Une petite centaine de congressistes représentant 32 syndicats d'entreprises auxquels adhèrent 1800 salariés, ont reconduit le cheminot José Aviles comme secrétaire de l'union locale CGT de Besançon. Il entame son troisième mandat de trois ans comme animateur d'un bureau de sept militants issus d'une commission exécutive de 27 membres se réunissant une fois par mois. A l'issue des travaux du congrès, il a participé à un échange avec Factuel et L'Est républicain en compagnie de quelques militants.
Vous annoncez 2210 cotisants à l'union locale. Pourquoi tous n'étaient pas représentés ?
José Aviles : Ils ont des problèmes de temps, n'ont pas toujours des moyens de délégation.
Guy Lazar (cheminot) : Le droit syndical n'est pas ce qu'on souhaite. Certains délégués syndicaux ont quinze heures par mois. Quand ils les prennent dans l'entreprise, ils n'ont plus huit heures pour participer à un congrès.
Didier Gautier (Besançon Mobilité) : La loi travail commence à entrer dans les entreprises... Dans ma boîte, certaines primes sont remises en cause...
Guy Lazar : Ce qui nouveau aujourd'hui, c'est la volonté de construire ensemble un rapport de force pour tous les salariés. Les services publics n'appartiennent pas à ceux qui y travaillent, mais à tous les salariés...
José Aviles : C'est ce qui va nous conduire à organiser un 1er Mai offensif, avec un village CGT des services publics, des stands postiers, gaziers, électriciens, cheminots, Direccte et inspection du travail, mais aussi de l'industrie.
Pour un problème de durée du travail tapez 1
Pour un problème de congés tapez 2...
Guy Lazar : Sans industrie, pas services publics. Et sans services publics, pas d'industrie !
José Aviles : Il faut un mois et demi pour avoir un rendez-vous à l'inspection du travail. Or, si un employeur propose un avenant à un contrat de travail, un salarié n'a qu'un mois pour réagir. Dans le même temps, la Direccte organise des réunions pour les chefs d'entreprises afin de leur expliquer comment mettre en place la loi travail...
Lors de la journée d'action devant la Direccte, on nous disait que le délai était de trois semaines pour un rendez-vous...
José Aviles : Et bien maintenant, c'est un mois et demi... Ils prévoient même une plateforme téléphonique nationale pour les renseignements en droit du travail, avec strictement une réponse à la seule question posée, alors que souvent un problème en soulève d'autres.
Est-ce que ce sera du genre « si vous avez un problème de durée du travail tapez 1, un problème de congés tapez 2 » ?
José Aviles : On va vers ça... Les gens viennent aussi à l'union locale. On est calés juridiquement, mais les délais sont courts... Je vous donne deux exemples. Un gars avait emmagasiné 60 heures supplémentaires avant la loi travail, elles ont toutes été payées, mais à 10%. Du coup, il perd 15%... Une salariée avait posé des congés et avait payé le billet d'avion de son voyage, mais son patron a refusé son congé. Que faire ? Avant, il pouvait refuser le congé au maximum un mois à l'avance, maintenant, c'est trois jours. Le risque, si elle part quand même, c'est le licenciement.
« C'est courageux de créer une section CGT aujourd'hui ! »
Guy Lazar : Lors du congrès, les sections du conseil départemental et du conseil régional nous disent que le bilan de la grande région, c'est que Besançon se vide. Cela rentre dans les faits : de plus en plus de services partent à Dijon.
Vous le mesurez en dizaines ou en centaines de postes ?
Guy Lazar : En centaines...
José Aviles, on vous a vu dans toutes les mobilisations. Trois mandats, c'est beaucoup, non ?
José Aviles : J'ai toujours la même volonté, la même pugnacité. Ça a été épuisant de militer contre la loi travail, mais riche d'enseignements. On a mis en avant la CGT comme fer de lance... La loi travail, c'est un recul pour les salariés, on l'avait dit, ça se vérifie... Et aux élections professionnelles on progresse, on a aussi de nouvelles adhésions. On a convenu au congrès qu'il fallait qu'on soit à l'offensive, on va aller sur Ornans, Baume-les-Dames...
Guy Lazar : C'est courageux de créer une section CGT aujourd'hui !
Vous avez de nouvelles sections ?
José Aviles : Oui, dans le bâtiment, la métallurgie, le nettoyage...
Guy Lazar : Se syndiquer, c'est faire acte de résistance. Souvenez-vous qu'on nous a traités de terroristes !
José Aviles : On a eu les gardes à vue de Cyril Keller, notre secrétaire général de l'union départementale, et d'un maître de conférence adhérent à la CGT...
« Seule, la CGT ne pèsera pas assez »
Comment ça se passe avec les autres organisations, vos partenaires du mouvement contre la loi travail ?
José Aviles : Il s'agit de toujours créer un rapport de force digne de ce nom. On a toujours cherché à faire l'unité syndicale... On invite les autres pour le 1er mai...
Guy Lazar : Dès le 30 mars, on a une journée nationale sur la protection sociale et les retraites avec l'ensemble des organisations syndicales... Nous sommes à la recherche de ça. Seule, la CGT ne pèsera pas assez.
On vous a vu parfois irrité devant les improvisations - la spontanéité - des étudiants...
José Aviles : On a eu de bons contacts... Beaucoup d'étudiants sont aussi salariés. Ils ont été invités à certaines intersyndicales...
Avez-vous abordé les risques que les salariés, voire les syndicats, soient sensibles à l'extrême-droite ?
José Aviles : On en a débattu... On y revient souvent, ça traverse plusieurs thèmes... Plus les services publics disparaissent, plus le terreau est fertile pour l'extrême-droite. Mais si on reprend les thèses du FN, il n'y a plus de syndicats !
Cyril Keller (secrétaire de l'UD) : Non, il y en aura, mais comme du temps de Pétain...
José Aviles : Ce ne serait plus le syndicalisme tel qu'on le connaît.
Cyril Keller : Au dernier conseil municipal de Besançon, le seul groupe à ne pas voter la motion contre la fermeture du bureau de poste Justice, c'est le FN !
« Des gens disent ouvertement : si c'est Macron ou Fillon qui est élu,
on aura Le Pen dans cinq ans, alors autant crever l'abcès maintenant ! »
Êtes-vous confronté, à la CGT de Besançon, à l'extrême-droite ?
Cyril Keller : On n'a pas connaissance de camarade s'affichant publiquement, pas de candidat FN, mais dans les urnes... Il y a des adhérents, pas des militants, qui adhèrent aux thèses du FN. Il faut le combattre, ouvrir les yeux. On met des formations en place pour expliquer l'imposture du FN.
Gilles Spicher (retraité de la santé) : Des gens disent ouvertement : si c'est Macron ou Fillon qui est élu, on aura Le Pen dans cinq ans, alors autant crever l'abcès maintenant ! Ils ont toujours un fonds xénophobe.
Cela s'entend ?
Gilles Spicher : Oui, oui... Les gens exposent leurs problèmes, puis finissent par dire : et regardez tout l'argent qu'on donne aux étrangers !
On est en plein dans le débat de l'élection présidentielle !
Tous : bien sûr !
Cyril Keller : On va distribuer des tracts pour remettre la question sociale au coeur de l'élection... Sur les services publics ou les retraites, on n'entend ien !
Les candidats d'extrême-gauche, Mélenchon et Hamon en parlent...
Cyril Keller : Hamon peu...
Guy Lazar : On n'appellera pas à voter pour quelqu'un !
L'union locale de Besançon a-t-elle, comme chez PSA, des problèmes internes générés par les rivalités politiques des militants, par exemple de LO et du PCF ?
Pas à Besançon. Il y a l'ensemble des tendances de gauche, mais sans coups tordus...
Quel bilan faites-vous des élections dans les TPE ?
Cyril Keller : On s'est déployé sur le terrain, on sait faire. On a discuté avec des salariés qui ont souvent des copains pour patron... Maintenant, il faut bosser entre deux élections, on est premier dans le Doubs...
Vous avez eu des convergences avec la CPME (ex CGPME) sur le travail clandestin... Vous pouvez travailler ensemble ?
Cyril Keller : Nous ne sommes pas fermés à un travail avec la CPME ou l'UPA qui est, par exemple, contre le travail du dimanche...