« Immunité diplomatique » du lynx et marasme chez les éleveurs de moutons

L'assemblée générale du Syndicat ovin franc-comtois se tenait à Vesoul ce jour. Les éleveurs de la région, dont le cheptel est au 19ème rang français, se vivent comme les parents pauvres de l'agriculture en dépit d'une reconnaissance écologique de leur activité.

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« Les débuts de l'année sont inquiétants, ne mâchons pas nos mots. » Raphaël Farrugia, éleveur à Bonnefontaine dans le Jura et président du Syndicat ovin franc-comtois ne cherche pas à minimiser les difficultés. Mais devant les rangs clairsemés de l'assemblée générale de son organisation à Vesoul, il ne se résigne pas : « notre beau métier a de l'avenir car il y aura de plus en plus de consommateurs dans le monde, pour moins de terres agricoles et moins d'agriculteurs. » Selon lui, l'équation ne peut qu'« aller en faveur des éleveurs ovins ». Elle est complexe sans doute. Raphaël Farugia souligne donc qu'après une revalorisation des aides à l'élevage ovin en 2010, les éleveurs se trouvent à nouveau dans une situation de fragilité. Toutes les charges sont à la hausse « notamment le prix des aliments qui a triplé depuis 2007. » Le prix de l'agneau au premier semestre (5,79 euros le kilo) est le plus bas de ces quatre dernières années. Yoan Aguer, chargé de mission à la Chambre régionale d'agriculture explique : « les Britanniques ont connu de mauvaises conditions climatiques, ce qui a retardé la sortie des agneaux. Ceux-ci se sont trouvés sur le marché en même temps qu'une arrivée massive d'agneaux de Nouvelle Zélande et en France, d'une arrivée des agneaux de Roquefort. Les prix ont alors chuté. La Fédération nationale ovine (FNO) a encouragé les éleveurs à écouler un maximum de leur production », notamment en direction de la grande distribution. Là où, pour nombre d'éleveurs, leurs revenus sont le plus réduits. 

Pour un éleveur jurassien présent, « le marché mondial d'accord (la production française ne fournit que 43% de la demande, les éleveurs ne contestent pas la nécessité d'importer dans ces conditions, NDLR), mais c'est l'éleveur qui est l'oublié dans la filière. Il serait intéressant de faire une moyenne entre les prix de commercialisation de la grande distribution et les prix en circuit court.» Ce dernier mode semble avoir la faveur des éleveurs pour « valoriser leurs produits ». L'élevage ovin est « par nature très proche du bio. » Il est considéré comme un rempart contre la friche, un renfort de la biodiversité mais la certification bio n'est pas encore accessible notamment à cause d'un prix élevé de l'alimentation et du fait d'un cheptel assez réduit.

Une majorité d'éleveurs haut-saônois  

Les éleveurs de moutons savent qu'ils représentent une petite part de l'activité agricole de la région, « la queue de peloton » comme le dit Raphaël Farrugia. De plus, ils sont peu nombreux à adhérer au syndicat ovin : 77 en décembre dernier (90 en 2010) pour environ 480 exploitations de plus de 10 brebis. « Nous sommes venus à Vesoul pour encourager les Haut-Saônois à se fédérer, c'est difficile mais important car ils sont majoritaires dans la profession » insiste le responsable syndical en phase avec l'animatrice et le chargé de mission de la Chambre régionale d'agriculture. C'est aussi l'héritage d'une rivalité quand existaient deux coopératives, l'une en Haute-Saône et l'autre dans le Jura. La première a disparu et le syndicat s'est constitué sur les fondements de la seconde. A ce jour, 43% des adhérents sont installés dans le Jura, 30% dans le Doubs, 26% en Haute-Saône et 1% dans le Territoire de Belfort. C'est probablement pourquoi Raphaël Farrugia se veut mobilisateur : « nous sommes une petite confrérie mais c'est en restant unis et soudés que nous pourrons aller de l'avant. » Il compte sur les jeunes éleveurs, leur installation dans « les nombreuses exploitations qui vont se libérer dans les années à venir » tout en pointant une difficulté « à toucher ceux qui pourraient céder leurs élevages ». Une autre équation à résoudre comme celle du retour de certains locataires de la forêt…

Quid des prédateurs naturels ?

C'est un sujet de troubles, « l'année 2012 a été agitée » même si le président du syndicat reconnait qu'il s'agit surtout de quelques exploitations attaquées de façons récurrentes et qu'« ils ont aussi le droit d'exister ». Le lynx représente cette menace, dans le Jura. Selon Raphaël Farrugia, « l'administration locale s'est mobilisée. Une demande de prélèvement a été faite au Conseil National de Protection de la Nature qui a refusé et répondu qu'il fallait plus de protection. Des opérations d'éffarouchement ont eu lieu à l'automne mais il est difficile de maintenir une telle mobilisation. Des propositions plus durables sont encore à trouver. Il n'y avait qu'un lynx en 2007, ils sont cinq ou six maintenant car rien n'a été fait. La situation s'est bloquée du fait d'une immunité diplomatique que les environnementalistes veulent accorder au lynx. »

Le loup, lui, est de plus en plus repéré au sud du Jura et surtout dans les Vosges (plus de 80 attaques l'année passée) mais sa présence en Franche-Comté n'est pas certifiée. Deux attaques, début février et en fin d'année, sont considérées comme pouvant lui être imputées. Les éleveurs relèvent que le ministère de l'Ecologie a évolué et est conscient des difficultés de gestion de sa présence, différentes en montagne et ailleurs où les troupeaux ne sont pas aussi rassemblés.

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