« Il faut sauver la biodiversité des espèces domestiques ! »

Les vétérinaires du Groupement d'intervention et d'entraide Zone Verte, basé à Arbois, considèrent que les conditions d'élevage des volailles du Sud Ouest sont favorables à la diffusion de la grippe aviaire. Dans cette tribune, ils estiment que « la concentration actuelle de la production de poussins et canetons est une folie qui ne peut aboutir qu'à des catastrophes... »

volailles

Une nouvelle crise "sanitaire" défraie la chronique et frappe une nouvelle fois les élevages de palmipèdes du Sud-ouest. Essentiellement la filière intensive de production de foies gras. Cette crise diffère de celle de 2015.

Les formes d'influenza aviaire en cause sont en effet différentes. Lors de l'hiver 2015-2016, plusieurs "virus" étaient en cause. Sur les palmipèdes, certains étaient fort pathogènes d'autres très peu. Ce qui signifie que de nombreuses volailles ont été touchées, et sont devenues porteuses saines. L'enquête réalisée par l'État mettait hors de cause les migrateurs, habituels boucs émissaires en matière de pathologies aviaires. Il apparaissait donc que la cause la plus probable de cette crise soit une "mutation" d'un virus banal faiblement pathogène chez les oiseaux. Il existe en effet de très nombreux virus grippaux naturels et peu pathogènes.

Pour cet hiver, on voit émerger un virus H5N8 hautement pathogène. La contamination de plusieurs élevages du Sud-Ouest assurée par un élevage du Tarn a été clairement établie. Parallèlement, des oiseaux sauvages, notamment en baie de Somme, seraient morts d'un virus H5N8. Cependant, le virus H5N8 retrouvé sur les oiseaux sauvages du Nord de la France (origine Nord de l'Europe) n'est pas le même que le virus H5N8 retrouvé chez les canards d'élevage (origine Croatie).

Concentration : Perte de biodiversité

Le problème principal particulièrement dans la filière volailles et palmipède est évidemment la grande perte de biodiversité. Les structures des accouveurs sont de plus en plus concentrées !!!! Car même les volailles des petits élevages (moins de 50 animaux), même les volailles de basse-cour sont achetées aux mêmes couvoirs, éventuellement en passant par un intermédiaire qui les "démarre". Exemple : il n'y a qu'un seul accouveur en Dordogne !

Orvia (spécialisé en canards et oies) devient un accouvoir international et achète "ses concurrents". Lorsque l'on sait qu'un virus est une information génétique (brin d'ARN ou d'ADN), il est évident que l'élevage des volailles, tel qu'il est organisé aujourd'hui, est très favorable à la diffusion de cette information virale d'autant plus que la filière intensive et/ou industrielle concentre en permanence un grand nombre d'animaux sensibles, du même âge, privés de diversité génétique et soumis à une alimentation industrielle intensive elle aussi très peu diversifiée.

Intensification + concentration = terrain favorable aux formes pathologiques

La réaction des autorités pour protéger les droits d'exportation (du foie gras en particulier) hors territoire national malgré les contraintes des règlements internationaux et européens a consisté à exiger le vide sanitaire des élevages pendant plusieurs mois et la désinfection considérant que seule l'absence d'animaux sensibles peut arrêter la propagation des virus. Les mesures de biosécurité ne remettent pas en cause le système intensif et pyramidal de cette filière. Ces mesures consistent essentiellement à isoler les animaux dans des "bulles stériles", avec un léger assouplissement pour les éleveurs assumant toute la partie élevage et vendant directement aux consommateurs. C'est un grand effort demandé aux éleveurs, mais sans aucune garantie qu'à la suite de la réintroduction d’animaux dans les mêmes formes d’élevages le problème ne réapparaisse pas immédiatement. Car c'est l'intensification et la concentration des élevages qui créent le terrain favorable à l'émergence permanente de formes pathologiques qui sont la réponse des animaux à des conditions de vie insupportable.

Reprendre en main la reproduction des volailles

De plus, les éleveurs sont obligés de « subir » une formation sur la Biosécurité dont les mesures préconisées ne sont applicables que dans les élevages industriels. En cohérence avec notre analyse nous, vétérinaires du groupement Zone Verte ne pouvons pas être formateurs "biosécurité", et nous ne souhaitons ni soutenir ces décisions ni en devenir complices !

Une vraie solution consisterait à reprendre en main la reproduction des volailles sur chaque ferme ou sur un territoire plus local (et non international !). La concentration actuelle de la production de poussins et canetons est une folie qui ne peut aboutir qu'à des catastrophes. Il faut sauver la biodiversité des espèces domestiques !

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