La Cité des arts : « la ville, le bois et l’acier… »

« J'ai voulu réunir la nature et la ville, le bois, le fer et l'acier... » L'architecte Kengo Kuma est sobre en inaugurant de la Cité des Arts que Marie-Guite Dufay qualifie de « geste architectural majeur » où se mêlent « la force et la quiétude ». La ministre de la culture Aurélie Filipetti évoque sa « priorité pour l'éducation artistique ». Mais qu'est-ce que l'art contemporain ? Réponses multiples parmi la foule de présents. Portes ouvertes ce week-end.

Cité des arts FRAC Franche-Comté Besançon

« J'ai voulu réunir la nature et la ville, le bois, le fer et l'acier... » Kengo Kuma est sobre en prononçant le premier des six discours inauguraux de la Cité des Arts. Il dit encore souhaiter, avec son architecture, « le bonheur pour tous », parle de « coopération réussie... » Sa « vision d'un trait de plume s'intégrant dans l'environnement », séduit Marie-Guite Dufay, la présidente du Conseil régional qui évoque un « geste architectural majeur » où se mêlent « la force et la quiétude ». Elle salue la décision de Raymond Forni de lancer un concours d'architecte, comme Jean-Louis Fousseret avant elle l'avait fait en prédisant que la Cité des Arts serait une « pièce maîtresse du patrimoine bisontin » pouvant entraîner une « filière de 250 entreprises et plus de 2000 emplois ». Car la culture est aussi « levier de développement économique », dit Claude Jeannerot, le président du Conseil général du Doubs, un « élément central d'attractivité et d'aménagement d'un territoire », complète le ministre de l'Économie « venu en élu local » Pierre Moscovici. Pour cela, conclut la ministre Aurélie Filipetti, nous avons « besoin de politiques d'investissements culturels ». Et pas seulement en vue d'une politique économique parce que la culture n'est pas que cela, comme l'avait rappelé Claude Jeannerot : « certains sont tentés de la remiser au rang du futile, de l'accessoire, du superflu, alors qu'elle est une nécessité ». Parce qu'elle est « importante pour nos vie et notre développement personnel », avait ajouté Pierre Moscovici. Ce faisant, Aurélie Filipetti évoque, « 30 ans après les premiers FRAC conçus par Jack Lang, une nouvelle impulsion » : « nous n'opposerons jamais le patrimoine à la création qui est le patrimoine de demain », dit-elle en affirmant sa « priorité pour l'action artistique et culturelle ».

Gilles Rondot : « les artistes voyagent, l'art contemporain est le reflet de l'état du monde »
«L'art contemporain, c'est quelque chose que beaucoup de gens croient ne pas comprendre car ils ne font pas l'effort d'apprendre les codes », dit le plasticien bisontin Gilles Rondot.
Faut-il vraiment des codes ?
« Oui, le monde est complexe et l'économie est mondialisée : les artistes voyagent, véhiculent des idées parfois obscures pour certains. Il peut y avoir aussi une première approche sensible : on est libre de ne rien ressentir. Il y a un deuxième niveau, celui de la compréhension de l'oeuvre à travers la connaissance de l'artiste et de sa démarche : une oeuvre contemporaine révèle une pensée qui peut être complexe... L'art contemporain est essentiellement international, c'est le reflet de l'état du monde. Pour comprendre la Chine, un des moyens est de regarder ses artistes. On peut dire la même chose de l'Inde ou de l'Amérique latine. Il faut restituer tout ça dans une histoire de l'art. L'art contemporain est né en Europe, correspond à une sécularisation de l'art qui était religieux jusqu'à la Renaissance ».
La sécularisation arrive-t-elle ailleurs qu'en Europe ?
« Elle n'arrive qu'à la fin du 20e siècle ailleurs. Dans les régimes communistes de l'Europe de l'Est, l'art officiel était l'équivalent d'un art religieux. Aujourd'hui, les artistes s'individualisent. C'est pareil pour le monde arabe et perse : on aurait pu anticiper sur les révolutions arabes en analysant l'émergence de l'art contemporain arabe. Au milieu de tout cela, il y a la question de la place de l'individu ».
Qui est en pointe ?
« Le Maghreb, l'Algérie... Des gens ne sont pas reconnus chez eux, deviennent nomades, vivent en Occident... »
Ce point de vue n'est pas partagé par le philosophe Louis Ucciani qui pense qu'on « revient au religieux ». La plasticienne Barbara Puthomme ne voit quant à elle « pas de différence entre art contemporain, art moderne et art préhistorique : l'art est une continuation... »

Le propos ministériel résonne dans l'esprit de Sylvie Zavatta, la directrice du FRAC, interrogée un peu plus tard alors que les premiers visiteurs découvrent les lieux : « l'histoire de l'art n'est pas dans les programmes scolaires, il en faudrait dès le collège, elle n'est pas enseignée au même titre que l'histoire de la littérature... Mais tout est lié : l'histoire, l'économie, l'art... Nous irons dans les collèges avec des oeuvres... » Avec quel personnel ? « Pour commencer un enseignant détaché de l'Éducation nationale. En 2014, nous aurons un chargé de diffusion avec un camion audio et vidéo...  Il faudra une préparation des enseignants... Jusqu'à 13-15 ans, les jeunes, c'est du bonheur : ils comprennent tout à l'art ».
C'est après que ça se gâte. Surtout quand on pose la question à la cantonade : qu'est pour vous l'art contemporain ? L'avocat Christian Dufay, l'époux de la présidente de région, le reconnaît avec humour : « Je suis ignare, j'ai une immense marge de progrès ». Le syndicaliste Gérard Thibord ne se prononce pas non plus : « je n'ai pas vu les oeuvres, mais moi, je suis peinture, je n'aime pas les installations, je ne suis pas trop sur les concepts... Après, il faut regarder ». Pour l'ancien adjoint à la culture, Marcel Ferréol, « c'est un mot valise où chacun met ce qu'il veut : il y a de l'extrêmement intéressant et du n'importe quoi ». La pontissalienne Liliane Lucchesi cherche un instant : « c'est un passage impermanent entre le passé et l'avenir qui donne des couleurs, des formes et un support pour la pensée au présent ». Jean-Pierre Chevènement  a « longtemps rêvé de doter Belfort d'un musée d'art contemporain, mais Maurice Jardot a fait une donation à la ville qui comble [ses] désirs... » Marie-Hélène évoque « une fenêtre sur le monde qui nous entoure, une anti-fermeture d'esprit, le manque d'ouverture d'esprit étant le principal fléau... ». « C'est compliqué car c'est en même temps que l'époque, donc dans une temporalité, et en même temps toute production artistique de cette temporalité n'est pas de l'art contemporain », dit François Fourreau. « C'est l'imagination au pouvoir », ajoute Rachel Fourmentin. « C'est le décalage avec le quotidien de tout le monde, c'est l'avant-garde, je l'ai toujours senti comme quelque chose en avance qui demande à être apprivoisé », dit Patrick Bontemps. Luis Ucciani, qui fut chargé de la politique culturelle de l'université, tranche : « ce qui m'ennuie dans l'art contemporain, c'est le mot contemporain : je crois à l'art, c'est le lieu des enjeux de sens, aujourd'hui ». Présidente des Amis du FRAC, Genevière Hartmann explique : « c'est un lieu où se côtoient l'utopie, la place de l'homme dans la société, un monde sensible et un monde rationnel. C'est indispensable à la vie... L'art est fait pour nous bousculer, l'art ne sert pas de décoration, il est là pour nous faire avancer ».   

 

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