80 euros de retombées pour un euro investi, et même 540 euros à la fin de la délégation de service public, « les retombées seront éloignées de cette estimation compte-tenu de la faiblesse des touristes étrangers qui transitent sur la plateforme ».
« Trafic éloigné du seuil permettant de dégager un excédent brut d'exploitation »
Alors que Dijon tablait sur 190.000 et 250.000 passagers pour 2014 et 2017, il n'en avait enregistrés que 30.000 en 2013. Quant à Dole, si les prévisions ont été dépassées entre 2010 et 2013 « compte tenu du repositionnement sur les vols à bas coûts », atteignant 100.000 passagers l'an dernier, cet essor a été « concomitant d'une diminution du trafic dijonnais ». Quoi qu'il en soit, à moins de 150.000 passagers, le trafic cumulé des deux sites est « très éloigné du seuil permettant de dégager un excédent brut d'exploitation ».
Il déplore « la guerre stérile - à coups de subventions et sans doute de gaspillage d'argent public - entre les aéroports de Dijon et Dole. Mais aujourd'hui, l'aéroport de Dijon est fermé, et il n'y a pas d'autres choix que d'organiser la réussite de l'aéroport inter-régional de Dole. Comment peut-on imaginer une grande Région sans un aéroport ? »
M. Grudler considère qu'il serait « compatible avec la fréquentation d'autres aéroports pour ceux qui sont en marge de l'espace central : les habitants du sud de la Saône-et-Loire préfèrent peut-être l'aéroport de Lyon, ceux du nord de l'Yonne les aéroports parisiens, et ceux de l'aire urbaine Belfort-Montbeliard celui de Bâle-Mulhouse. Nous avons besoin d'un aéroport structurant, au cœur de cette nouvelle région, à l'image de la gare TGV structurante qui a pu se mettre en place entre Belfort et Montbeliard afin de poursuivre la construction de l'aire urbaine. Il pourrait être une vitrine et apporter un plus pour le développement économique et touristique de la région ».
La proximité des aéroports internationaux de Lyon, Bâle, Paris, Genève et Zurich aura entraîné un « taux de fuite » élevé, ces grands équipements croissant plus vite que les deux locaux. La cour des comptes estime qu'une concurrence délétère s'est développée et préconise de « rationaliser l'offre » en écartant définitivement le fonctionnement simultané des deux sites. Elle recommande de « mettre un terme au soutien aux deux équipements et envisager un scénario alternatif au développement de la desserte aérienne » : route, train et desserte des grands aéroports voisins.
Christophe Perny conteste la « vision à court terme » du rapport
La position de Christophe Perny, le président du Conseil général du Jura, est annexée au rapport. Il regrette de ne pas avoir été auditionné avant sa rédaction et « conteste sa teneur » en raison de sa « vision à court terme ». Mentionnant la responsabilité de l'Etat, il explique que le département « n'avait d'autre choix que d'essayer de le développer car il n'était pas de question, dans ces circonstances, de proposer sa fermeture. Quant à la rivalité entre Dole et Dijon, il n'en a jamais été question compte tenu que les 2 plateformes n'étaient pas en concurrence. Les liaisons aériennes mises en place par Dijon, ne l'ont pas été par Dole ».
Le socialiste Didier Migaud, ancien député de l'Isère, ancien président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, appréciera. Il était président de la communauté d'agglomération de Grenoble quand a été lancé le fameux stade des Alpes, 20.000 places, aujourd'hui très souvent vide... Surtout, l'investissement initial de 32 millions avait triplé, ce qui avait vallu quelques remontrances de la part de la...Cour des comptes !
M Perny assure que la plupart des investissements « ne résultent pas de choix politiques mais d'obligations » relatives à la sécurité et aux règles internationales. Il s'inscrit en faux contre les recommandations de la Cour des comptes : « proposer un scénario alternatif reposant, en partie, sur les possibilités de report modal (fer, route) montre une méconnaissance du contexte local avec Ia dégradation en particulier des possibilités de dessertes ferroviaires. L'abandon du projet de ligne TGV Rhin-Rhône, Bronche Sud en est un des exemples. Quant à la dimension sociale d'une fermeture de la plateforme de Dole Jura, la charge financière du Département du Jura face à la création des 65 emplois directs ou indirects créés, semble acceptable en comparaison du coût d'indemnisation de 65 demandeurs d'emplois supplémentaires, d'autant plus qu'en ce qui les concernent, il n'y aurait pas de retombées économiques à en attendre pour les territoires locaux ».
Le président du Conseil général ne répond pas à la question du risque juridique, soulevé par la Cour qui mentionne l'absence de notification à la Commission européenne des aides versées à l'aéroport.