La contestation du projet de Center parcs débouche sur la recherche d’alternatives

Une association d'entrepreneurs, réunissant économie conventionnelle et économie sociale et solidaire, vient de voir le jour : Initiatives Développement Jura. Son objectif : mettre en évidence les besoins économiques et sociaux d'un territoire et bâtir des projets locaux soutenus par les pouvoirs publics...

chevassus-assathiany

Une dizaine d'entrepreneurs jurassiens viennent de créer une association destinée à « repérer des initiatives et soutenir des projets dans le respect des personnes et de l'environnement ». Présenté ainsi, cela ne dit pas forcément grand-chose, hormis que l'idée est belle et généreuse. En fait, le déclencheur de la création d'Initiatives Développement Jura, ID-39, est le projet de Center parcs de la forêt de Poligny. Lors de la première réunion publique organisée par le Pic noir, association d'opposants au projet, deux hommes dans le public interviennent dans le même sens : Claude Chevassus et Laurent Assathiany.

Ils ne se connaissent pas, mais partagent une conviction : « on ne peut pas seulement être contre le Center parcs, il faut travailler à un projet alternatif », explique le second. « Il s'agit de ne pas être clivant. On est pour le développement du territoire, mais aussi le développement des personnes, le développement de l'homme et de tous les hommes à partir de valeurs », ajoute le premier qui avait lancé : « Si on avait tous ces fonds publics pour l'économie, ce n'est pas 300 emplois qu'on pourrait créer, mais 3000 ! »

Quelque temps plus tard, l'ex-président du Conseil général, Christophe Perny, défend le projet devant 300 personnes. Un jeune vigneron, Valentin Morel, l'interpelle sur le montant des subventions publiques par emploi : « 230.000 euros selon vos chiffres, 350.000 selon les miens ». Le lendemain, Ulysse Charpentier, patron d'une petite affaire d'import-export de fromage à Poligny, prend contact avec lui : « On est pour quelque chose d'autre ».

40 ans de chômage pour 300 personnes

Tous s'interrogent sur le coût du projet de Pierre et Vacances en argent public. Interloqués par les 70 à 80 millions d'euros que les collectivités projettent d'injecter dans le projet et ses à-côtés pour créer 250 à 300 emplois, pas tous de bonne qualité, ils en parlent autour d'eux et créent un petit groupe où cohabitent entrepreneurs de l'économie sociale et solidaire et de l'économie conventionnelle.

Il y a parmi eux Frédéric Fraichot, un conseiller financier. Il préside la CGPME du Jura, mais c'est à titre personnel qu'il s'engage dans ID-39 : « il s'agit de voir comment on peut faire de l'économie avec moins d'argent, avoir un projet économique de territoire et voir ce qu'il coûte. 52 millions pour 300 emplois, c'est l'équivalent des indemnités de chômage de 300 personnes pendant 40 ans ! Le Center parcs est un OVNI qui nous est tombé dessus sans qu'on n'ait rien demandé... Quand on voit qu'une mission revitalisation sur le Haut-Jura a coûté 2 millions d'euros pour 300 emplois... » Deux millions dont un tiers d'argent public.

Répertorier les besoins non couverts par les secteurs marchands

Il doute aussi des retombées économiques et sociales annoncées, autant pour la filière bois que pour la viticulture, le tourisme ou encore la construction : « les entreprises du Jura n'ont pas l'ingénierie thermique pour la bulle ». Il estime que la forêt de Poligny est « l'endroit le plus mal choisi » : s'il l'a été, c'est parce qu'il était pratique pour le promoteur de « ne traiter qu'avec un seul propriétaire », en l'occurrence la ville de Poligny. Il trouve aberrante la perspective d' « une conduite forcée pour amener l'eau depuis Syam : pourquoi pas la tour Eiffel ! » Est sévère pour le modèle économique : « il faut dépenser mieux l'argent de la Caisse des Dépôts et consignation, c'est celui de nos retraites ! »

« Ce n'est pas le travail qui manque, c'est l'emploi », a coutume de dire Claude Chevassus, qui préside ID-39. Petit patron chrétien social d'un commerce de pneus, il est déjà à l'origine de la création de l'association de lutte contre le gaspillage, qui fait de l'insertion et du recyclage d'objets de toutes sortes, d'Ecofor, une école de seconde chance. ID-39 entend explorer les « gisements économiques dans trois secteurs : les personnes âgées, la jeunesse, les chômeurs de longue durée », résume Valentin Morel. Il s'agit notamment de « répertorier les besoins non couverts par les secteurs marchands », explique Claude Chevassus.

Dans une rivière, ceux qui sont à contre-courant sont les poissons vivants,

Comme le démarrage des travaux de la Commission particulière du débat public est imminent, il n'y a pas de temps à perdre. Une chargée de mission doit « mettre en musique les propositions, collecter les informations auprès des secteurs concernés et des habitants, les gens ont plein d'idées », dit Claude Chevassus. « On veut repérer les lanceurs d'idées, regardez les besoins non solvables, regarder par exemple vers l'affouage que beaucoup de gens ne vont plus chercher », complète Laurent Assathiany. « On est dans une démarche prospective à partir de ce qui se sur le territoire, on veut initier un projet de société à travers tout ça : le vivre ensemble », dit Claude Chevassus.

Il n'a pas peur d'être à contre-courant : « dans une rivière, ceux qui sont à contre-courant sont les poissons vivants, ceux qui se laissent aller sont morts... » Valentin Morel est ravi : « c'est génial, la sociologie de cette association qui réunit petits patrons et écologistes, tous partis sur des problèmes économiques ». Pour sa part, il a en tête les besoins de son secteur : « la viticulture a besoin de planter 300 hectares, mais comment faire ? » C'est le thème de la prochaine réunion thématique de l'association. Un sommaire calcul aboutit à la création d'une centaine d'emploi si l'on prend l'hypothèse de la création d'une soixantaine de structures de 5 ha, générant chacune un vigneron ayant besoin 0,7 à 0,8 équivalent temps-plein. A environ 20.000 euros l'hectare de vigne nouvelle, entre achat, terrassement et plantation, le budget théorique est de 6 millions... « Si ça permet de changer les idées des élus... »

 

 

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