Hubert Montagner : « L’observation a conforté nos recherches et notre théorie »

Ancien directeur de recherche à l'INSERM, le psycho-physiologue revient sur les recherches conduites à Besançon qui ont bouleversé le regard sur la petite enfance, et sont à l'origine de la création en 1984 de l'antenne petite enfance.

Arrivé à Besançon comme maître de conférence en 1968, Hubert Montagner est resté 19 ans à la fac de sciences où il a notamment participé à la création du laboratoire de psycho-physiologie. Il y a mené des recherches qui ont bouleversé le regard sur la petite enfance. Invité mardi dernier par Barbara Romagnan pour une conférence débat avec la psychologue Sylviane Giampino, il s’est rendu mercredi à la crèche de l’Antenne petite enfance de la Maison de la famille créée il y a 27 ans à partir de ses travaux théoriques.

La reconnaissez-vous ?

Oui… Je ne l’ai pas revue depuis 3 ou 4 ans. Il y a sans arrêt des améliorations, dont le lieu d’accueil. Les enfants doivent s’y sentir rassurés, apaisés, mais aussi les parents : c’est important qu’ils puissent accompagner l’enfant dans le lieu…

N’est-ce pas toujours le cas ?

Il arrive que les parents n’y aillent pas… On n’attache pas assez d’importance à l’accueil. Il est important de dépasser les conflits éventuels, les frustrations, les colères… Cela doit s’apaiser en arrivant à la crèche.

Comment avez-vous contribué à la création du lieu ?

À partir de nos recherches, avec Yvette Durin, conseillère pédagogique, Mme Ménétrier, Pierre Burtel, responsable du CCAS de Vesoul… C’était un lieu répondant à un besoin. La petite enfance a besoin de sécurité affective, de sommeil, de liberté d’exploration, de découverte, de transformation des objets.

Toutes les crèches ne sont-elles pas ainsi ?

Il faut encore convaincre de l’importance des besoins des enfants. On se focalise souvent sur l’alimentation, la propreté, les soins corporels et tout cela est assuré. Mais ici, le lieu de sommeil qui est un cocon se prêtant à l’endormissement, au rêve, chaque enfant peut s’endormir à côté de l’enfant qu’il veut…

Il y a une piscine à coussins !

Pour le jeu. Certains n’hésitent pas y plonger. Il y a aussi une piscine à balles…

Quelles différences ?

Les balles font du bruit, se lancent, se tendent, se prêtent à interactions. Il y a aussi une piscine à mousses, silencieuses, empilables. C’est là que se développent des comportements fondés sur la socialisation : offrir, caresser, embrasser, être complice…

Ne le fait-on pas ailleurs ?

On le fait mieux ici, il y a davantage de coopération : entre 13 et 16 mois, des enfants coopèrent pour transporter un matelas à deux ou trois…

Vous vous extasiez de cela ?

Oui ! C’est la base de la coopération, cela permet aux petits d’installer un matelas où ils veulent. En même temps, tout est conçu pour que les enfants rencontrent leurs limites sans les dépasser, pour qu’ils n’aient pas d’accident.

Quel bilan tirez-vous après 27 ans ?

Les observations confortent ce qu’on a fait.

Le lieu a-t-il été un modèle ?

Il a créé une impulsion, mais des gens se sont enfermés dans la routine. Ailleurs, c’est l’architecte qui décide alors qu’il est incompétent dans le développement des enfants.

Comment cela a-t-il commencé à la faculté ?

J’avais orienté le laboratoire sur le développement des organismes sociaux. Il y avait un pôle sur les insectes sociaux, un sur les petits mammifères (le lérot) et un sur la petite enfance avant la parole, qu’on a étendu ensuite à la maternelle. Le premier groupe avait été créé avec des psychologues scolaires. Cela a été compliqué pour eux au début, l’observation était difficile, avec castelet, vitre sans tain, caméra. Nous avons été les premiers à montrer les leaderships chez les petits, comment s’organisent les offrandes, les coopérations, le contexte des menaces et des agressions, comment cela se régule. À l’occasion d’une seconde recherche, nous avons été les premiers à démontrer la reconnaissance mutuelle des odeurs entre mère et enfant. Cela nous a conduits à étudier les rythmes, les processus d’adaptation des organismes selon la veille et le sommeil. Il est d’ailleurs remarquable que des parents nous aient tolérés chez eux pour que nous mesurions l’heure de l’endormissement !

C’est à partir de ça qu’est née l’antenne petite enfance ?

Oui, à partir des données de la recherche et de ses développements théoriques !

 

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