Jardins partagés : comment Besançon accompagne le mouvement

L'adjointe à l'environnement Anne Vignot a réuni une cinquantaine de porteurs de projets et d'initiatives pour leur faire partager les préoccupations règlementaires de la collectivité. Au-delà des principes qui réunissent tout le monde, elle a soumis un projet de charte aux amendements et aux remarques... Pas simple, la conciliation avec la spontanéité citoyenne...

jardin

Besançon doit son honorable statut de première ville verte de France à la forêt de Chailluz. Avec elle, les espaces verts représentent 37% de ses 6505 hectares. Sans les 1708 hectares de ce poumon forestier, les espaces verts publics ne représentent plus que 14,6%, soit quand même 700 hectares sur 4797...

Parmi ces 700 hectares (7 millions de mètres carrés), précise le site internet de la ville, les parcs, squares et jardins en occupent 200, les jardins familiaux 8 et les espaces naturels municipaux 100. Plus importants que les espaces sportifs de plein air (75 ha), ces espaces naturels sont une véritable mine pour la transition écologique et sociale. Des dizaines d'initiatives très localisées, le plus souvent collectives, associatives ou non, ont pour objectifs d'en transformer des petites parcelles en jardins potagers.

Facétieux jardinier...

Un des précurseurs bisontins de ce mouvement planétaire est peut-être ce jardinier facétieux qui avait planté il y a une dizaine d'années un pied de courgette dans un massif floral de la rue des Glacis, entre la gare Viotte et Battant... A Battant, justement, des militants de l'association Tambour-Battant initiaient en même temps des jardins partagés, d'abord à deux pas du Clos Barbizier, puis dans la cour de l'ancienne école maternelle Marulaz. Aux Chaprais, c'est à partir de l'association qui pilote le Café des pratiques qu'est né le jardin partagé de la Pernotte, à l'endroit même où la ville envisageait un immeuble d'habitation : il sera bien construit, mais dans le cadre d'un projet d'habitat participatif conservant le jardin...

Le jardin partagé de la Pernotte, à deux pas de l'école des Chaprais.
Rue de Reims à Planoise, à deux pas de l'école maternelle Champagne.

En février dernier, ce sont des habitants de la rue de Reims, à Planoise, qui ont entrepris de défricher quelques ares entre leur immeuble et l'école maternelle Champagne. Aidés par leur bailleur, la Saiemb, ils font des émules. Alors que nous nous faisions expliquer la genèse de l'histoire par Guy Baudouin, un voisin du bas de la rue lui demandait : « à qui s'adresser pour faire la même chose que vous ? On a l'espace qu'il faut ». Guy répond aussitôt : « venez cet après-midi, je vous expliquerai comment on a fait... » C'est l'heure de la sortie de l'école et une assistance maternelle vient chercher trois marmots : « je n'ai pas le temps de m'en occuper, mais c'est bien ce jardin, il nous apprend plein de choses ».

La pédagogie par les plantes : « simple et magique »

Un instant plus tard, Catherine Chirac, une enseignante, quitte l'école à son tour : « les gamins ont vu les préparatifs du jardin, c'est forcément bien pour eux, ils voient les couleurs, les choses dont on parle, réalisent que ça pousse et qu'il faut en prendre soin ». Le côté rue du jardin a un parterre de plantes aromatiques que chacun peut cueillir. Le côté square et jeux d'enfants a des fleurs pour attirer les insectes pollinisateurs, quelques pieds de maïs et de tournesol formeront une barrière protégeant le potager où la première tomate est encore verte. « On vous donnera des graines », dit Guy Baudouin. « C'est chouette », dit Catherine. En fait, la pédagogie par les plantes est « simple et magique, comme avec les animaux, on l'a vu quand on est allé à la ferme de Brussey ». 

Stéphanie Blais (en noir) et Audrey Pochon (à droite), des Incroyables comestibles.

A Montrapon, l'association Semons en famille s'occupe d'un jardin partagéPortes ouvertes dimanche 12 juin 2016 de 10 h à 17 h, au 8 chemin de l'Epitaphe : « un projet pour créer du lien et améliorer le cadre de vie. On a commencé par des randonnées dans le quartier pour identifier les secteurs à fleurir et on a maintenant un projet de bourse aux plantes », explique Anne-Monique Cuny, mercredi 8 juin au Kursaal où sont réunis une cinquantaine de porteurs d'initiatives ou de projets à l'invitation de l'ajointe à l'environnement, Anne Vignot (EELV).

Il y a là les animateurs du jardin partagé du quartier des Orchamps, des militants de la « réappropriation du parc Viotte par les habitants », le président de la MJC de Palente, Jean-Louis Pharizat qui soutient le projet des Orchamps qu'accompagne le bailleur Néolia. Audrey Pochon et Stéphanie Blais militent quant à elles aux Incroyables comestibles, un mouvement né dans le nord de l'Angleterre qui a essaimé dans le monde entier, porte des initiatives spontanées, des actes radicaux et défend une théorie pratique à visée sociale : « l'abondance partagée ». En observateurs, l'adjoint à l'urbanisme Nicolas Bodin (PS) et l'élue départementale et municipale Myriam Lemercier (PS)... 

Une charte et des principes

Une première réunion s'est tenue en février pour échanger. L'adjointe aimerait que celle-ci fasse avancer un projet de charte bisontine des « espaces végétalisés et partagés ». Neuf tables de six à sept participants sont invitées à commenter et amender l'ébauche qu'elle a apportée. Les principes de bases y sont réaffirmés : respect de l'environnement et prohibition des pesticides, intégration paysagère, autonomie et pérennité, convivialité et transmission des savoirs... 

Les jardiniers urbains n'ont pas de problèmes avec les principes, plutôt avec quelques détails où ils craignent que se cache le diable. Ainsi en va-t-il de la « sobriété des moyens » : « lesquels doivent être sobres ? », interroge finement Vincent Abellanet en soulignant l'écart entre « les six lignes d'engagements de la ville et la page et demi d'engagements des bénévoles ». Quelqu'un estime que « beaucoup reste à clarifier » et philosophe sur l'esprit du texte : « plus il y a de contraintes, moins il y a de bénévoles... » 

Neuf tablées au Kursaal pour réfléchir (vite) à un projet de « charte des espaces végétalisés et partagés de Besançon »

Anne Vignot entend bien, mais rappelle le cadre des échanges : « la ville est gestionnaire de ces espaces publics qui sont réglementés, elle a décidé de travailler avec vous pour voir comment les ouvrir à d'autres pratiques ». Elle lâche aussi que sa délégation, comme d'autres, est au pain sec et qu'il faut faire preuve d'imagination collective : « on a 30% de moins sur les dotations, ce serait plus simple de mettre du gazon partout, mais on est d'accord pour accompagner les initiatives citoyennes... »

« Travailler autrement »

Ces initiatives passent, pour la ville, par un chouia d'administration. Johnny Magnenet, du service espaces verts, présente le projet de permis de végétaliser, copié sur celui de Paris : un « document simple » qui doit permettre de « savoir à qui s'adresser » et de faire signer aux fameux porteurs de projets la fameuse charte...

Ce faisant, le service espaces verts dont les quelque 150 employés sont plutôt populaires à Besançon, est invité à muer. Il était habitué à s'occuper de ses platebandes un peu comme des pré carrés. Il pourrait progressivement se voir demander d'accompagner les citoyens jardiniers. « Jusque là, on lui demandait de travailler dans des normes, aujourd'hui ils travaillent autrement et s'y prêtent bien », assure Anne Vignot. Cela correspond justement au souhait exprimé par plusieurs citoyens jardiniers.

Mais manifestement pas par les militants de Nuit debout qui ont investi un petit bout des Vaites où ils ont créé une ZAC, ou zone à cultiver, en plantant quelques ares fertilisés avec du fumier. Signeront-ils la charte ? Leur sera-t-elle proposée ? Ils n'étaient de toute façon pas au Kursaal...

Une des deux parcelles de la ZAC des Vaites...

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !