Jacques Bahi : « je voudrais finir le travail commencé… »

Alors que les inscriptions à l'université de Franche-Comté sont en légère hausse par rapport à l'an dernier, les projets sont concentrés sur Belfort et Besançon à la Bouloie et à l'Arsenal. Les perspectives de recentrer le CLA à Saint-Jacques, et d'y construire la future bibliothèque, sont bien lointaines avec la baisse importante des crédits du Contrat de plan Etat-Région. Pour l'heure, le président Jacques Bahi entend conclure son projet de création de cinq collegiums qui risque de court-circuiter les facultés, avant de briguer un second mandat.

Jacques Bahi : « on ne fera pas des collegiums des organes décisionnels. » Ph DB

Il y a un style Jacques Bahi. Précis sans entrer dans les détails. Une façon de sourire aux questions tranchées. Sera-t-il candidat à un second mandat de président de l'Université de Franche-Comté ?, lui demandons-nous après qu'il a longuement, lors de sa conférence de presse de rentrée, développé le projet arrivant à son terme des collegiums. Il sourit en effet, comme surpris par une question qui semble couler de source tant ce qu'il vient de dire est structurant. « Oui, lâche-t-il, je voudrais finir le travail que j'ai commencé... » On se disait bien... Quatre ans après son élection en avril 2012, il entend rempiler.

On se disait bien que les cinq collegiums qu'il veut instituer dans l'université étaient son grand oeuvre. « Déjà vus » par le conseil académique, ils doivent être discutés par le conseil d'administration le 20 octobre et « définitivement adoptés » le 17 novembre. Ils doivent constituer un nouvel échelon, intermédiaire, entre les facs - les UFR - et la gouvernance de l'université. Il s'agit de construire une « structuration inter-facultés dont l'objectif sera de réfléchir à la stratégie de l'université en tenant compte de chaque domaine thématique. Le président de chaque collegium aura la possibilité d'un regard croisé sur chaque faculté et sera force de proposition aux conseils centraux. Le collegium était le chaînon manquant de la démocratie universitaire : donner la parole aux enseignants-chercheurs ». Chaque collegium aura un budget de « travail » afin que « le président organise des réunions, des déplacements, ait des échanges ». 

« Les facs y voient un affaiblissement de leur pouvoir »

Les cinq collegiums correspondent à autant de champs de formation : 1) sciences fondamentales et sciences pour l'ingénieur, 2) sciences de la nature, environnement et territoire, 3) sciences juridiques, économiques et de gestion, 4) sciences de l'homme et humanités, 5) sciences de la santé et du sport.
Selon le dossier de presse, ils sont « conçus comme le regroupement de disciplines partageant des modèles d'évaluation équivalents, et composés d'UFR, de centres de formation, d'instituts ou d'écoles, chaque collegium est envisagé comme une confédération adressant par délégation de ses membres, des avis et des propositions aux conseils centraux de l'université. Leur rôle est de participer à la réflexion sur la stratégie de l'établissement, ainsi qu'à se mise en oeuvre selon une feuille de route fixée par le président de l'université ».

Ne va-t-on pas couper l'herbe sous le pied aux UFR dont les « doyens », en fait les directeurs élus pour cinq ans, tiennent leur légitimité de leur élection par le conseil de gestion de chacune d'elles ? Jacques Bahi devance l'objection : « Ce n'est pas un travail facile. Les facs y voient un affaiblissement de leur pouvoir. Il a fallu un an et demi de discussion sur les statuts. Aujourd'hui, il est quasiment impossible au président ou au bureau [de l'université] de discuter avec l'ensemble des conseils de gestion. Mais on ne fera pas des collegiums des organes décisionnels. Les laboratoires ont compris qu'ils avaient un rôle à jouer dans la politique universitaire et en veulent encore plus. Nous sommes en équilibre, en arbitrage entre les deux... »

Jacques Bahi pointe le risque de voir un grand labo prendre une trop grande autonomie : « En sciences, des labos ont pris de l'ampleur. Il y a 700 chercheurs à Femto-SToù il est spécialiste de l’algorithme numérique et du calcul distribué avec application aux micro-capteurs et à la sécurité informatique.. Ils pourraient devenir demain des entités ayant leur vie propre ». Et de tirer à elles la couverture, et les financements, sans avoir pour autant une vue globale de l'intérêt de l'université : « il faut que les collegiums mènent leurs analyses sur des chiffres, qu'ils disent quelle la meilleure stratégie pour l'université... Je tiens à ce que ce soit acté avant la fin du mandat ».

« Garantir une certaine dose de subsidiarité »

« Tous les bacheliers de l'académie de Besançon ayant demandé l'Universite de Franche-Comté ont été inscrits »
L'augmentation régulière des inscrits en sports (+8,3% l'an dernier, +10,4% cette année) pose des problèmes d'accueil, les amphis étant trop petits ! On a donc dédoiublé certains cours, Jacques bahi assurant qu'« aucune capacité d'accueil n'a été fixée » et que « tous les bacheliers de l'académie de Besançon ayant demandé l'Universite de Franche-Comté ont été inscrits ». Comment sont financés ces cours dédoublés ? « Par des efforts de la part de l'établisesment », répond laconiquement le directeur. Pourquoi ne pas utiliser la PEDRprime d'encadrement doctoral et de recherche pour créer quelques postes ? « On ne peut pas en faire ce qu'on veut, sinon on serait hors la loi, cette prime est fléchée », répond Jacques Bahi.
La répartitions des étudiants par filière et par niveau figure sur les tableaux accompagnant cet article : cliquer dessus pour les agrandir.
La réorganisation de l'ESPE a pour conséquence de diminuer les inscrits dans les disciplines au profit de l'ESPE qui voit ses effectifs croître de 84%. Les apprentis en alternance à l'université étaient 399 l'an dernier.

Jacques Bahi entend aussi s'appuyer sur la candidature au projet i-site, porté par l'université fédérale - nom moins barbare que la COMUE-UBFCcommunauté d'universités et d'établissements Bourgogne-Franche-Comté - et « articulé autour de trois thématiques identifiées par les acteurs comme les axes identitaires et d'excellence rassemblant les grandes forces d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation du territoire interrégional », explique le dossier de presse. « On a été auditionnés en mai 2015 et on est parmi les huit propositions retenues sur treize ». Une seconde audition devant le jury international est prévue pour janvier où l'on saura si le candidat UBFC est retenu pour toucher une part de l'enveloppe du second programme d'investissements d'avenir (PIA2). Budgété 99 millions d'euros, un tiers (31 millions) est sollicité au titre du PIA2. De quoi payer quelques chercheurs, proposer des master-pro à des étudiants, apporter quelques débouchés à des entreprises des secteurs des « matériaux avancés, ondes et systèmes intelligents ; transition socio-écologique, agro-alimentaire ; traitements des maladies chroniques et inflammatoires, expertise humaine... »

Le président de l'université en profite pour défendre la construction en cours avec la Bourgogne : « Nous portons un schéma sans fusion depuis 2012, le ministère défend cette université fédérale. Nous entrons aujourd'hui dans une nouvelle ère. Il s'agit de fédérer la recherche dans la nouvelle grande région et de permettre de préserver l'identité des sites. pour cela, il faut garantir une certaine dose de subsidiarité qui garantir le fonctionnement de ce vaste ensemble. Maintenant, le plus important est de savoir quelle vision on a pour cette université fédérale. Aujourd'hui, elle n'est pas précise, est différente d'un partenaire à un autre. L'université de Franche-Comté défend trois principes : 1) c'est un lieu de formation et de recherche ; 2) il ne doit pas y avoir de césure entre licences et mastères, entre étudiants de licence et étudiants de mastère, entre enseignants et enseignants-chercheurs ;  3) je souhaite que l'i-site irrigue l'ensemble de la communauté universitaire, sinon ça tournera en circuit fermé ».

Y a-t-il un plan B en cas d'échec du projet i-site ? On verra... ou pas.

Pôle d'excellence énergie à Belfort

Vesoul conforté, Lons en danger
Un nouveau campus de Vesoul regroupe l'IUT et l'ESPE (ex IUFM, ex Ecole normale) et 400 étudiants au bord du lac de Vaivre : « le regroupement a fait faire des économies à l'université qui a fait un gros travail patrimonial », se réjouit Jacques Bahi en relevant « quelques DUT en manque d'attractivité ».
La situation est fort différente à Lons-le-Saunier qui n'a que 73 étudiants. « Le site doit être repensé, c'est difficile de mobiliser des enseignants-chercheurs pour aller y enseigner », dit le président de l'université en s'interrogeant : « que veut Lons ? Une vraie présence universitaire ? Nous avons une piste de réflexion avec l'université ouverte... »
Force est de constater que les publics ne sont pas vraiment les mêmes. Est-ce l'annonce, sans le dire vraiment tout en le disant, de l'étude du retrait de l'université de Franche-Comté du chef-lieu du Jura ? Ça y ressemble fort. A vrai dire, s'il y a une ville étudiante dans le Jura, c'est plutôt Poligny. Avec seulement 4200 habitants, la capitale du comté accueille 300 étudiants et stagiaires dans l'une des deux antennes régionales de l'ENIL et dispose d'une station de l'INRA. L'antenne de Mamirole propose d'ailleurs des formations conjointes avec la fac des sciences de Besançon...

De toute façon, il y a l'ordinaire. Le patrimoine. Les travaux finis, en cours ou programmés, voire envisagés à une échéance qui paraît s'éloigner sans cesse. Femto-ST est dans ses murs, « un bâtiment de 5300 m2 digne de son excellence » qui font de Temis-Sciences à Besançon « le plus grand équipement de recherche publique » de la région. Le labo Chrono-Environnement, regroupé sur la Bouloie, sera davantage « visible » : des travaux sont annoncés pour 2016, mais pour ce faire, il faudra « fermer le plus tôt possible le bâtiment de la place Leclerc », la passoire énergétique qui trône au milieu du beau jardin botanique qui a fait la fierté de Besançon. La MSHEMaison des sciences de l'homme et de l'environnement sera, en mai 2016, dans ses nouveaux locaux de l'Arsenal, libérés depuis un bon moment par la fac de médecine désormais à proximité du CHUR Jean-Minjoz. Chacun de ces deux chantiers est budgété 7 millions.

Il y a surtout le projet d'éco-campus prévu sur le site de l'IUT de Belfort. « Il s'agit de constituer un pôle d'excellence autour de l'énergie impliquant une complète réorganisation spatiale » avec formation et recherche. Le projet de « rénovation exemplaire, conçue dans une logique de chantier-école et démonstrateur sur le plan de la performance énergétique » est annoncé autour d'une vingtaine de millions d'euros dont 2,7 M€ inscrit dans le CPER et « déjà 19 M€ mobilisés » auprès des collectivités.

CPER en baisse : report des projets CLA et BUBM à Saint-Jacques

Au total, l'enveloppe universitaire du prochain contrat de plan, avec une vingtaine de millions d'euros actés, est décevante après les 70 millions du précédent. Cela renvoie aux calendes la perspective de rapprocher le CLA du campus du centre-ville. Il est actuellement logé à la City, une autre passoire énergétique qui a l'avantage de lui conférer une certaine « visibilité » dans la ville. C'est cependant ailleurs, autour du monde, que la visibilité du CLA, et donc de Besançon, est assurée, non sur le plan architectural ou patrimonial, mais par sa notoriété. Il n'y a « pas de vrai projet », mais une grosse envie de sa direction de le voir un jour sur le site de l'ancien hôpital Saint-Jacques. Jacques Bahi en convient : « on a envisagé de le mettre à l'Arsenal, mais il y aurait un problème de visibilité ».

Quand on évoque Saint-Jacques, on pense aussi bibliothèques. Un pluriel qui signifie universitaire et municipale. Les études de programmation menées avec la ville ont débouché sur un chiffrage de 30 à 35 millions. On a même entendu Jean-Louis Fousseret citer le chiffre de 40 millions. On est donc dans la perspective du CPER à venir. Le prochain, qui court de 2020 à 2025... Voilà, soit dit en passant, le type de projet nécessaire et utile, qui fournirait travail et emplois, apporté par de l'investissement public, que l'on doit reporter au nom de la dette privée transformée en grande part de la dette publique...  

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